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"J'en vois certains qui se préparent au CEB dès novembre"

©Nicolas Vadot

Le CEB démarre ce lundi. Certains parents y pensent depuis la rentrée de septembre. Et entraînent leurs enfants comme un futur champion de course d’obstacles. Un réflexe contre-productif.

"Aujourd’hui les enfants, c’est relax. On ne travaille pas, on se détend". Martine, enseignante en 6e primaire, à l’école de Dion-Valmont (Brabant wallon), a décidé de lâcher la pression à deux jours du CEB (certificat d’études de base). Face à ses élèves angoissés ("certains viennent me trouver en disant qu’ils ne savent plus rien"), l’enseignante va leur apprendre la relaxation. "Les enfants sont épuisés, certains travaillent depuis Pâques, c’est contre-productif", dit-elle, lançant un appel aux parents: "Faites-nous confiance, l’école fait son travail, il faut l’accepter." Un inspecteur de la région de Charleroi confirme: "j’en vois certains qui se préparent au CEB dès novembre!"

"Cette année, on a failli organiser une réunion ou envoyer un courrier aux parents pour calmer le jeu face au CEB", ajoute la directrice de Dion, Laurence Vincent. "Le CEB, c’est surtout de la réflexion, il y a peu de matière brute à connaître. Oui, il faut le préparer, parce que le type d’exercice est différent de ce que les enfants ont l’habitude de faire à l’école. Ils peuvent être déboussolés. Mais les outils, ils les ont. Le tout est de savoir bien lire, et savoir où trouver les infos."

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"Cette année, on a failli envoyer un courrier aux parents pour calmer le jeu."

laurence Vincent
Directrice


Lundi, 49.000 enfants de 6e primaire, 56.000 jeunes de 2e secondaire et 60.000 rhétoriciens vont passer les épreuves certificatives externes (CEB, CE1D et CESS). L’exercice est étalé sur une semaine. Une semaine de stress pour beaucoup d’entre eux, surtout les plus jeunes. Et plus encore pour leurs parents, à en croire les profs. "On met de plus en plus de pression sur les enfants. Les parents les préparent à la maison, alors qu’ils ont déjà les exercices en classe, dit Laurence Vincent. Ce qu’il leur faut, avant tout, c’est s’aérer, bien manger, bien dormir."

Signal de cette pression croissante mise sur les épaules des futurs ados, les méthodes d’aide à la réussite qui fleurissent au printemps. L’offre s’étoffe d’année en année. La concurrence fait rage. Parfois à bon escient. Simon Halleux, animateur pédagogique de l’école de devoirs la Fabrique de soi, à Tubize, explique que pour certains élèves, la préparation extrascolaire est indispensable. "Nous accueillons des élèves issus de milieux moins favorisés, ou de l’immigration. Leurs parents ne savent pas toujours les aider et les suivre dans leur scolarité", dit-il, pointant notamment les primo-arrivants.

La peur de l’échec a créé une nouvelle niche commerciale pour les spécialistes du soutien scolaire. Aperçu.

Les éditeurs. De Boeck a été la première à lancer son ouvrage "Réussir le CEB" il y a trois ans. Coût: 7,80 euros.L’an dernier, l’éditeur a attaqué le marché avec une méthode de préparation au CE1D.Combien en vend-il?"On connaît un vrai succès", nous dit-on laconiquement.Les chiffres, eux, sont gardés top secret. Chez Averbode (Editions Erasme), on est plus bavard."Notre ouvrage ‘S’entraîner au CEB’est tiré cette année à 15.000 exemplaires", dit le directeur commercial Patrick Boeykens.Venu sur le marché il y a deux ans, l’éditeur a connu une croissance de 20 à 25%, ce qui l’a mené à détrôner de Boeck.Derrière ces poids lourds, on retrouve encore Jourdan ("Je réussis mon CEB").

Internet. Classeprimaire.be, Reussitschool.be, Enseignement.be. Ces sites, non commerciaux, proposent des exercices en ligne.Avec un réel succès.L’an dernier, le site Classeprimaire.be, lancé par un instituteur de Koekelberg, Geoffroy Demuelenaere, a connu une fréquentation de 6.000 à 9.000 visites/jours durant les mois de mai et juin.

Les écoles de devoirs. Ces ASBL de soutien scolaire offrent aussi leur aide au CEB, avec des mini-stages.

Les cours privés. Sur internet, on trouve des propositions d’aide spécialisée et individualisée fournie par des logopèdes (compter parfois 150 euros pour trois séances…) ou des professeurs particuliers (chez Reussitschool, on compte 30 euros/heure, 50 euros/2h en groupe de 5 enfants).

 

Réflexe de riche?

Même son de cloche chez Reussitschool, basé en Région bruxelloise. Nous sommes ici à la frontière entre Uccle et Ixelles. Ici, la population aisée croise les élèves de milieux moins favorisés. La pression est-elle la même? Alors que Martine, notre enseignante de Dion, croit qu’elle se concentre sur les plus aisés, la directrice de Reussitschool le dément. "Le CEB, c’est l’opportunité de rentrer en secondaire. Pour les élèves de milieux défavorisés, c’est peut-être encore plus important", nous dit Brigitte Raymont. La préparation plus "intensive" au CEB sera aussi utilisée pour les élèves qui ont des difficultés d’apprentissage, comme la dyslexie. Raison pour laquelle certains logopèdes sont aussi appelés à la rescousse.

Néanmoins, il y a un certain paradoxe à constater que cette pression est mise sur la réussite d’une épreuve jugée par après "trop facile".

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Le 24 juin prochain, le verdict tombera en effet pour les 165.000 jeunes. Avec, pour le CEB, un taux de réussite qui, s’il suit la lignée des épreuves précédentes, frôlera les 90%. Cet emballement autour du CEB pourrait donc venir de l’aspect compétition qu’il induit chez les élèves (et leurs parents). Dans le mode: "c’est facile, pas question de rater". Marie Van Reybroeck, psychologue en sciences de l’éducation à l’UCL, explique ainsi que si les évaluations sont nécessaires, elles induisent aussi un réflexe de compétition qui éloigne l’élève de l’objectif d’apprentissage.

Pour notre inspecteur scolaire, la surpréparation des élèves expliquent aussi leurs excellents résultats. "On fait du bachottage. Les élèves sont formatés aux épreuves. Ce qui explique aussi la différence de niveau avec le CE1D, où la réussite est moins bonne". Mais selon lui, cela va vite changer… Pour preuve, les livres de préparation au CE1D commencent, eux aussi, à sortir…

 

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