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Une épargne bien placée ne peut faire l'impasse sur la Bourse

"La règle d'or d'un portefeuille équilibré, c'est la diversification : géographique, sectorielle et des types d'actifs". Jacques Berghmans, cofondateur de TreeTop AM ©treetop

En matière de rendement, aucun placement ne peut se comparer aux marchés boursiers, pour peu que l'on respecte quelques règles simples, et que l'on se place à long terme : c'est la conviction que partagent Paul Marsh, professeur à la London Business School, et Jacques Berghmans, cofondateur de TreeTop Asset Management et gestionnaire de fonds depuis plus de 30 ans. Comment se prémunir contre la volatilité des marchés ? Où investir, comment choisir les valeurs à acquérir ? Les réponses de deux fins connaisseurs des marchés.

Pourquoi investir en Bourse, alors que nombre d'épargnants ont encaissé de lourdes pertes suite à la crise financière ?

Jacques Berghmans : Parce qu'à moyen et long termes, les Bourses mondiales restent le meilleur placement. Ainsi, depuis l'après-guerre, un investisseur qui aurait placé son capital en Bourse à l'échelle mondiale aurait multiplié son patrimoine par 60, en tenant compte de l'inflation. Il aurait obtenu, en moyenne, des rendements de plus de 10 % par an. Bien entendu, la Bourse fluctue, c'est dans sa nature ; de tels rendements varient donc selon les périodes. Ainsi, cet investisseur aurait bénéficié d'environ 20 % de croissance annuelle entre 1950 et 1970, puis son placement aurait traversé une décennie de stagnation, pour repartir de plus belle de 1980 à 2000, avant de stagner à nouveau, puis de s'orienter à la hausse. Pour arriver donc, en 2014, à une valeur multipliée par 60.
Pr Paul Marsh : Le risque est inhérent à la Bourse, il ne faut pas se voiler la face. La majorité des analystes n'ont pas vu venir la crise commencée en 2007. Mais un investissement en Bourse a un vrai potentiel de croissance, pour autant que vous vous fixiez la bonne échéance, que vous définissiez une stratégie efficace et que vous ayez la capacité de vous y tenir, même quand le marché s'effondre. Il ne faut pas se laisser perturber par le " bruit de fond " permanent des marchés, ne pas perdre son sang-froid en observant ces dents de scie successives.

Comment être sûr que la dernière période de stagnation est terminée, et que l'on est bien entré dans un cycle de hausse ?

PM : La plupart des Bourses mondiales ont déjà fortement augmenté depuis la crise financière, mais on ne peut jamais être sûr que cela va continuer sur le court terme. Personnellement, je me garde bien de tout pronostic sur l'évolution à court terme des marchés. Mon horizon est le long terme : 10, 20, 30 ans... Et à cette échéance, il est fort probable que vos actions vous rapporteront environ deux fois plus que votre épargne. Un ordre de grandeur ? Chaque année, vos actions devraient vous rapporter 3-4 % de plus que votre épargne, et 3 % de plus que vos obligations.

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JB : Plusieurs indicateurs permettent d'être optimiste. Ainsi, depuis 2000, les bénéfices des entreprises ont très régulièrement augmenté – au total, ils ont plus que doublé. La rentabilité des entreprises est excellente, elles récoltent les fruits des réorganisations menées après la crise et à partir de 2010. On arrive à des taux de rentabilité des fonds propres (ROE, return on equity) de 15 %, ce qui est considérable avec une inflation à 1 ou 2 %. Ce sont quasiment des maxima historiques, alors que les taux d'intérêt, eux, n'ont cessé de baisser. De plus, actuellement, les actifs boursiers, évalués via leur PER (price earning ratio, ratio cours sur bénéfices), sont peu chers par rapport aux périodes précédentes. On peut s'attendre à 5, voire 10 ans de performances boursières équivalentes ou supérieures à la moyenne historique.

Fluctuations cycliques dans le temps, fortes disparités géographiques... Comment savoir si l'on réalise les bons investissements ?

