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Messieurs les rageux, tirez les premiers!

©Aude Vanlathem

À présent, en politique, chaque question un peu complexe vire illico à l’invective ou à la simplification extrême.

C’est aussi inévitable que problématique. Tôt ou tard, une campagne électorale est amenée à monter en puissance. Multipliant les inanités que les partis peuvent se lancer à la tête, en espérant convaincre l’électeur à peu de frais.

On y est donc. À présent, chaque question un peu complexe vire illico à l’invective ou à la simplification extrême.

Prenez la fiscalité. La recette est simple: il suffit d’accuser le camp d’en face de "rage taxatoire". "Les solutions du MR commencent toujours par ‘taxes’", a ainsi osé Paul Magnette. Avant de proposer, dans la foulée, un impôt sur le capital ET sur les revenus de celui-ci. Logique.

Ingrat, il en oublie même de remercier le gouvernement Michel qui, afin d’éviter une taxation des plus-values – qui fait pourtant sens et est largement pratiquée de par le vaste monde –, a préféré ouvrir la porte à un impôt sur le capital, via les comptes-titres. Cocasse, pour une coalition de droite.

Au MR, la tactique ne diffère guère. Le "conglomérat des gauches", frappé de "rage taxatoire", ne pense que "taxes, taxes, taxes" – cette triplette devrait à elle seule vous révéler l’identité du locuteur.

Sur le climat, ce n’est pas mieux. D’accord, on sent que les libéraux se cherchent un brin en la matière et ne jouent pas sur leur terrain de jeu favori. Il suffit de se pencher sur la production de Georges-Louis Bouchez, porte-parole de la campagne, et visiblement lancé dans un concours de celui qui tweete plus vite qu’il ne pense avec Theo Francken. C’est bien simple: une sortie sur deux consiste, peu ou prou, en une charge contre Ecolo.

Climat, fiscalité, immigration ou mobilité: l’argumentation perd vite pied face à la machine à indignation. Cela étant, s’ils sont les premiers à le déplorer, les partis figurent également parmi les premiers coupables.

Revoir la Constitution au bénéfice du climat? Vous n’y pensez pas, c’est insensé, ce serait ouvrir la boîte de Pandore et réveiller l’hydre communautaire, a d’abord rugi le MR lorsqu’il a vu que cette histoire de loi climat prenait corps. Pour se raviser peu après et publier une petite photo d’un oiseau sur une branche, accompagnée d’un texte disant que oui, finalement, on pouvait le réviser, ce fameux article 7bis.

Les bleus ont-ils changé d’avis? Sans doute pas. Mais ils ont réalisé que leur position était intenable sur la scène francophone. Parce que, aussi positif et encourageant que soit le symbole de la loi climat, le débat a assez rapidement quitté le terrain de la rationalité et de la mesure. Les arguments libéraux sont devenus inaudibles – quoi, le MR serait-il contre le climat?

Alors posons cela. Il nous arrive fréquemment d’être en désaccord avec Georges-Louis Bouchez. Mais on le rejoint sur ce constat: il devient parfois malaisé de débattre sereinement sur le fond de dossiers primordiaux.

Climat, fiscalité, immigration, mobilité: l’argumentation perd vite pied face à la machine à indignation et hystérie.

Élections 2019

Le 26 mai, la Belgique se rend aux urnes pour renouveller les parlements régionaux, fédéraux et européens. Comment va se dérouler le duel PS / N-VA? Les écologistes vont-ils intégrer le gouvernement bruxellois? Les europhobes feront-ils une poussée au Parlement européen? Notre dossier >

Cela étant, s’ils sont les premiers à le déplorer, les partis politiques figurent également parmi les premiers coupables. Comment le MR a-t-il synthétisé, en une image, le blocage autour de l’accord interprofessionnel (AIP)? De la sorte. "La FGTB dit ‘non’ à la hausse des salaires" (!) et "nuit gravement à la santé du pays".

Voilà, voilà.

Simpliste et affligeant.

Après, il ne faut sans doute pas s’étonner de devoir faire face à des simplismes affligeants.

Allez, on aurait tendance à penser qu’il serait déjà presque temps que la campagne s’achève. Surtout pour Maxime Prévot, qui accumule les tuiles. Cette semaine, on a eu envie de prendre le patron du cdH dans nos bras, de le serrer fort, fort, fort, et de lui promettre que tout irait bien.

On aurait su tous deux que ce ne sera pas forcément le cas, mais qu’importe.

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