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Le statut unique dans la pratique

©Sofie Van Hoof

Depuis le 1er janvier 2014, ouvriers et employés relèvent d’un statut unique dans notre pays. De nombreuses petites entreprises redoutent les conséquences financières de cette réforme.

Vous pouvez poser vos questions, mais sachez que je suis actuellement à Budapest. J’ai bientôt une réunion sur les possibilités d’intensifier encore notre collaboration avec des chauffeurs roumains. " Le moment semble pourtant idéal pour sonder Marc Van Grootel sur l’impact du statut unique sur son entreprise. Il est le fondateur et directeur de Groover International, une entreprise de transport basée à Ranst qui compte quelque 35 salariés. À part deux employés, le reste du personnel se compose de chauffeurs routiers sous statut d’ouvrier. " Oui, je suis inquiet des conséquences du statut unique. Contrairement au gouvernement, je suis convaincu qu’il va entraîner une augmentation des charges pour les entreprises. Or c’est vraiment un problème. Les charges salariales sont déjà élevées dans notre pays. Chaque jour, je dois faire concurrence à des entreprises de transport étrangères où les charges salariales pèsent beaucoup moins lourd ", explique Mac Van Grootel.

Pendant plusieurs décennies, le statut différent des ouvriers et employés a été l’une des particularités du marché du travail belge. Il y a 20 ans, la Cour constitutionnelle avait déjà jugé que les différences en termes de délai de préavis étaient inacceptables. Dans un arrêt ultérieur, la Cour a donné à l’État belge jusqu’au 8 juillet 2013 pour trouver une solution. Juste avant l’échéance, syndicats et employeurs ont accepté une proposition de compromis de la ministre du Travail, Monica De Coninck. Et depuis cette année, le statut unique est un fait. Les délais de préavis sont plus courts, le jour de carence a disparu, les salariés ont droit à un reclassement professionnel et la période d’essai n’existe plus (lire encadré).

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Chauffeurs roumains

Dans la plupart des entreprises, il est encore beaucoup trop tôt pour chiffrer les conséquences de cette réforme. Mais l’inquiétude n’en est pas moins grande. À la suite de la disparition de la période d’essai, Marc Van Grootel envisage de recruter d’abord sous contrats intérimaires, plus flexibles. " Avant d’engager quelqu’un, vous devez savoir de quel bois il est taillé. Si j’engage un chauffeur qui s’avère ne pas convenir, je me retrouve immédiatement confronté à un délai de préavis plus long ou à une indemnité de préavis plus élevée ", explique Marc Van Grootel. Car comme bon nombre de ses collègues, il préfère, en cas de licenciement, laisser tomber le délai de préavis et verser une indemnité.

" Un camion coûte quelque 150.000 euros. Je préfère ne pas le laisser entre les mains d’une personne qui n’est pas satisfaite ni motivée. Y compris visà- vis de mes clients. Un service de qualité est à peu près la seule chose que je peux encore faire peser dans la balance ", explique Marc Van Grootel. Pour garder sous contrôle l’augmentation des charges salariales, il collabore déjà avec des chauffeurs roumains qui travaillent en sous-traitance. Ils sont non seulement beaucoup moins chers que les collègues belges, mais ils peuvent également être affectés de manière beaucoup plus flexible pendant les trois mois qu’ils passent dans notre pays. Cela étant dit, cette option n’est pas non plus la panacée. " En fin de compte, je ne peux faire appel à eux que pour les transports internationaux, mais ceux-ci ne représentent même pas un quart de mon chiffre d’affaires.

Groover International est une entreprise à fort ancrage local et nos clients proviennent principalement de la région de Ranst. Il m’est difficile de m’adresser à ces clients avec un chauffeur qui ne parle pas la langue et avec lequel la communication est difficile. Cela n’inspire pas confiance ", explique Marc Van Grootel. " En raison de ces activités internationales limitées, les chauffeurs-routiers de l’ancien bloc de l’Est ne pourront jamais représenter plus d’un quart de mon personnel. Cela dit, ils peuvent m’être utiles pour les transports plus longs et les missions le week-end. "

Mentor

À cette situation s’ajoute encore la disparition du jour de carence. Le premier jour de travail après une maladie ou un accident n’était pas rémunéré pour de nombreux ouvriers. Depuis cette année, les salaires continuent à être versés ce jour-là. " Dans le transport, cela représente quand même 2,5 jours par an en moyenne par travailleur qui ne devaient pas être rémunérés. Cela aura un impact immédiat sur les charges salariales ", craint Van Grootel, qui ajoute immédiatement qu’il peut s’estimer heureux avec ses chauffeurs.

Il fait tout pour se présenter comme un employeur attrayant et mène une politique de ressources humaines très réfléchie. C’est d’ailleurs une dure nécessité. La profession de chauffeur routier est un métier en pénurie. Ils ne sont pas assez nombreux pour pourvoir aux postes vacants, le vieillissement est en train de frapper durement les chauffeurs. Ainsi Marc Van Grootel offrait-il une assurance hospitalisation à tous ses salariés – ouvriers et employés – avant même que cela ne soit devenu obligatoire en vertu d’une convention collective de travail. Et l’assurance de groupe est incluse dans le package de rémunération standard sans distinction entre les travailleurs. " En outre, j’opte pour le meilleur matériel. Récemment, j’ai encore engagé un salarié qui avait le choix entre trois entreprises différentes.

Finalement, il a opté pour Groover International parce que nous possédons d’excellents camions. Tant vis-à-vis des travailleurs potentiels que des clients, c’est une bénédiction pour notre image ", explique Marc Van Grootel. Le nouveau travailleur peut également compter sur un accompagnement intense. Un mentor prend chaque nouveau collaborateur pendant une semaine, voire deux, sous son aile. " Pendant cette période, je paie naturellement deux personnes pour le travail d’une seule. Ce n’est pas bon marché, mais cela s’inscrit dans notre philosophie. Nos travailleurs doivent se sentir bien chez nous. Malgré l’augmentation des charges salariales, c’est avec eux que nous devrons faire la différence ", conclut Marc Van Grootel.  

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