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ETF en bitcoin: les Belges risquent une lourde taxe sur les plus-values

Miser sur la hausse du bitcoin grâce à des produits cotés en bourse n'est pas sans risque pour les investisseurs belges. ©REUTERS

La plupart des produits suivant le bitcoin accessibles en Belgique ne sont pas des ETF classiques, et risquent une taxe de 30% sur la plus-value à la revente. Un des nombreux points à prendre en compte avant d'investir dans ces actifs.

Depuis leur lancement à Wall Street, la dizaine d'ETF investis en bitcoin font couler beaucoup d'encre. Ces produits constituent une petite révolution pour les investisseurs, qui peuvent désormais reproduire le cours du bitcoin avec un fonds coté, sans avoir à acheter les cryptomonnaies sous-jacentes.

Ces ETF américains ne peuvent pas être achetés en Europe, si ce n'est via un détour par le marché des options, option complexe qui ne s'adresse pas au grand public. Il existe néanmoins chez nous des produits similaires, qui permettent aussi aux investisseurs d'être exposés aux fluctuations du bitcoin sans en acheter directement.

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À la différence que ceux-ci ne sont pas des ETF classiques. Comme les trackers sur l'or ou les matières premières, ces produits relèvent de la dénomination ETC (Exchange Traded Commodity) ou ETN (Exchange Traded Note). Tous deux sont considérés comme des titres de créance, même si le produit n'est pas composé d'obligations.

30%
En Belgique, les titres de créance sont soumis à une taxe de 30% sur les plus-values, connue sous le nom de "taxe Reynders".

Des produits concernés par la taxe Reynders

Pour les investisseurs, cette distinction est lourde de conséquences sur le plan fiscal. En Belgique, les titres de créance sont soumis à une taxe sur la plus-value, connue sous le nom de "taxe Reynders", du nom du ministre des Finances qui l'a introduite en 2006. Ce précompte de 30% s'applique sur la plus-value réalisée à la revente de fonds obligataires et monétaires, ou de fonds mixtes composés à plus de 10% de titres à revenu fixe.

Pour éviter cette imposition, certains émetteurs d'ETC et d'ETN ont conclu des rulings avec les autorités fiscales belges, soit des accords stipulant que l'administration ne prélève pas de précompte sur les plus-values réalisées lors de la vente de ces produits. Mais aucun ruling n'a encore été conclu pour les produits sur le bitcoin, nous a confirmé le SPF Finances.

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"Les émetteurs comprennent surtout des acteurs ayant peu ou pas d'activité sur le marché belge et qui ne connaissent pas notre fiscalité, tels que le suisse 21Shares ou le britannique ETC Group. La probabilité d'un ruling est faible pour ce type d'émetteur."

Frank De Mol
Spécialiste des ETF à L'Investisseur

Vers un ruling fiscal?

"Cela n'est pas surprenant", estime Frank De Mol, spécialiste des ETF à L'Investisseur. "Les émetteurs comprennent surtout des acteurs ayant peu ou pas d'activité sur le marché belge et qui ne connaissent pas notre fiscalité, tels que le suisse 21Shares ou le britannique ETC Group. La probabilité d'un ruling est faible pour ce type d'émetteurs." D'après un coup de sonde de notre rédaction auprès des émetteurs, seuls Invesco (Royaume-Uni) et VanEck (États-Unis) envisageraient de demander un ruling auprès du SPF Finances.

L'absence d'accord ne signifie pas que la taxe Reynders s'applique automatiquement, selon Christophe Coudron, avocat fiscaliste chez Tiberghien. Des acteurs comme Invesco, BlackRock et WisdomTree ont déjà obtenu des rulings concernant les ETC et les ETN qui suivent les cours de l'or ou d'autres matières premières. "Ces décisions donnent aux produits sur le bitcoin une longueur d'avance en matière de traitement fiscal", estime l'avocat.

Une exception peu populaire

À l'heure actuelle, il existe un seul ETF en bitcoin en Europe qui soit bien un fonds et non un titre de créance, le Jacobi FT Wilshire Bitcoin ETF, qui est coté sur Euronext Amsterdam depuis juillet 2023.

Le petit gestionnaire d'actifs britannique Jacobi a domicilié ce produit sur l'île anglo-normande de Guernesey (souvent considérée comme un paradis fiscal), où il a obtenu l'autorisation de commercialiser le produit comme un ETF traditionnel.

Six mois après son lancement, cet ETF n'est pas un grand succès, avec moins de 2 millions d'euros d'actifs sous gestion. Notons que les courtiers traditionnels actifs sur le marché belge ne proposent pas ce produit sur leurs plateformes.

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Des investisseurs livrés à eux-mêmes

Le principal argument contre l'application de la taxe Reynders est que le bitcoin ne paie pas d'intérêts, alors que la taxe est conçue pour imposer les intérêts réinvestis dans des fonds au même titre que le précompte mobilier sur les dividendes d'actions. "Mais cet argument n'est pas une garantie", rétorque Christophe Coudron. "Il en va par exemple de même pour les certificats immobiliers, qui ne paient pas non plus d'intérêts et sont pourtant considérés comme des produits à revenu fixe par le fisc."

"Étant donné la nature spéculative du bitcoin, il est concevable que les autorités fiscales belges seront justement très strictes."

Christophe Coudron
Avocat fiscaliste chez Tiberghien

"De plus, étant donné la nature spéculative du bitcoin, il est concevable que les autorités fiscales seront justement très strictes", ajoute Courdon. "En d'autres termes, il s'agit d'une zone grise et l'incertitude juridique est élevée."

En règle générale, les investisseurs particuliers restent souvent livrés à eux-mêmes en termes de fiscalité, notamment avec les courtiers étrangers comme DeGiro, Bux et eToro. Les courtiers belges, comme Bolero (KBC), Rebel (Belfius) et Saxo, calculent, prélèvent et déclarent en revanche la taxe Reynders. "Bien qu'en raison de l'incertitude juridique, il reste à voir s'ils le feront pour les fonds sur le bitcoin", note Frank De Mol.

What's in a name?

Outre les questions fiscales, d'autres éléments sont à prendre en compte pour ceux qui s'intéressent à ces produits. Si l'on retrouve le mot "bitcoin" dans leur dénomination, certains de ces ETC ou ETN suivent en réalité des produits dérivés ou des indices liés à d'autres cryptoactifs.

Et si les ETF sont généralement plébiscités pour leurs frais réduits, cela n'est pas le cas de ceux qui suivent le bitcoin. À l'exception de 21Shares, les ETC ou ETN ont un coût annuel compris entre 1 et 2,5%, contre moins de 0,5% (parfois même 0,15%) pour les ETF européens suivant des indices boursiers. Là encore, les produits disponibles chez nous diffèrent des ETF en bitcoin lancés à Wall Street, qui affichent des frais annuels moyens d'à peine 0,3%, donc bien plus attractifs pour les investisseurs.

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