Pour Kamala Harris, la mauvaise "surprise d’octobre" pourrait venir du Moyen-Orient
Si Kamala Harris est légèrement en avance sur Donald Trump dans les sondages, une escalade du conflit au Moyen-Orient pourrait lui barrer la route de la Maison-Blanche.
Dans cette rubrique, Matthias Matthijs prend le pouls des États-Unis, depuis Washington DC, à l'approche de l'élection présidentielle.
Alors qu’il ne reste plus que six semaines de campagne pour l’élection présidentielle américaine, la course à la Maison-Blanche reste incroyablement serrée. Le léger avantage de Kamala Harris dans les derniers sondages se situe dans la marge d'erreur statistique. Qui plus est, ces sondages pourraient à nouveau, comme en 2016 et en 2020, sous-estimer les chances de Donald Trump.
Et il ne faut jamais exclure un événement dramatique qui viendrait, d’ici au 5 novembre, faire pencher le duel Harris-Trump en faveur de la démocrate ou du républicain.
Plusieurs précédents historiques
Au cours de l'été 1980, alors que le républicain Ronald Reagan était le challenger du président démocrate Jimmy Carter, William Casey, directeur de campagne du premier, avait mis en garde contre une telle "October surprise". Reagan finira par l'emporter très confortablement sur Carter, bien qu'ils aient été au coude à coude dans les sondages. Casey craignait que Carter, en tant que président en exercice, n'ait un avantage puisqu'il avait le contrôle sur le calendrier de certains événements ou décisions politiques.
La faillite de la banque d'investissement américaine Lehman Brothers, en septembre 2008, a largement profité à la campagne de Barack Obama contre John McCain.
L'histoire nous enseigne en tout cas que les surprises qui surviennent juste avant l'élection – qui peuvent avoir lieu en septembre – jouent en faveur tantôt d’un candidat tantôt de son adversaire.
Ainsi, on se rappelle que la faillite de la banque d'investissement américaine Lehman Brothers, le 15 septembre 2008, allait plonger les États-Unis et le reste du monde dans une profonde crise financière et, au passage, profiter largement à la campagne de Barack Obama contre John McCain.
On se souvient aussi du mois d’octobre 2016 émaillé par la "Hollywood tape" - dans laquelle on entendait Donald Trump se vanter de la façon dont sa célébrité lui permettait d'agresser des femmes en toute impunité – et par la révélation de l’irresponsabilité d’Hillary Clinton, qui avait utilisé un serveur privé pour envoyer des courriels officiels lorsqu'elle était secrétaire d'État. De nombreux analystes ont convenu, par la suite, que l’enquête lancée par le directeur du FBI, James Comey, sur le scandale des courriels juste avant l'élection, avait été fatale à la candidature de la candidate démocrate.
Pour quelques milliers de voix
Aujourd’hui, la "surprise d’octobre" pourrait venir d’une escalade du conflit au Moyen-Orient et s’avérer catastrophique pour Kamala Harris. Le résultat du 5 novembre ne dépend, en effet, que de quelques dizaines de milliers de voix dans les fameux États indécis que sont le Michigan, la Pennsylvanie, le Wisconsin, la Caroline du Nord, l'Arizona, le Nevada et la Géorgie.
Si Israël lance une offensive terrestre contre le Hezbollah au Liban, Kamala Harris verra sa position politique très fragilisée.
Le soutien de Joe Biden à Israël dans sa lutte contre le Hamas dans la bande de Gaza est depuis longtemps le talon d'Achille des démocrates. Pour de nombreux électeurs jeunes et musulmans, la souffrance prolongée du peuple palestinien est un prix inacceptable à payer pour la sécurité de l'État israélien. Lors des primaires, nombre d'entre eux ont émis un vote de protestation en ne votant pas pour Biden.
Si Israël lance une offensive terrestre contre le Hezbollah au Liban, Kamala Harris verra sa position politique très fragilisée. Tout d'abord, parce que Biden ou Harris ne semble pas ou plus capable d’exercer une quelconque influence sur le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou. Le convaincre de conclure un cessez-le-feu ou d'attendre le résultat de l’élection présidentielle du 5 novembre pour lancer une invasion dans le nord du pays a tout de la mission impossible. Depuis l'attaque terroriste du Hamas contre des civils israéliens le 7 octobre 2023, Netanyahou cherche autant à assurer la sécurité de son pays que son propre avenir politique.
Entre le marteau et l'enclume
Kamala Harris se retrouve ainsi entre le marteau et l'enclume. D'un côté, son mari d'origine juive, Doug Emhoff, s'élève souvent contre l'antisémitisme croissant, notamment sur les campus universitaires américains. Pour la candidate démocrate et les pontes modérés de son parti, il est impensable de ne pas soutenir Israël. Mais de l’autre côté, le cœur de l'aile gauche des démocrates saigne pour le sort des Palestiniens.
Trump a beau jeu de souligner que, depuis son départ de la Maison-Blanche, la scène internationale est devenue une véritable pétaudière.
Ainsi, adopter une position chèvre-choutiste, consistant à exprimer un soutien "conditionnel" à Israël, risque d'être mal perçu par l’ensemble de sa base électorale, les pro-Israéliens comme les pro-Palestiniens.
Personne n'attend de Trump qu'il exprime une position équilibrée. Son soutien à Israël est inconditionnel. En cas d’escalade du conflit au Moyen-Orient, il aurait également beau jeu de souligner que, depuis son départ de la Maison-Blanche, la scène internationale est devenue une véritable pétaudière. Trump aime à clamer dans ses meetings que Poutine n'aurait pas osé envahir l'Ukraine s'il avait été président à la place de Biden. Il continue à promettre de résoudre le conflit militaire entre la Russie et l'Ukraine en 24 heures. Il se fait un plaisir de rappeler le retrait américain chaotique d'Afghanistan à l'été 2021.
Une escalade militaire entre Israël et le Hezbollah, avec un nombre croissant de victimes civiles au Liban, serait non seulement désastreuse pour le Moyen-Orient, mais pourrait également coûter la présidence à Kamala Harris.
Toute l'actualité sur les élections qui se tiendront le 5 novembre 2024 aux États-Unis pour élire un nouveau locataire à la Maison-Blanche et renouveler une partie du Congrès.
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