L'industrie alimentaire fait face à deux défis: elle doit gérer la situation économique difficile tout en se numérisant et en se transformant pour se préparer à l'avenir. Heureusement, l'un n'exclut pas l'autre: “Travailler intelligemment à court terme peut aussi servir à penser son futur”, affirment Ivo Bigaré (delaware) et Veerle De Graef (Flanders' FOOD).
De nombreux facteurs, grands et petits, “notamment les tendances macroéconomiques telles que la crise énergétique, l'indexation et la rareté des matières premières”, illustre Ivo Bigaré, ont un impact sur l'industrie alimentaire, qui joue à son tour elle-même un rôle crucial dans la société. En tant qu'Industry Lead Food chez delaware, Ivo Bigaré guide des dizaines d'entreprises du secteur alimentaire. “Les consommateurs changent eux aussi. Ils achètent plus consciemment, par le biais de canaux multiples et en plus petites quantités.”
Le constat est identique pour Veerle De Graef, Programme Manager au sein du cluster Flanders' FOOD, fer de lance de l'industrie agroalimentaire, reconnu par le gouvernement flamand par le biais de la VLAIO, l’Agence flamande pour l'innovation et l'entrepreneuriat. “Par le passé, la chaîne alimentaire était un processus linéaire, les aliments allaient du champ à l'usine et jusqu’au consommateur via le supermarché. Désormais, le consommateur est au centre de la chaîne. Il formule ses exigences à l'agriculteur, au détaillant et au producteur. Il existe une demande pour davantage de nourriture végétarienne, par exemple, ou pour une offre adaptée à des groupes-cibles spécifiques. Les producteurs doivent être en mesure d'y répondre. La flexibilité est le mot d'ordre ici.”
Outils électriques numériques
Selon Ivo Bigaré et Veerle De Graef, beaucoup de solutions peuvent aider l'industrie alimentaire à court et long termes. “Un premier exemple est le développement de produits : aujourd'hui, l'accent est placé sur la simulation de l'utilisation d'ingrédients alternatifs, rendue nécessaire entre autres par la rareté de certains types d'huile ou l’indispensable réduction des coûts”, avance Ivo Bigaré. “Nous pouvons extrapoler ces simulations pour viser un meilleur Nutri-Score, ou commencer à travailler avec l'intelligence artificielle afin de discerner des modèles et des groupes parmi les attentes des consommateurs potentiels.”
“Chez Flanders' FOOD, nous avons lancé un projet autour de l'intelligence artificielle pour que les entreprises puissent plus facilement déterminer quand la technologie est ou n'est pas une solution. Nous détaillons des concepts tels que l'IA, les Big Data et les modèles, et les étapes à suivre pour mettre en œuvre l'intelligence artificielle.”
Le consommateur conscient peut avoir un impact encore plus important sur l'industrie alimentaire que l'explosion des coûts et la rareté des matières premières.
delaware déploie de plus en plus d'applications révolutionnaires d'IA pour ses clients. “Souvent, ces applications visent la flexibilité du planning”, note Ivo Bigaré. L'incertitude actuelle autour de l'offre et de la demande sur le marché implique une flexibilité accrue et donc une planification intelligente pour s'adapter plus rapidement aux changements. Ce qui permet de répondre aux exigences des nouveaux détaillants et des canaux omnichannel de façon future-proof. “Cela commence par les prévisions. Par le passé, on extrapolait et analysait les données historiques en utilisant des techniques statistiques classiques. Les méthodes sont dorénavant plus élaborées, et prennent même en compte des facteurs tels que les promotions et la météo. En outre, il est plus aisé de contrôler et d'ajuster les prédictions.”
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Un autre exemple est la réduction des coûts par la diminution des déchets dans la production et la chaîne logistique. Le déploiement de systèmes de surveillance intelligents peut y contribuer. Ceux-ci présentent également des avantages directs en termes de durabilité et de CO2. Les détaillants attendent des délais de livraison toujours plus courts, tandis que les demandes des consommateurs conduisent à l’élargissement de la gamme de produits. Il n'est plus envisageable de fournir un stock suffisant de tous les produits finis pour répondre à cette demande. Par conséquent, les entreprises investissent dans le stockage de produits intermédiaires sans emballage final ni étiquetage. Cela leur assure une certaine flexibilité et un temps de réaction plus court face aux changements du marché. Les deux dernières années ont démontré une fois de plus l’importance de cette flexibilité.
“La flexibilité peut prendre la forme d’un unique selling point mais elle n'est pas toujours facile à automatiser”, ajoute Veerle De Graef. “Reste à trouver l'équilibre entre le travail sur mesure et le travail à la chaîne. Le domaine de l'emballage recèle encore de nombreuses innovations potentielles. Chez Flanders' FOOD, nous travaillons sur une feuille de route pour l'emballage alimentaire du futur. Ce sera un emballage circulaire bien sûr, mais aussi un emballage intelligent grâce auquel il sera possible de retracer la provenance d'un produit et sa fabrication. Et nous éviterons ainsi les pertes.”
