Tir d'un missile balistique à moyenne portée: Poutine n'exclut pas de "frapper les pays dont les armes sont utilisées par l'Ukraine en Russie"
La Russie a tiré sur l'Ukraine "un missile balistique à moyenne portée", et non un missile intercontinental, a confirmé à L'Echo un expert ukrainien. Quoi qu'il en soit, le signal adressé par la Russie est important.
Jeudi matin, l'armée de l'air ukrainienne annonçait que la Russie avait tiré pour la première fois "un missile intercontinental" (ICBM) contre l'Ukraine. L'engin, capable de porter des charges nucléaires sur une distance de plus de 5.500 km, aurait été tiré depuis la base militaire d'Astrakan, dans le sud de la Russie.
Le projectile faisait partie d'un tir groupé de missiles conventionnels contre l'usine de fabrication de satellites de Pivdenmach, dans la ville de Dnipro. L'annonce était prise au sérieux, aucun missile ICBM n'ayant jamais été utilisé lors d'un conflit.
Un peu plus tard dans la journée, des sources américaines fiables et l'expert ukrainien Serhii Kuzan, contacté par L'Echo, estimaient qu'il s'agissait plutôt d'un missile balistique à moyenne portée (MRBM). Une arme d'une portée inférieure à 3.500 km, pouvant être équipé d'une tête nucléaire.
En soirée, le président russe Vladimir Poutine affirmait à la télévision qu'il s'agissait "d'un nouveau missile balistique à moyenne portée". Estimant que le conflit avait pris "un caractère mondial", et jouant une nouvelle fois la surenchère, il n'a pas exclu de "frapper les pays dont les armes sont utilisées par l'Ukraine en Russie".
"Manifestement, Poutine utilise l'Ukraine comme un terrain d'essai."
Le message de Zelensky
"Aujourd'hui, c'était un nouveau missile russe. Tous les paramètres - vitesse, altitude - correspondent à ceux d'un missile balistique intercontinental. Les enquêtes d'experts sont en cours", a déclaré en matinée le président ukrainien Volodymyr Zelensky sur son compte Telegram. "Manifestement, Poutine utilise l'Ukraine comme un terrain d'essai".
Dans la foulée, le ministère ukrainien des Affaires étrangères a appelé la communauté internationale à réagir rapidement à l'utilisation par la Russie d'un "nouveau type d'arme", sans préciser de quel missile il s'agissait.
La réaction internationale n'a pas tardé. L'UE, la France et le Royaume-Uni ont estimé que l'utilisation d'un missile ICBM serait "une escalade". Les États-Unis ont pris de nouvelles sanctions contre une cinquantaine de banques russes.
Frappes ukrainiennes
Le contexte est des plus tendus. L'Ukraine a mené cette semaine deux séries de frappes de missiles à longue portée occidentaux en Russie, après avoir reçu l'autorisation des États-Unis.
Ainsi, l'armée ukrainienne a tiré, mercredi, des missiles britanniques Storm Shadow contre une cible militaire russe à Koursk. Selon l'Institute for the Study of War, ces tirs ont été menés "avec succès".
En réponse à la décision américaine, Vladimir Poutine s'était livré à une escalade verbale, en recourant une nouvelle fois à la menace nucléaire.
"La Russie aurait plutôt tiré un missile balistique à portée intermédiaire (MRBM).
Un missile à moyenne portée
Pour l'analyste ukrainien Serhii Kuzan, président du Centre ukrainien de Sécurité et de Coopération, la Russie a tiré un missile balistique à moyenne portée (MRBM). "Sur base de mes informations, il ne s'agit pas d'un missile ICBM. Ce n'est pas, non plus, un missile conventionnel comme la Russie en utilise contre l'Ukraine depuis le début de la guerre", explique Serhii Kuzan.
Ses conclusions proviennent de la distance parcourue par le missile. La portée d'un missile ICBM est de plus de 5.500 km et suppose, lors du tir, un vol suborbital. Or, ici, le missile a été tiré depuis le site d'Astrakan, qui se trouve à 800 km de Dnipro.
"C'est impossible de tirer un ICBM à moins de 3.000 km. Ce serait comme atteindre une cible à côté de vous avec un mortier. De plus, le tir d'un tel missile doit être notifié à l'avance en vertu du protocole nucléaire international, sans quoi tout pays peut considérer ce tir comme une menace", ajoute-t-il.
Pour cet expert basé à Kiev, "la Russie a plutôt tiré un missile balistique à portée intermédiaire (MRBM), dont le rayon d'action correspond au tir contre Dnipro, une arme interdite en vertu d'un traité entre Washington et Moscou". Or, les États-Unis ont retiré tous leurs missiles MRBM d'Europe et la Russie n'en possède plus.
Comment le Kremlin se serait-il procuré un MRBM? Il pourrait s'agir d'un système expérimental, qu'il aurait en petite quantité, ou d'une livraison étrangère. "La Corée du Nord et l'Iran en possèdent encore. Pour Téhéran, ce serait facile d'en expédier à Astrakan via la mer Caspienne", dit Serhii Kuzan.
"C'est un signal mesuré qui veut dire : n'allez pas plus loin."
Un message important
Qu'il s'agisse d'un missile ICBM ou MRBM, la menace est grave, car les deux engins peuvent porter une tête nucléaire.
"C'est une réponse à l'autorisation donnée à l'Ukraine, par le président Joe Biden, d'utiliser des armes occidentales à longue portée sur le sol russe", réagit Sven Biscop, professeur à l'Université de Gand et directeur à l'Institut royal Egmont.
"Le missile n'était pas armé d'une tête nucléaire, c'est un signal mesuré qui veut dire: n'allez pas plus loin. C'est un message important", ajoute-t-il.
- L'Ukraine accuse la Russie d'avoir tiré sur son territoire un missile balistique intercontinental (ICBM).
- Une telle arme stratégique n'a jamais été utilisée dans un conflit.
- Pour les experts américains et l'analyste ukrainien Serhii Kyuzan, il s'agit plutôt d'un "missile balistique à moyenne portée" (MRBM), susceptible de porter aussi une tête nucléaire.
- Qu'il s'agisse d'un ICBM ou d'un MRBM, il faut lire ce tir comme "un message important" du Kremlin, estime le professeur de l'Université de Gand, Sven Biscop.
Dossier spécial sur la guerre en Ukraine, lancée le 24 février 2022 par Vladimir Poutine: toute l'actu et les dernières infos sur le conflit armé entre l'Ukraine et la Russie.
Les plus lus
- 1 Une vague de licenciements massifs en vue en Belgique, selon les avocats d'affaires
- 2 Didier Reynders: des milliers d'euros en liquide retrouvés à son domicile
- 3 Durant des années, Didier Reynders a dépassé la limite de dépôts en cash à la Loterie
- 4 Wallonie: Ecolo accuse le gouvernement Dolimont d'abandonner la cause sociale et environnementale
- 5 Pierre Voineau (Stellantis Belux) estime que l'hémorragie de Peugeot, Opel, Citroën et cie est finie