À qui profite le deal?
Fusion Delhaize Ahold
Ce devait être une belle fête, une cérémonie au terme de laquelle nous aurions souhaité bon vent aux jeunes mariés. Sûrs de l’avenir rayonnant qui s’offrait à eux.
Mais le mariage entre Delhaize et Ahold laisse un goût amer, tant la balance penche d’un côté. Et pas du belge.
Non, il ne s’agit pas d’une fusion entre égaux. Avec un rapport de 61%-39% au niveau de l’actionnariat, on semble en effet bien loin de l’équilibre.
Le mariage entre Delhaize et Ahold laisse un goût amer tant la balance penche d’un côté. Et pas du belge….
Quant à l’équipe dirigeante, elle sera majoritairement batave. Le nouveau n°1 est issu d’Ahold, tout comme le responsable financier; Frans Muller de Delhaize devra se contenter, lui, d’être deputy CEO du nouvel ensemble.
Qu’en est-il du choix du siège social? Le nouveau QG se situera outre-Moerdijk, laissant à Bruxelles "le siège européen". Soyons clairs: le centre de décision du distributeur quittera le Royaume. Le reste n’étant que lot de consolation.
Mais est-ce au moins une bonne nouvelle pour l’actionnaire de Delhaize ? Avec un cours qui a baissé de près de 5% dans la foulée de l’annonce, difficile de faire croire que le marché s’emballe pour l’accord. On espérait que le distributeur au lion serait valorisé à près de 100 euros l’action. On se situe davantage aux alentours des 84 euros. Le rapport d’échange est perçu par tous comme peu généreux pour Delhaize.
Un deal avantageux pour l’emploi, alors? Comme on présente "une fusion entre égaux", on annonce "qu’aucun emploi ne découlera du rapprochement". Jusqu’à quand? Si les syndicats belges semblent relativement confiants, leurs homologues néerlandais sont plus réalistes. "Les doublons sont inévitables", reconnaissent-ils déjà. Et quand on sait que les salaires sont moins élevés dans les rangs des travailleurs aux Pays-Bas et que la réglementation du travail de nuit leur est plus favorable, il ne faut pas être devin pour savoir de quel côté les coupes interviendront.
Et cela sans envisager une restructuration de grande ampleur dans la logistique. Jusqu’à quand tout ou partie des magasins belges continueront-ils à être livrés depuis Zellik? Zaandam ne se situe qu’à 200 kilomètres de la périphérie bruxelloise.
Les fournisseurs belges de Delhaize ne dormiront peut-être pas non plus du sommeil du juste ce soir. Difficile de ne pas voir dans ce rapprochement une future révision de l’assortiment en magasins. Avec l’éviction de certains producteurs belges? Probablement. Ou alors, leur maintien dans les rayonnages, mais au prix de nouvelles concessions sur leurs marges. Rappelons simplement ce chiffre: Albert Heijn achète en général ses produits 10% moins cher que Delhaize.
Cette pression sur les fournisseurs ne se limitera sans doute pas aux producteurs belges. Tous les fournisseurs pourraient être contraints à la renégociation. Avec in fine une réouverture de la guerre des prix? Colruyt ou d’autres enseignes pour lesquelles le prix est le cheval de bataille ne resteront pas bras croisés si Ahold marche sur leurs plates-bandes.
Et c’est là qu’on pourrait trouver l’un des rares gagnants du deal Ahold-Delhaize: le ticket de caisse du panier de la ménagère.
C’est cher payé.
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