Une base numérique solide
La rationalisation des processus dans une entreprise alimentaire nécessite des fondations numériques solides. “Dans l'industrie alimentaire, nous travaillons avec SAP pour jeter les bases de chaque domaine, de la planification à la gestion de la qualité en passant par les ventes”, indique Ivo Bigaré. “Une fois cette première étape en place, on peut facilement introduire de nouvelles applications de divers fournisseurs dans les processus opérationnels.”
Il convient de connecter les différentes sources de données de votre entreprise pour éviter de travailler avec des îlots de données séparés.
“Il convient de connecter les différentes sources de données de votre entreprise pour éviter de travailler avec des îlots de données séparés”, embraie Veerle De Graef. “Une évolution est clairement en cours : les entreprises sont conscientes qu’elles doivent prendre des mesures dans le domaine numérique. Pourtant, elles sont loin d’avoir toutes atteint cette maturité numérique. Flanders’ FOOD veut les aider à développer cette vision. Certaines ont du mal à estimer concrètement le retour sur investissement à long terme.”
C’est pourquoi Ivo Bigaré et Veerle De Graef recommandent de ne pas introduire les innovations technologiques dans le cadre d’un vaste projet, mais de mener d’abord de petites expériences. De cette manière, l’entreprise peut découvrir ce qui fonctionne et ce qu’elle peut ensuite instaurer à plus grande échelle. Sachez que vous pouvez vous adresser à plusieurs interlocuteurs pour obtenir un soutien financier avant de déployer un projet d’innovation. Flanders’ FOOD dispose d’un budget à cet effet via la VLAIO. Les entreprises peuvent également contacter directement la VLAIO via Team Bedrijfstrajecten. “Les projets couverts par Flanders’ FOOD doivent néanmoins répondre à un certain nombre de conditions”, précise Veerle De Graef. “Le projet doit s’inscrire dans le cadre de nos programmes, au moins trois entreprises flamandes doivent collaborer dans ce contexte, et les idées générales doivent pouvoir être diffusées par Flanders’ FOOD auprès d’un vaste groupe-cible afin d’inspirer d’autres entreprises alimentaires.”
Investir maintenant
La crise énergétique contraint les entreprises à envisager des mesures d’économie d’énergie. Selon Veerle De Graef, la crise peut ainsi avoir un impact positif à long terme :“La numérisation et l'optimisation de vos processus impliquent de travailler sur votre durabilité, même si c'est aujourd’hui par nécessité financière. La prise de conscience environnementale à l’égard de l'eau ou des matières premières s’est accrue. Si vous investissez maintenant dans l'optimisation de vos processus, vous ne reviendrez pas à l'ancienne méthode l'année prochaine.”
Tout est ici question de transparence et de soulager les agriculteurs.
“Pour atteindre une certaine flexibilité, l'ouverture d'esprit est tout aussi importante”, prolonge Ivo Bigaré. “Les entreprises demeurent très réticentes à partager leurs données, mais avec la confiance et les indispensables accords, il est possible de contourner cet obstacle. Imaginez qu'un transformateur de pommes de terre reçoive des données de son partenaire qui récolte les pommes de terre sur le terrain. Ce type de communication permet aux usines d'anticiper les changements ou simplement de signaler les problèmes. Une telle coopération bénéficie aux deux parties.”
Milcobel est une entreprise qui, avec delaware, est pleinement engagée dans sa transformation numérique. Cette coopérative laitière de 2.000 agriculteurs voulait d'abord poser les fondations qui lui permettraient de bâtir de nouvelles applications. Un système ERP de SAP en constitue la base. “Nous pouvons ainsi automatiser la facturation et l'établissement de rapports, notamment, même si ce sont les nouveaux éléments qui apportent le réel changement”, précise Nils van Dam, CEO de Milcobel. “Tout est ici question de transparence et de soulager les agriculteurs.”
La première application développée par la coopérative fut une plateforme numérique pour ses membres. Les agriculteurs y trouvent non seulement des actualités, mais aussi des informations sur le calcul du prix du lait et la construction de leur capital. “Nous voulons rendre cette plateforme d'analyse encore plus intelligente et personnalisée”, indique Nils van Dam. “Les données étant liées à notre comptabilité, elles sont toujours correctes. Parallèlement, ce système permet aux agriculteurs de voir automatiquement quelle prime ils obtiennent s'ils mettent en œuvre certaines innovations durables. Enfin, nous proposons des formations par le biais de la plateforme d'apprentissage en ligne.”
Pour soulager encore davantage les agriculteurs, Milcobel est co-initiateur du programme DjustConnect de l'ILVO, l'Institut de recherche agricole, halieutique et alimentaire. “Nos membres doivent parfois soumettre les mêmes données à six organismes différents. Désormais, ils peuvent introduire leurs données en une fois via DjustConnect, après quoi ils choisissent eux-mêmes avec qui partager quelles données."