Osez placer une partie de votre patrimoine en Bourse, diversifiez à l'échelle de la planète et n’oubliez pas de choisir des fonds aux frais de gestion réduits: tels sont les conseils de Jacques Berghmans, cofondateur de TreeTop Asset Management.
1) N’ayez pas peur de la Bourse
"Environ la moitié du patrimoine des Belges est investie dans l’immobilier, à laquelle il faut ajouter 40% en obligations et en comptes d’épargne", chiffre Jacques Berghmans. "à peine 10% des patrimoines sont aujourd’hui placés sur les marchés d’actions. Pour de nombreux investisseurs, c’est beaucoup trop défensif: si vous êtes propriétaire de votre habitation et que vous avez un revenu, vous pouvez souvent placer en Bourse une bonne partie du patrimoine mobilier dont vous n’avez pas besoin à court terme."
La répression financière, c’est-à-dire le fait que l’argent placé sur le compte d’épargne perde de son pouvoir d’achat, n’encourage-t-elle pas les épargnants à se tourner vers la Bourse? "Pas avant quelque temps, je le crains", soupire le cofondateur de TreeTop Asset Management. "C’est ancré dans l’esprit des Belges: la Bourse est un casino. Or, elle n’est pas plus risquée que les obligations et l’immobilier! Elle affiche juste un profil de risque différent: elle est plus rentable à long terme mais présente une plus grande volatilité à court terme. Elle a donc toute sa place dans un patrimoine diversifié."
D’un point de vue historique, les actions constituent en effet la catégorie d’actifs la plus performante, souligne Jacques Berghmans. Entre 1900 et 2014, les Bourses mondiales affichent un rendement annuel moyen de 8,3% en données non corrigées pour l’inflation. Si nous appliquons ce rendement à un montant de 5.000 euros, nous obtenons un capital de 11.098 euros après dix ans. Après vingt ans: 24.634. Dix ans plus tard: 54.679 euros. Si le même montant est placé sur un compte d’épargne, le capital constitué ne dépassera pas 7.330 (dix ans), 10.746 (vingt ans) et 15.756 euros (trente ans). "Le carnet d’épargne est un très mauvais investissement si votre objectif est par exemple de maintenir votre niveau de vie dans 15 à 20 ans lors de votre pension. Que vous importe la valeur de votre portefeuille d’actions dans un an si votre objectif est à 15 ans? Trop souvent, l’investisseur particulier belge guette la prochaine vague au lieu de garder le cap."
Il n’existe aucune raison de penser que les rendements des actions soient sous pression, remarque Jacques Berghmans. "Les actions ne sont pas particulièrement chères à l’heure actuelle. Le ratio cours/bénéfice moyen des actions américaines fluctue par exemple autour de 15. Soit légèrement sous la moyenne historique."
2) Diversifiez vos placements dans le monde entier
"La majorité des investisseurs belges sont exclusivement actifs sur la Bourse belge", remarque encore le spécialiste. "Et lorsqu’ils s’aventurent en dehors du marché national, ils se limitent généralement à l’Europe. Ce n’est pas une bonne stratégie. Les économies belge et européenne sont en phase de stagnation. En tant qu’investisseur, vous devez élargir votre horizon et profiter des richesses qui sont créées dans le reste du monde."
La première règle dans la gestion d’un portefeuille d’actions est de diversifier les sources de risque et de rendement. On peut avoir un portefeuille de 40 actions et ne pas être diversifié du tout. Beaucoup d’investisseurs novices sont guidés par les performances précédentes: ils investissent dans les actifs, les pays ou les secteurs qui ont le mieux performé par le passé, souvent lorsque leur cycle arrive en bout de course, et subissent alors des pertes importantes, vendent et se détournent de la Bourse, dégoûtés par celle-ci. "L’important, pour obtenir un rendement régulier à terme, est d’investir dans un portefeuille diversifié en termes de zone géographique et de secteur économique et d’attendre: fuyez les intermédiaires qui vous proposent des produits qui se concentrent sur un secteur ou une région unique, ou qui vous conseillent de vendre au plus bas et d’acheter au plus haut", poursuit Jacques Berghmans.
3) Attention aux frais
Droits de garde, frais de gestion, droit d’entrée, frais de tenue de compte, frais de transaction… sans oublier les taxes et impôts, diminuent le rendement de tout investissement. Selon Jacques Berghmans, l’investisseur sous-estime souvent l’impact à moyen et long termes des frais prélevés sur son investissement.
Pour illustrer son propos, il prend l’exemple d’un investissement de 1.000 euros sur lequel on enregistre un rendement brut de 9% par an. Capital disponible après 25 ans: 8.623 euros. Imaginons que les divers frais de gestion de cet investissement accaparent chaque année 2% de ce rendement (hypothèse assez réaliste pour une gestion active). De ce fait, le client n’obtient que 7% de rendement net par an. Le capital disponible après 25 ans n’est alors plus que de 5.427 euros: 42% du gain en capital s’est volatilisé en frais divers! En réduisant les frais de gestion à 0,5% par an, le capital de 1.000 euros se monte à 7.687 euros après 25 ans. Cet exemple démontre l’intérêt que présente la gestion passive pour les investisseurs. En effet, dans le cas d’une gestion passive, les frais de gestion ne dépassent souvent pas 0,5%
Or, aux yeux de Jacques Berghmans, la gestion active proposée aux investisseurs est trop souvent de la gestion quasi passive avec des frais de gestion élevés. Elle n’apporte alors aucune plus-value, au contraire.
Les partisans de la gestion active affirment qu'elle permet d’obtenir des rendements plus élevés qui compensent largement les frais de gestion supérieurs. Dans l’exemple ci-dessus, ce sera peut-être un rendement de 12%, qui permettrait au client d’obtenir au bout de 25 ans un capital de 10.835 euros (rendement net de 12% - 2%). Cependant, pour obtenir un tel écart de rendement, il faut des gestionnaires qui osent avoir des convictions et s’écarter résolument des indices.
Jacques Berghmans rappelle toutefois une statistique assez méconnue: depuis 1928, seuls quelque 3% des gestionnaires de fonds actifs sont parvenus à battre le marché pendant plus de 10 ans aux États-Unis[1]. Ces chiffres confirment les recherches menées par le gestionnaire de fonds Vanguard, qui révèlent qu’entre 2004 et 2014, 72% des fonds d’actions de grandes capitalisations américaines ont fait moins bien que leur indice de référence[2]. Par définition, les fonds indiciels ont une performance équivalente à leur indice de référence: le rendement est simplement un peu moins élevé en raison des frais de gestion, qui sont très limités.
Pour le cofondateur de TreeTop Asset Management, un investissement passif digne de ce nom doit suivre un indice bâti à l'échelle mondiale. Ceux qui optent pour une région ou un secteur font un choix actif, même s’ils investissent dans un fonds indiciel.
La conclusion pour l’investisseur est simple ! Pour l’essentiel, gérer un portefeuille d’actions n’est pas compliqué : la base de ce portefeuille devrait être un fonds passif qui réplique un indice mondial bien diversifié en termes de régions et de secteurs avec des frais à minima. Il peut ensuite le compléter le cas échéant par quelques fonds de conviction gérés par des gestionnaires qui osent sortir des sentiers battus. C’est d’ailleurs la stratégie de nombreux fonds de pension américains.
[1] Source: The Career Paths of Mutual Fund Managers: The Role of Merit - Gary E. Porter and Jack W. Trifts
[2] Source: The case for index-fund investing - Vanguard research, March 2015