JB : Il faut aller là où la rentabilité est importante, et cela demande du temps et un travail constant d'analyse. Et surtout, s'il y a un seul principe à retenir, c'est celui de la diversification. Avant la crise, l'épargnant belge détenait des actions Fortis, et en guise de diversification, il achetait des actions KB. Un seul pays, un seul secteur : on a vu ce que cela a donné... Dans un portefeuille, il faut diversifier les types d'actifs, les secteurs et les zones géographiques. Et procéder régulièrement, tous les ans, par exemple, à des rééquilibrages.
PM : Je ne peux qu'abonder dans le sens de la diversification. Je crois que les épargnants belges ont tendance à privilégier les valeurs locales, et celles de leurs voisins néerlandais, allemands et français. Il me semblerait bien préférable d'avoir ce qu'on appelle une " exposition " plus large, en détenant notamment des valeurs dans le reste de l’Europe, aux Etats-Unis, en Asie-Pacifique, et dans les pays émergents. Les investisseurs devraient diversifier largement en termes de valeurs, secteurs, pays et classes d’actifs.

Limiter ses investissements à l'Europe n'est donc pas à recommander ?

JB : Pas si l'on veut des performances élevées ! L'Europe, du fait de ses coûts de fonctionnement élevés et de ses rigidités spécifiques, reste à la traîne : voici presque 15 ans que les Bourses européennes sont en dessous de leurs records de l'an 2000. Le dynamisme se trouve aux Etats-Unis, pays qui crée 200.000 emplois par mois – en tout 8 millions d'emplois nouveaux depuis la crise ! Et aussi en Asie, où des réformes et restructurations notables interviennent. En Chine – pays dont le PIB a augmenté de 50 % depuis la crise, alors que, dans le même temps, celui de l'Italie baissait de 9 % - le gouvernement mène une offensive sans précédent contre la corruption. De grandes sociétés d'Etat comme Citic Group et China Everbright placent l'essentiel de leurs actifs dans des véhicules cotés en Bourse ; elles qui ne rendaient de comptes qu'au pouvoir central vont donc se plier à des critères de bonne gestion, se soumettre à des audits, etc. Et ce mouvement devrait se généraliser. En Inde, le nouveau gouvernement est en train de mettre en place une taxe unique sur la consommation, mettant fin à un régime complexe de taxes régionales.

PM : A l'inverse, il ne faut pas tout miser sur les marchés émergents, qui sont souvent plus instables. Ils représentent 12 à 13 % du total mondial : il me semble qu'un portefeuille équilibré devrait viser une proportion similaire. On croit souvent que la croissance des pays émergents entraîne automatiquement de meilleurs rendements boursiers. Rien ne le prouve. Historiquement, depuis 1950, ils rapportent environ 1,5 % de plus par an, ce qui correspond au risque supérieur qu'ils représentent. Rien n'est gratuit : les valorisations tiennent déjà compte du potentiel de croissance des pays émergents, que personne n'ignore, et elles intègrent les défis spécifiques auxquels tous ces pays font face.

Il faut être conscient de l'aspect cyclique des investissements boursiers, et diversifier ses placements à l'échelle mondiale, d'accord. Mais comment savoir dans quelles sociétés investir ?

