Kamala Harris, la meilleure chance des démocrates face à Donald Trump?
En cas d'abandon de Joe Biden dans la course à la Maison-Blanche, sa vice-présidente apparaît comme la mieux placée pour le remplacer.
On la pensait affaiblie par sa campagne 2020 ratée et son rôle ingrat de vice-présidente. Le nom de Kamala Harris est pourtant sur toutes les lèvres dans les milieux démocrates en cette fin de semaine. Dans l'hypothèse où Joe Biden, incapable de réparer les dégâts après son débat catastrophique face à Donald Trump, abandonnerait la course, Kamala Harris est désormais vue comme la meilleure option pour le remplacer. Et les ténors du parti commencent à se rallier discrètement derrière elle.
Le patron des démocrates à la Chambre des représentants Hakeem Jeffries aurait d'ores et déjà signalé en privé sa préférence aux élus. Quant à Jim Clyburn, représentant de Caroline du Sud et l'un des membres les plus influents du parti, il a publiquement offert son soutien à Kamala Harris en cas de désistement de Joe Biden.
Biden ne compte pas jeter l'éponge. Il l'a fait savoir ce vendredi soir lors d'une interview cruciale pour sa campagne accordée à la chaîne américaine ABC. Il a, parfois laborieusement, défendu son acuité mentale et sa capacité à gouverner le pays pour un second mandat et a minimisé la situation, notamment les sondages qui le placent en difficulté face à Donald Trump.
"J'étais malade. Je ne me sentais vraiment pas bien", a justifié le président américain, 81 ans, qui s'est montré déterminé à poursuivre: "Personne n'est plus qualifié que moi" pour "gagner" l'élection.
Les arguments en sa faveur sont nombreux. Le plus évident est logistique: Kamala Harris est déjà sur le ticket présidentiel, ce qui lui donne un avantage légal pour hériter des délégués de Joe Biden et du trésor de guerre - près de 250 millions de dollars - déjà amassé par la campagne. Dès lors, sa candidature apparaîtrait comme la solution la plus naturelle et éviterait un bain de sang lors de la convention démocrate de Chicago au mois d'août.
C'est aussi une question d'image: comment expliquer aux électrices et aux électeurs afro-américains que la première femme noire vice-présidente, choisie par Joe Biden pour incarner l'avenir du parti démocrate, se voie privée de la nomination au profit d'un candidat blanc? Les autres potentiels prétendants - Gretchen Whitmer, Josh Shapiro, Gavin Newsom, etc. - ont d'ailleurs bien conscience que ce serait se tirer une balle dans le pied pour 2028. Joe Biden lui-même avait très mal vécu de voir son patron Barack Obama lui préférer Hillary Clinton en 2016.
Diplômée en droit, elle se fait connaître en tant que procureure pour sa pugnacité.
Sondage déterminant
Enfin, le dernier argument est tout frais, sorti d'un sondage post-débat très remarqué de CNN. Malgré sa cote de popularité assez faible ces dernières années, Kamala Harris apparaît aujourd'hui comme la mieux placée face à Donald Trump aux yeux des électeurs, en particulier les femmes et les indépendants, dont le vote sera clé en novembre.
Kamala Harris a souvent été comparée à Barack Obama pour sa couleur de peau, son éloquence et son ascension rapide. Née en 1964, elle est d'origine jamaïcaine par son père, économiste à l'université Stanford, et indienne par sa mère, chercheuse en cancérologie en Californie puis à Montréal.
Diplômée en droit, elle se fait connaître en tant que procureure pour sa pugnacité. Puis, elle gravit les échelons en se faisant élire procureure générale de Californie en 2011 et enfin sénatrice du même État en 2016. Ses joutes verbales en commission parlementaire ou pendant l'audition du juge candidat à la Cour suprême Brett Kavanaugh font le tour des réseaux sociaux: sa réputation de femme à poigne s'élargit alors au grand public.
