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De la peinture à la pellicule, la couleur dans la photo en Russie

Dmitri Baltermants, de la série "Arbat Square", Moscou en 1958. ©Photographers's Gallery

En ex-URSS, l’histoire de la photographie couleur témoigne de l’histoire de l’Union soviétique, de celle des régimes qui s’y sont succédé mais aussi de celle de la propagande des gouvernements en place.

Une jeune femme assise devant une table. Un mur nu bleu pastel, un peu de rose sur les joues, une robe noire, quelques bijoux en or se détachent de la gamme dominante de gris… Un peu plus loin, une photo de deux jeunes hommes habillés, l’un en clown, l’autre en costume traditionnel. Quelques touches de couleur sur ces photos noir et blanc: les pompons rouges, l’écharpe qui sert de ceinture, les chaussettes rayées rouges et blanches ou les dorures du chapeau et du mobilier. On est en Russie, dans les années 1860, avec la première photo de Nechayev, et en 1883, avec celle d’Alexander Eihenwald.

Mode

À l’époque, la photographie couleur rencontre un intérêt croissant. Parmi les professionnels d’abord. Photographes et scientifiques, en Europe, aux Etats-Unis mais aussi en Russie, s’activent pour trouver le procédé qui figera la couleur sur la pellicule. Dans la population ensuite, en tout cas en Russie, où la mode veut qu’on affiche son portrait colorisé aux murs de son salon. Pour satisfaire les clients, et alors que la technique n’est pas encore au point, photographes et artistes sortent palettes et pinceaux, aquarelle ou peinture à l’huile, pour pigmenter les photos. Pour satisfaire les clients mais aussi parce que la peinture était un moyen de cacher les défaillances des techniques d’impression de l’époque. L’albumine, procédé largement répandu, jaunissait les papiers avec le temps. Les recouvrir de couleur permettait de "neutraliser" ces effets secondaires.

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La technologie va cependant rapidement prendre le dessus. À la fin du XIXe, début du XXe siècle, le photographe Sergei Produkin-Gorsky développe une technique permettant de prendre des photos en couleurs: 3 filtres chromatiques, bleu, vert et rouge, et 3 rapides clichés successifs. Le Tsar, Nicholas II, passionné par ce médium, est séduit. Il envoie l’artiste aux quatre coins du pays pour documenter la vie, les traditions et les paysages russes. Un des clichés en résultant sera notamment un portrait de l’écrivain Léon Tolstoï. Parallèlement, en France, en 1903, les frères Lumières, avec lesquels Sergei Produkin-Gorsky travaillera après son exode, mettent au point l’autochrome, un procédé plus simple que les précédents qui produit des images colorées positives sur des plaques de verre. On est cependant encore loin d’un système permettant une utilisation à grande échelle.

Instrument de propagande

Avec la chute du tsar en 1917 et la prise de pouvoir par Lenine, la photographie couleur devient un outil de propagande. Dans un pays comprenant plus de 70% d’illettrés, il est un moyen efficace pour toucher les foules. À partir du milieu des années 20, le photomontage, avec le rouge comme couleur dominante, est largement répandu. Il permet de mêler éléments documentaires et propagation de l’idéologie soviétique. Des artistes modernistes célèbres comme Alexandre Rodchenko, qui par la suite utilisera son art pour exprimer sa désillusion du régime en place, Varvara Stepanova ou encore El Lissitzky s’y sont essayés.

Alors que la technique n’est pas encore au point, photographes et artistes sortent palettes et pinceaux, aquarelle ou peinture à l’huile, pour pigmenter les photos.

Staline perpétuera cet usage en le poussant à son extrême. À partir de 1932, le social réalisme est le seul art accepté, y compris dans la photographie. L’art soviétique devait refléter les mythes du régime et montrer le plus heureux des peuples dans le plus heureux des pays.

Parallèlement, les recherches pour développer des procédés de photographie couleur se poursuivent en Occident. En 1936, la société américaine Kodak et l’entreprise allemande Agfa sortent en même temps les films couleurs. Il faudra cependant attendre la fin de la guerre pour qu’ils commencent à être utilisés par la population. L’URSS quant à elle commencera à produire ses propres films couleurs partir de 1946. Ils ne seront toutefois accessibles qu’aux quelques photographes d’État travaillant pour la promotion du pouvoir en place.

Assouplissement

Après la mort de Staline, et l’arrivée au pouvoir de Kroutchev au milieu des années 50, le régime s’assouplit. Des photos plus proches de la réalité sont autorisées. Des portraits en couleurs refont leur apparition. Leurs auteurs restent cependant anonymes, les studios privés étant toujours interdits. La diapositive se développe ensuite dans les années 60-70. Le médium présente l’avantage de pouvoir être développé plus facilement et plus discrètement, ce qui mène à plus de liberté dans les créations principalement d’amateurs.

Cette exposition fascinante dresse un siècle de photographie couleur, comme technique mais aussi comme langage. Elle s’inscrit dans un programme beaucoup plus large, "Russia Visualised", un an de manifestations célébrant l’année 2014 de la culture anglo-Russe. Des événements promouvant l’art Russe sont organisés un peu partout dans la capitale britannique: à la Tate, avec l’exposition Malevich (jusqu’au 26 octobre), au Victoria and Albert Museum, qui présentera des décors de théatre de l’Avant-Garde russe (1913-1933) cet automne ou encore au Science Museum et à la Calvert Gallery, une galerie spécialisée dans l’art contemporain russe et d’Europe de l’Est.

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The Photographers’ Gallery, Primrose: early colour photography in Russia, 1jusqu’au 19 octobre 2014. Photographers Gallery, Entrée gratuite.

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