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3/Quand les séries et les films nous racontent la Seconde Guerre mondiale: "World War II: From the Frontlines"

Chair à canon dans "World War II: From the Frontlines". ©Netflix

Les incontournables de la Seconde Guerre Mondiale comme si vous y étiez, grâce à des archives colorisées. Un choc qui questionne la notion même d’humanité…

Une voix-off pas assez intéressante (ni historiquement, ni cinématographiquement), trop de musique envahissante, des images colorisées par grands à-plats… Au moment de sa sortie sur Netflix, le 7 décembre, la nouvelle série documentaire de prestige «World War II: From the Frontlines» essuie une volée de bois vert.

Et c’est vrai que cette série, pourtant riche de six épisodes, ne permet absolument pas de se faire une idée globale ou intelligente de ce que fut le conflit – à moins de posséder au préalable un bagage historique suffisant. Mais l’intérêt est sans doute ailleurs. L’intérêt, ici, est une immersion. Car ces presque 6 heures de film sont constituées à plus de 90% d’images d’archive entremêlées, et montées dans un rythme soutenu. Les 10% restant, ce sont des interviews de témoins directs des faits relatés, souvent filmés quelques décennies après – mais qui, par la magie d’images restaurées, semblent avoir été interviewés très récemment.

World War II: From the Frontlines | Official Trailer | Netflix

Un nouveau public?

À qui est-elle destinée, cette immersion? Peu importe. Que ce soit un nouveau public (et la voix-off confiée au jeune acteur anglo-nigérian John Boyega, star de «Star Wars», est peut-être un indice en ce sens), ou que ce soit pour un auditoire déjà habitué à côtoyer les images de la Seconde Guerre Mondiale, le film fait son effet. Et le résultat est glaçant, car direct comme un coup de poing au visage. Et si le fait qu’on ne comprenne pas toujours les tenants et les aboutissants ne soit pas un hasard?  Car le flou participe sans doute à l’effet que produit la guerre: confusion, nausée.

L'histoire se répète? Un soldat ukrainien joue du saxophone dans une école détruite par une attaque de missiles dans la ville de Kostiantynivka, le 10 décembre 2023, lors de l'invasion russe de l'Ukraine.
L'histoire se répète? Un soldat ukrainien joue du saxophone dans une école détruite par une attaque de missiles dans la ville de Kostiantynivka, le 10 décembre 2023, lors de l'invasion russe de l'Ukraine. ©AFP

Car c’est bien un effet de trop-plein qui se dégage de cette avalanche de vérité. Que ce soit dans les premières batailles du conflit, ou plus de quatre ans plus tard pour le Débarquement, sans parler des batailles du Pacifique, le sentiment général est un écœurement. Et ce ne sont pas les confessions des témoins qui viennent adoucir l’addition – malgré les images de mariage ou de naissance au milieu du chaos. Avec, par exemple, au moment de la campagne vers Berlin, la confession de ce soldat américain qui explique posément qu’il a pris goût à tuer.

Et la guerre de prendre un autre visage. Celui d’une destruction orchestrée, inconsciemment, pour l’odieux plaisir de certains de ses participants…

À ce stade, les nazis sont ses ennemis jurés. Ils refusent la capitulation. Non seulement il n’y a pas de pitié, mais il y a un plaisir évident à donner la mort, un plaisir qu’on va même sans doute rechercher. Et la guerre de prendre un autre visage. Celui d’une destruction orchestrée, inconsciemment, pour l’odieux plaisir de certains de ses participants…

Ardennes

Un passage nous montre, défigurés, plusieurs villages de nos Ardennes, entre deux horreurs dans le Pacifique où des Japonais fanatisés, civils et militaires, se jettent des falaises de Saipan plutôt que de se rendre. Mais on ne comprend pas bien les tenants et aboutissants de ce fameux décembre 44: à peine nous dit-on que les Allemands veulent «casser le front en deux» et «repousser les Alliés jusqu’à la côte». C’est la quotidienneté qui, une fois de plus, fait mouche. Avec la voix de ce soldat allemand qui se réjouit d’avoir dégommé de l’Américain alors que tout semblait fichu, Américains qui n’ont même pas eu le temps de «finir leur breakfast».

Apocalypse: 1ère Guerre Mondiale (épisode 1)

Il y avait déjà eu d’excellentes choses en matière d’archives jamais vues et colorisées, comme «World War II in Color» (2009). Mais aussi l’incomparable série française «Apocalypse» (2009) – super efficace en matière d’images jamais vues, et aussi très documentée. Bien moins subtil, parfois brouillon, ce «39-45 L’humanité en guerre» tire néanmoins son épingle du jeu, d’une autre manière. Il constitue clairement un ouvrage de vulgarisation, et évoque par moment une sorte de «Seconde Guerre Mondiale Pour Les Nuls».

Mais grâce à cette simplicité revendiquée, le documentaire nous procure une sorte de choc affreux, visuel, irréfutable, où le spectateur se retrouve bien seul, à se demander – à la vue de ce concentré d’horreur et de barbarie – quel argument il pourrait bien trouver pour justifier la présence de notre espèce à la surface de la Terre.

Documentaire

"World War II: From the Frontlines" (“39-45 L’humanité en guerre”)

Par Rob Coldstream

Neflix

Note de L'Echo:

"Guerre et paix": quand les séries et les films nous racontent la Seconde Guerre mondiale

Il y eut des moments qui forcèrent l'humanité à se réinventer. Et si nous tirions les leçons de la période la plus noire de l'histoire?

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Pourquoi la Seconde Guerre mondiale a-t-elle encore tellement à nous apprendre?

La Seconde Guerre mondiale est sur tous les fronts. Cet été, l’incroyable "Oppenheimer" signé Christopher Nolan remettait la mère de toutes les bombes au centre des consciences. Et, depuis, la tendance ne fait que se confirmer: malgré la distance qui nous sépare toujours plus des événements, cette crispation immense de notre humanité continue de nous raconter, plus de 80 ans après les faits et alors que les tous derniers témoins s’éteignent, les monstres – et beaucoup plus rarement les anges – que nous sommes.

Et fin janvier, ce sera au tour de Jonathan Glazer et son "The Zone of Interest" (Grand Prix à Cannes) de nous emmener à Auschwitz. Plus précisément, dans la maison de Rudolf Höss, le responsable du camp. Là, madame Höss a développé pour ses invités un magnifique jardin avec serre, piscine, terrasse, plantations et verger. Et comme fond sonore, les cris de souffrance.

Même sur Netflix, il n’est plus une semaine sans qu’un nouveau contenu vienne s’ajouter, en fiction comme en documentaire. Pourquoi? Parce que, sur cette période de six années, nous avons touché le fond? Parce que nous avons touché du doigt l’horreur la plus noire, au point que les programmes scolaires ne savent toujours pas comment aborder le nazisme, tant il est sidérant? Sans doute. Mais c’est aussi une période charnière, et qui sollicite inconsciemment nos imaginaires de 2023.

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Pendant ces six années, et lors des suivantes, nous avons dû complètement nous réinventer. Nous sommes aujourd’hui devant une autre forme de totalitarisme: celui qui refuse de reconnaître la priorité absolue à accorder au vivant. Saurons-nous, comme nos ancêtres, briser les modèles pour affronter l’adversité, pour devenir, bien forcés, des femmes et des hommes de bonne volonté?

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