Le législateur affiche une longueur de retard dans la prise en compte des phénomènes nouveaux liés à l’économie numérique. Les lobbies accentuent en partie ce retard en compliquant la mise en place de réformes. En outre, on ne sait pas toujours avec certitude si la législation existante est d’application, ce qui crée de l’insécurité juridique… “Trouver des solutions créatives et obtenir des résultats qui garantissent le développement de l’activité de nos clients, que ce soit à l’amiable ou devant les tribunaux: telle est notre tâche en tant qu’avocats”, avancent Hakim Boularbah et Maria-Clara Van den Bossche, avocats spécialisés en litiges chez Loyens & Loeff.
“Avec la complexification de la société et de l’économie, le nombre de litiges et d’arbitrages augmente, tout comme le besoin d’une expertise juridique spécifique”, prévient d’emblée Hakim Boularbah. Spécialisé dans la résolution de litiges et l’arbitrage, il a rejoint le cabinet Loyens & Loeff en janvier dernier en tant qu’associé du département Litigation & Risk Management. Grâce à son expertise dans des procédures civiles complexes et internationales, telles les très médiatisées affaires Fortis et Yukos, sa réputation dépasse aujourd’hui largement nos frontières.
“Le législateur affiche un certain retard par rapport aux évolutions sociétales: de nouveaux concepts apparaissent sur le marché, pour lesquels aucune loi n’existe encore”, embraie Maria-Clara Van den Bossche, qui a elle aussi rejoint le département Litigation & Risk Management de Loyens & Loeff en janvier. L’avocate cite l’exemple d’Uber, un cas qu’elle connaît sur le bout des doigts. “Cette plateforme numérique met les utilisateurs en contact avec des services de transport. Uber ne trouve pas réellement sa place dans le cadre législatif existant, ce qui explique pourquoi la plateforme soulève de nombreuses questions. S’agit-il d’une concurrence déloyale envers les sociétés de taxi traditionnelles? Uber est-il un intermédiaire ou une entreprise de transport? Si elle se présente comme un simple maillon dans une chaîne, quelles sont les règles qui s’appliquent? À moins qu’Uber ne soit une société de taxi et ne doive suivre les strictes réglementations du transport de personnes?”
Penser “out of the box”
“Ces questions ne trouvent souvent une réponse que devant les tribunaux”, poursuit Maria-Clara Van den Bossche. “Uber et l’app de taxi Heetch se sont à de nombreuses reprises retrouvés face à la justice qui a dû trancher sur ces questions. L’avocat doit donc démontrer pourquoi telle partie est soumise ou non à telle législation.”
Hakim Boularbah acquiesce: “De ces litiges naît une jurisprudence qui apporte un surcroît de sécurité juridique et forme la base d’une nouvelle législation. En réalité, nous devons élaborer une stratégie globale. Pour la mettre en place, nous devons bien comprendre le modèle opérationnel de ces nouveaux acteurs. De plus, nous devons fournir des explications au juge qui fait lui aussi face à des cas totalement inédits. Il nous faut donc penser ‘out of the box’. En d’autres termes, nous montrer créatifs. Nous posons également des questions préjudicielles à la Cour européenne de justice. Cela permet de réévaluer les anciennes législations à la lumière des évolutions sociétales.”
Plan B
En cas de jugement défavorable pour leurs clients, les avocats travaillent à des solutions afin que leurs modèles opérationnels ne soient pas compromis. “Nous cherchons un plan B ou C pour qu’ils puissent poursuivre leurs activités”, confirme Maria-Clara Van den Bossche. “Les entreprises font de plus en plus appel à nous pour résoudre des problèmes concrets, mais aussi pour réfléchir à leur activité et les aider à la développer.”
Nous devons bien comprendre le modèle opérationnel des acteurs digitaux.
“Parfois, nous avons une contre-réaction du législateur qui ‘sur-régule’, ce qui freine le développement d’une entreprise, voire l’oblige à mettre la clé sous le paillasson. Nous avons alors un rôle à jouer, notamment pour trouver un juste milieu. Les clients se concentrent sur la gestion de leur entreprise: les questions juridiques sont un fardeau dont ils ne veulent pas s’occuper. Nous devons les en décharger autant que possible.”
Actions collectives
Autre conséquence de la digitalisation: l’augmentation des “class actions”, ces actions collectives autorisées en Belgique depuis quelques années. Jusqu’à présent, jamais les consommateurs – jusqu’à plusieurs millions d’utilisateurs – n’avaient réagi aussi massivement et collectivement. Hakim Boularbah et Maria-Clara Van den Bossche ont été impliqués dans les dossiers SNCB, Proximus, Groupon et Facebook, entre autres. “Je m’attends aussi à de nouveaux cas dans le domaine pharmaceutique, en particulier maintenant que le secteur devient du ‘big business’”, poursuit Hakim Boularbah. “Jusqu’à présent, nous tentons toujours de trouver un accord à l’amiable. En tant qu’avocats, nous nous considérons comme des problem solvers.”
Le législateur est à la traîne par rapport aux nouveaux concepts commerciaux pour lesquels il n’existe encore aucune législation.