Des milliards supplémentaires pour stocker les déchets nucléaires
Le coût du stockage des déchets les plus radioactifs est en train d’être réévalué. Au lieu de 3,2 milliards d’euros, on parle désormais de 8 milliards — et même plus de 10 milliards dans un scénario défavorable. Une très mauvaise nouvelle pour Electrabel, qui va presqu’à coup sûr devoir augmenter ses provisions nucléaires.
Le coût du centre de stockage qui accueillera les déchets belges les plus radioactifs pourrait être trois fois plus élevé que prévu, annonce Le Soir mercredi. L’Ondraf, l’organisme public chargé de gérer ces déchets, a en effet refait ses calculs. Jusqu’ici, il tablait, pour les déchets B et C, c’est-à-dire de haute activité et/ou de longue durée de vie, sur un enfouissement à 200 mètres de profondeur dans les argiles de Boom, et estimait le coût de l’opération à 3,2 milliards d’euros. Ce serait désormais 8 milliards d’euros au minimum. Un second scénario, défendu par l’Ondraf, ferait même grimper la facture au-delà des 10 milliards.
Cette réévaluation était attendue. Depuis un certain temps déjà, l’AFCN, le gendarme du nucléaire qui devra donner son feu vert au projet, a émis des doutes sur les options retenues par l’Ondraf – notamment sur la profondeur envisagée pour ce stockage géologique. Les rares pays qui ont déjà des plans concrets pour l’enfouissement des déchets hautement radioactifs ont en effet opté pour des profondeurs supérieures: 420 mètres pour Onkalo en Finlande, 500 mètres pour Bure en France, 500 mètres pour Forsmark en Suède et 300 mètres pour Yucca Mountain aux Etats-Unis, un projet stoppé mais que le gouvernement américain pourrait réactiver. Le gendarme du nucléaire s’interrogeait aussi sur la sûreté opérationnelle du projet, et sur la présence de réserves d’eau souterraines exploitables à proximité.
L’Ondraf a donc revu sa copie. "Cette réévaluation est en train d’être finalisée, et sera à l’ordre du jour du conseil d’administration fin septembre", explique Evelyn Hooft, porte-parole de l’Ondraf. Le nouveau scénario table sur un stockage à 400 mètres de profondeur, ce qui bien sûr, alourdit fortement les coûts. "Nous avons aussi revu le projet pour tenir compte du principe de récupérabilité des déchets, qui a été intégré dans la législation, précise Evelyn Hooft. Et au lieu d’une galerie centrale, le projet en prévoit désormais deux, avec des galeries de stockage perpendiculaires moins longues, et donc plus nombreuses."
Des provisions à réviser
La commission des provisions nucléaires, chargée de calculer les montants qu’Electrabel doit mettre de côté pour couvrir le coût du démantèlement des centrales et de la gestion des déchets, devrait disposer des nouveaux chiffres pour sa prochaine révision triennale, prévue en 2019. Un exercice qui aboutira, presque à coup sûr, à un sérieusement alourdissement de la facture pour Electrabel, mais qui aura le mérite de diminuer l’incertitude à ce sujet, et donc la pression sur le cours de Bourse de sa maison-mère, Engie.
L’entreprise, elle, tient à nuancer. "Le potentiel coût additionnel ne concerne pas seulement Electrabel, mais aussi les autres exploitants nucléaires comme l’IRE, le SCK-CEN ou Belgonucléaire, rappelle Anne-Sophie Hugé, porte-parole de l’exploitant des sept réacteurs nucléaires du pays. Et compte tenu de l’horizon de temps auquel cette solution devrait être mise en œuvre, il faut relativiser les montants qui circulent, et que nous ne pouvons pas confirmer."
L’Ondraf prévoit en effet que les premiers déchets, de type B, ne commenceront à être stockés qu’à partir de 2070 sur le site qui doit encore être choisi, et que les déchets de type A, les plus radioactifs, ne seront enfouis qu’à partir de 2110. Entretemps, les provisions constituées devraient produire des intérêts, ce qui devrait alléger la facture.
Mais à l’inverse, une autre incertitude majeure pèse encore sur le coût final. Le fédéral n’a pas encore tranché la question de savoir si les combustibles usagés, qui représentent une part très importante des déchets qui doivent être enfouis en profondeur, seront retraités préalablement, ou stockés directement. En 1993, le gouvernement belge a imposé un moratoire sur ce retraitement. Les estimations actuelles tablent sur un retraitement partiel. S’il n’a pas lieu, cela devrait encore alourdir l’addition.
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