"S.T.A.L.K.E.R. 2: Heart of Chornobyl", combatif comme l’Ukraine
Malgré l’invasion russe, le studio ukrainien GSC Game World est parvenu à sortir la suite de son jeu de tir à succès. En soi, c’est déjà un exploit.
Le début de "S.T.A.L.K.E.R. 2" est troublant. Un homme est réveillé par une déflagration. Il se lève pour découvrir que son appartement situé dans une tour d’habitations de Kiev a été éventré par l’explosion. De sa salle de bain, il découvre la ville en proie aux flammes et à l’agitation tandis que retentit une sirène assourdissante.
Impossible de ne pas penser au conflit qui embrase la région depuis l’invasion russe en Ukraine. Ce trouble est d’autant plus fort que GSC Game World, le studio qui travaille sur le jeu depuis 2017 est kiévien depuis toujours.
"Dans le jeu, on n’essaie pas de tenir un discours contre la Russie. Nous voulons plutôt montrer des preuves d’amour à notre culture et l’apporter aux joueurs du monde entier."
Au tout début de la guerre, en février 2022, le studio a affrété des bus pour mettre les employés de GSC et leurs proches à l’abri. Depuis, il s’est établi dans de nouveaux locaux à Prague, mais une bonne partie de l’équipe a préféré rester sur place pour rejoindre les rangs de l’armée. L’un d’eux, Volodymyr Yezhov, a été tué lors du siège de Bakhmut par l’armée russe.
"Une manière de lutter sur le front artistique"
Pour l’équipe, le projet est devenu bien plus qu’un jeu. C’est une manière de résister, de prouver leur résilience. La sortie de "S.T.A.L.K.E.R. 2" est tout un symbole. Dans une interview à VentureBeat, Ievgen Grygorovych, patron du studio, explique que continuer à travailler est "une arme contre la Russie. Quand des Ukrainiens peuvent créer quelque chose de si grand, de si connu dans le monde, c’est une manière de lutter sur le front artistique". Maria, directrice créative et son épouse, ajoute: "Mais pas d’une manière agressive. Dans le jeu, on n’essaie pas de tenir un discours contre la Russie. Nous voulons plutôt montrer des preuves d’amour à notre culture et l’apporter aux joueurs du monde entier."
Car l’identité ukrainienne des jeux "S.T.A.L.K.E.R" ne fait aucun doute. En plus d’être des expériences rudes et sèches comme le sont beaucoup de jeux de pays de l’ex-bloc soviétique, leur univers met en scène le traumatisme toujours vif des Ukrainiens résultant de la catastrophe de Tchernobyl. La licence se déroule dans la zone d’exclusion nucléaire mise en place après l’explosion de la centrale. Zone que de nombreux membres de l’équipe de GSC ont eu l’occasion de visiter à plusieurs reprises. La zone fait partie de la vie des Ukrainiens. Elle est un personnage à part entière du jeu.
"S.T.A.L.K.E.R." est un jeu âpre, brut de décoffrage dans lequel la moindre erreur se paie cash.
Mais dans l’univers des "S.T.A.L.K.E.R.", une seconde déflagration a détruit, en 2008, le sarcophage de la centrale bombardant toute la région de nouvelles radiations. La faune a alors subi de terrifiantes mutations les transformant en monstres dangereux. Surtout, la zone est maintenant sujette à d’étranges phénomènes appelés anomalies. Des distorsions physiques tantôt électriques, tantôt incendiaires ou gravitationnelles. Autant de pièges mortels pour les "stalkers", des aventuriers qui explorent la zone à la recherche d’artefacts aux propriétés physiques étranges qui s’échangent à très bon prix sur le marché noir.
Une expérience entachée par les bugs
La zone n’est pas un endroit accueillant. Fixée dans le temps après la catastrophe, elle est une fenêtre ouverte sur la vie en Ukraine dans les années 80. Mais depuis tout ce temps, la nature a repris ses droits sur l’humain. La végétation envahit les granges et les habitations abandonnées à la hâte. Le cadre est bucolique, il s’en dégage un calme d’une infinie tristesse et un effroi indescriptible. Mais cette tranquillité est souvent troublée puisque les lieux sont peuplés par de nombreux chasseurs de trésors surarmés. "S.T.A.L.K.E.R." reste avant tout un jeu de tir. Pourtant, son rythme lent en fait l’anti-"Call of Duty". Un seul ennemi peut être mortel et affronter une bande de cinq personnes à la fois relève du suicide. "S.T.A.L.K.E.R." est un jeu âpre, brut de décoffrage dans lequel la moindre erreur se paie cash.
"S.T.A.L.K.E.R." reste avant tout un jeu de tir. Pourtant, son rythme lent en fait l’anti-"Call of Duty".
S’il n’est pas avare en moments de grâce – comment ne pas frissonner quand on est perdu dans la zone et que l’orage se lève donnant au ciel des teintes verdâtres ou rouges – le jeu manque toutefois d’énormément de finitions. Ce n’est pas inhabituel de la part du studio qui a souvent publié des expériences buggées lors de leur sortie. Mais cette fois, on a du mal à imaginer comment il aurait pu en être autrement. Sans doute faudra-t-il un peu de temps à GSC pour résoudre ces soucis à grands coups de patches. Depuis la sortie, les mises à jour massives se succèdent. C’est bon signe.
Jeu vidéo
"S.T.A.L.K.E.R. 2: Heart of Chornobyl"
Développé et édité par GSC Game World
Disponible sur PC et consoles Xbox
60 €
Note de L'Echo:
Chaque semaine, L'Echo teste pour vous un jeu vidéo et vous donne son avis. Du jeu de cartes en ligne aux licences cultes, il y en a pour tous les goûts.
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