PM : Je suis professeur de finance, spécialisé dans l'analyse dans le temps des performances des marchés. Pour autant, j'estime ne pas disposer de suffisamment d'éléments pour recommander telle ou telle valeur : c'est à mes yeux un autre métier, celui des gestionnaires de fonds. Je ne peux donc que conseiller aux investisseurs de recourir à des spécialistes qui ont fait leurs preuves. En choisissant la façon active en confiant leurs fonds à des gestionnaires, ou passive, en investissant dans des fonds bien diversifiés. Sinon, vous risquez d'appliquer des stratégies de court terme, en essayant, par exemple, de battre les marchés. Or, dans l'ensemble, ces marchés sont plutôt efficaces : mieux vaut donc partir du principe que leurs valorisations sont réalistes. La grande majorité des personnes chargées des transactions sont extrêmement compétentes, ont une connaissance approfondie de leur secteur, et consacrent le plus clair de leur temps à affiner leurs analyses. Dès lors, n'est-il pas présomptueux de croire que vous pouvez faire mieux ? Je ne le crois pas, et je crains qu'au final, vous ne vous retrouviez avec un portefeuille insuffisamment diversifié, trop instable – or chaque modification entraîne des frais de courtage. En un mot : soyez réaliste et conscient de vos limites.
JB : Pour nous, gestionnaires de fonds, le stock picking, ou choix des valeurs, est au cœur de notre  activité. Parmi nos critères, la notion de taille critique est centrale. Quelque 2.800 sociétés constituent à elles seules 95 % de la valorisation mondiale en Bourse. Ces entreprises opèrent généralement à l'échelle mondiale, d'une façon extrêmement efficace, leurs capacités d'adaptation sont remarquables. Et la conjoncture mondiale est porteuse pour elles : la population occupant un travail qualifié, non agricole, a été multipliée par 4 en 20 ans, passant de 500 millions dans les années 1990 à 2 milliards aujourd'hui. On devrait atteindre 4 milliards d'ici 20 à 30 ans. Une classe moyenne qui se loge, s'équipe, fait ses courses... Cet univers de grandes entreprises performantes, dynamiques, est là pour satisfaire leurs besoins. Et c'est là que nous investissons, car c'est là que se crée la richesse.

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Pour se prémunir contre la volatilité, ne vaut-il pas mieux miser sur les obligations ?

JB : Surtout pas ! Si l'on observe les performances des obligations au fil du temps, on constate qu'elles sont plus risquées que les actions. Leur rentabilité est moitié plus basse – et encore moindre si l'on tient compte de l'inflation ; on arrive à 1,5 % de création de richesse, quand les actions sont à 6 %. Entre les années 1950 et les années 1980, un patrimoine placé entièrement en obligation a perdu plus de 50 % de sa valeur, à cause de l'inflation. En revanche, depuis 30 ans, les obligations étaient redevenues intéressantes, car l'inflation était très réduite, et les taux d'intérêt ne cessaient de baisser. La rentabilité des obligations dépassait fréquemment les 10 %. Mais on peut sans grand risque prédire que ce cycle arrive à sa fin, et qu'on va assister à un renversement de la tendance : les obligations vont sous-performer pendant 20 à 30 ans.

Donc, mieux vaut ne pas détenir trop d'obligations dans son portefeuille ?

JB : Oui, et surtout en Belgique, où les ménages ont tendance à les privilégier par rapport aux autres actifs – environ 80 % de leur patrimoine est en obligations et en dépôts. C'est classique : on sort d'une excellente période pour les obligations, donc elles sont sur-représentées dans les portefeuilles. Historiquement, les obligations suivent des cycles bien plus longs que ceux de la Bourse, et on dispose de données établissant que depuis 3 ou 4 siècles, leur rentabilité s'établit à 4 ou 5 % en moyenne, sur le très long terme. Mais dans la période actuelle, les obligations sont devenues un actif risqué, car elles ne rapportent plus que des taux dérisoires. Un exemple frappant :  l'obligation d'Etat allemande à 10 ans flirte avec les 1 % ! A de tels niveaux, avec une inflation de 2 à 3 % par an, on risque de perdre 30 à 40 % en une décennie. Pourtant, les obligations ont une image de grande sécurité. Cela confirme qu'un portefeuille performant ne peut pas faire l'impasse sur les actions. Leur proportion dépend du risque que l'on est prêt à accepter, pour moi, 50 % d'actions bien choisies constitue un minimum. Le plus grand fonds du monde, celui qui administre les retraites de la Norvège – et dispose de presque un billion d'euros, c'est-à-dire 1.000 milliards, deux fois et demie la dette belge – place 60 % de ses avoirs en actions.

Les produits garantis représentent-ils une solution pour limiter les risques ?

JB : Non, ils sont même, à mes yeux, une arnaque. Des placements qui vous permettent de gagner beaucoup et vous garantissent de ne jamais rien perdre, cela n'existe pas, ce sont des miroirs aux alouettes. La prise de risque est inhérente à la Bourse, et c'est elle qui permet d'obtenir une bonne rentabilité. S'assurer efficacement contre les pertes revient tellement cher qu'au final, vous ne gagnez rien.

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