Brussels Airport: "il faudra sans doute attendre des mois"
"Notre priorité n°1 est un environnement sécurisé à la fois pour le personnel et les passagers", Arnaud Feist, CEO de Brussels Airport, qui évoque la reprise possible d’activités mercredi, avec 20% de capacité, comme étant "le scénario idéal". Car avant ce redémarrage, il faudra l’accord de la police, de l’armée, de la Direction générale du transport aérien (DGTA), bref de toutes les autorités concernées.
Depuis mardi, le directeur général de Brussels Airport et ses équipes n’ont plus une minute à eux. La réorganisation de l’aéroport est au centre des préoccupations. Aujourd’hui, un test de vraie grandeur aura lieu dans des installations provisoires, mais qui doivent encore obtenir l’agrément de toutes les autorités concernées. Au mieux, tout pourrait redémarrer demain, mais avec seulement 20% de la capacité aéroportuaire. Mais rien n’est moins sûr: on devrait en savoir plus en fin de journée. En attendant, les yeux un peu fatigués, dans des locaux où les réunions avec des ingénieurs et informaticiens se multiplient, Arnaud Feist a trouvé quelques minutes pour répondre à nos questions.
Quand avez-vous appris la nouvelle?
Arnaud Feist: Je venais d’arriver à l’aéroport. On m’a dit qu’il y avait eu deux explosions. Ma première réaction a été de vouloir aller sur place, mais la police m’en a empêché. Je suis ensuite allé au centre de crise organisé par le gouverneur du Brabant flamand à Louvain. Mais nous avons alors appris l’attentat du métro et la constitution d’un autre centre de crise à Bruxelles, où nous nous sommes rendus. Il a aussi fallu changer nos plans de secours et rediriger les ambulances qui partaient sur Bruxelles vers d’autres destinations.
C’était une journée à rebondissements?
La veille, nous fêtions l’avion Magritte de Brussels Airlines; c’était la fête et là, nous plongions dans l’horreur. Nous étions préparés à beaucoup de choses, y compris à un crash aérien, mais pas à un tel déchaînement de violence voulue par l’homme. J’ai vu les images des caméras de surveillance et des horreurs indescriptibles. Mais aussi des actes de courage insensés qui vous réconcilient avec la nature humaine. Le personnel de la communauté aéroportuaire a été exemplaire, mais aussi des passagers qui ont accompli des actes héroïques. Et puis, un de nos employés a vite vu qu’il y avait trois terroristes. Il y avait donc une troisième bombe. Heureusement, on l’a trouvée et elle a explosé sans personne autour.
"Notre priorité n°1 est un environnement sécurisé à la fois pour le personnel et les passagers", a insisté Feist qui évoque la reprise possible d’activités mercredi comme étant "le scénario idéal."
Peut-on chiffrer les dégâts?
Oh non! C’est beaucoup trop tôt. Une chose est sûre, il n’y a pas de dégâts à la structure: le bâtiment est stable. Mais le plafond et les sols sont à refaire. La poussière s’est déposée partout. Il y a aussi eu des arrosages. Il faut refaire des comptoirs, revoir l’air conditionné, rétablir l’informatique. J’en passe.
Vous êtes assurés contre de tels risques?
Absolument: nous sommes assurés contre les actes de terrorisme, contre le "business interruption", contre toutes sortes d’événements. Mais je vous dirais qu’aujourd’hui, notre souci est surtout de reprendre les activités dans un environnement pleinement sécurisé.
Compte tenu des dégâts, cela pourra prendre du temps!
La zone check in est totalement hors d’usage et la remettre totalement en service pourra prendre des mois. C’est la raison pour laquelle nous avons prévu une nouvelle zone d’enregistrement au rez-de-chaussée, près de la gare des bus et qui donnera accès au Connector. De là, le passager retrouvera un parcours normal.
Avec accès aux boutiques?
Bien sûr: tous les commerces tardent à recommencer, ce sont des victimes collatérales, comme les compagnies, les sociétés de handling, etc. Quant aux passagers à l’arrivée, ils seront acheminés vers un hangar où ils pourront récupérer leurs bagages.
Mais comment la sécurité sera-t-elle organisée dans la zone d’enregistrement? On dit que l’aéroport a péché par laxisme…
Nous avons toujours respecté les normes belges et européennes. Comme dans tous les aéroports européens, la zone d’enregistrement est publique. Faire un "screening" à l’entrée de cette zone déplace le problème et même à l’extérieur de l’aéroport. Cela change tout, mais cela déplace aussi la cible de terroristes. Faut-il tout revoir? Je suis prêt au débat, mais il faut que cela se fasse au niveau européen.
Quant à la sécurisation de la zone check in provisoire, elle sera évidemment conforme à ce qui a été décidé pour les aéroports régionaux, avec des contrôles à l’entrée. Après, il faudra une réflexion plus globale. Mais dites-vous bien que cette zone provisoire ne pourra accueillir que 20% des 4 à 5.000 passagers que nous pouvions enregistrer à l’heure, soit de 800 à 1.000.
Il faudra donc faire des choix parmi les compagnies?
C’est évident. Mais tout le monde comprend que c’est une situation exceptionnelle. Les discussions ont lieu avec le "slot coordinator" qui est indépendant de l’aéroport. Puisque c’est son hub et que c’est aussi le premier client, Brussels Airlines devrait obtenir le plus de créneaux, mais il n’y aura pas qu’elle! Maintenant, on voit que Jet Airways est partie, ce qui libère des places, et les grands tours-opérateurs et leurs compagnies ont réussi à se repositionner dans les aéroports régionaux. Tout ceci fait l’objet de discussions.
Mais l’idée est de reprendre quand, en définitive?
Ce mardi, nous allons faire un test en vraie grandeur. 800 bénévoles de la communauté aéroportuaire feront des essais comme s’ils étaient des passagers ou des employés de comptoirs, de la sécurité, etc. Toutes les autorités concernées par la sécurité devront donner leur avis. Les pompiers en premier à propos de la sécurité du bâtiment, mais aussi la police, les militaires et la Direction générale du transport aérien. Le scénario doit répondre à trois critères. Primo, l’infrastructure temporaire doit répondre aux exigences des techniques de construction (c’est fait) et aux exigences pyrotechniques. Secundo, les différents circuits empruntés doivent prouver leur efficacité. Tertio, les autorités doivent confirmer la conformité du système de sécurité mis en place.
En principe, si tout le monde donne le feu vert demain soir, on sera proches d’une solution. Dans cette hypothèse et si les compagnies sont prêtes et d’accord pour opérer, on pourrait démarrer dès mercredi. Mais j’insiste, ce n’est qu’une hypothèse.
Y a-t-il des compagnies qui ont annoncé qu’elles quitteraient Bruxelles?
À ma connaissance, non. Au contraire, je n’ai eu que des messages de soutien. Et de la part de nombreux membres de la communauté aéroportuaire, de nombreuses offres d’aide bénévole. Cela fait chaud au cœur.
Vous deviez prendre des vacances?
Oui, à la mer. Ce sera pour une autre fois. Mais pour le personnel autour de moi, j’insiste pour qu’il se déconnecte une fois rentré à la maison; sinon c’est 24 heures sur 24. Le jour des attentats, au centre de crise, j’ai dit à tout le monde: "Attendez-vous à un marathon!" On n’a fait que les premières centaines de mètres.
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