Mais sa campagne présidentielle 2020, mal gérée, sans fil directeur et parsemée de moments gênants, fait un flop. Ce qui ne l'empêche pas d'être choisie comme colistière par Joe Biden.
Son mandat de vice-présidente ne sera pas des plus brillants. Kamala Harris a du mal à trouver ses marques et refuse les portefeuilles liés aux questions raciales ou de genre, pour que son identité politique ne soit pas réduite à ces thèmes. Elle accepte à contrecœur le dossier de l'immigration, cadeau empoisonné de Joe Biden.
Le boulet de l'immigration
Dans un éventuel face à face, Donald Trump, qui a fait de l'immigration son principal sujet de campagne avec l'économie, ne manquera pas de lui rappeler qu'elle est le visage de l'échec de l'administration Biden à la frontière mexicaine. Il pourra aussi lui reprocher d'avoir fait partie de ceux qui ont gardé le silence sur l'état de santé de Joe Biden, alors que les témoignages se multiplient pour dire que la piteuse performance du débat de la semaine dernière n'était qu'un épisode parmi d'autres.
Les autres angles d'attaque potentiels du camp Trump sont moins liés à ses fonctions de vice-présidente qu'à sa personne et à son parcours. Son rire à gorge déployée, qui donne parfois l'impression d'être forcé, lui vaut déjà un surnom trouvé jeudi par Donald Trump: "Laffin Kamala" (pour laughing Kamala, Kamala la rigolarde).
Ses origines californiennes, État progressiste par excellence, ne manqueront pas non plus d'être rappelées aux électeurs modérés du Midwest. Certains donateurs démocrates doutent d'ailleurs de ses chances dans ces États-clés (Pennsylvanie, Michigan, Wisconsin, etc.), que le parti doit à tout prix gagner pour conserver la Maison-Blanche.
Parmi ses points forts: sa poigne d'ancienne procureure ne fera que grandir le contraste face à un Donald Trump repris de justice.
Mais en politique, tout est question d'équilibre. Certains stratèges pensent pouvoir remédier à ce problème en lui nommant un colistier blanc et masculin issu de ce même Midwest. Les noms de Josh Shapiro (Pennsylvanie) ou J.B. Pritzker (Illinois) circulent notamment. Ce genre de ticket fait en effet peur au camp Trump.
Soutien de Joe Biden?
Kamala Harris pourrait alors se concentrer sur les dossiers qui lui réussissent, comme celui du droit à l'avortement dont elle s'est fait une championne depuis l'annulation de Roe v. Wade par la Cour suprême. Parmi ses autres points forts: sa poigne d'ancienne procureure ne fera que grandir le contraste face à un Donald Trump repris de justice.
Et ce dernier, souvent sans filtre dans ses meetings, pourrait refroidir les électeurs modérés avec une blague raciste ou sexiste envers sa rivale. Sans oublier l'évidence: à 59 ans, elle plierait définitivement le débat sur l'âge des candidats, et la question de l'aptitude mentale à exercer la fonction de président.
Mais tout cela ne peut marcher qu'avec le soutien de Joe Biden. Sautera-t-il le pas? Il serait alors obligé de se contredire puisque son seul véritable argument pour maintenir sa candidature était qu'il pensait être le seul capable de battre Donald Trump. Sous-entendu: Kamala Harris serait trop faible.
Les récents sondages et la pression du camp démocrate auront peut-être raison de cet argument. D'autant plus que Joe Biden pourrait ressortir grandi d'un tel choix au profit d'un intérêt supérieur. Et sa carrière politique, démarrée dans les années 1970, se terminerait alors par le soulagement de pouvoir adouber celle qu'il a désignée comme sa dauphine.
Toute l'actualité sur les élections qui se tiendront le 5 novembre 2024 aux États-Unis pour élire un nouveau locataire à la Maison-Blanche et renouveler une partie du Congrès.
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