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Les investisseurs pourront bientôt jouer avec les blocs

©REUTERS

Les grandes banques et maisons de Bourse sont devenues totalement "accros" de la technologie "blockchain" (ou technologie de chaînage par blocs), qui se trouve derrière la monnaie virtuelle, le bitcoin. Cette révolution du "blockchain" va-t-elle radicalement modifier notre manière d’investir?

"Si cela continue à ce rythme, nos jours sont comptés." Deux collaborateurs d’un courtier belge se regardent, décontenancés, après un récent congrès à Louvain. Le sujet: le "blockchain", la technologie qui se trouve derrière la monnaie virtuelle, le bitcoin. On pourrait imaginer qu’en 2016, la vie de banquier ou de courtier en Bourse est un long fleuve tranquille. Mais ce que le duo vient d’entendre est tout sauf rassurant: cette nouvelle technologie pourrait totalement révolutionner le monde de la finance. Les transactions boursières, les transferts d’argent, voire l’achat d’un bien immobilier. Si les adeptes du blockchain ont raison, tout pourrait bientôt changer.

expérience

La technologie blockchain en Belgique

La plupart des grandes banques actives dans notre pays étudient les possibilités offertes par cette technologie. ING et BNP Paribas ont par exemple rejoint le R3, un consortium international de 42 multinationales qui se consacre à la technologie "blockchain". KBC a également des ambitions dans ce domaine, même si elles sont plus modestes. Boléro, la plate-forme de courtage en ligne de KBC, a développé – en collaboration avec l’agence louvinoise Kunstmaan – une application qui devrait permettre aux clients de négocier les titres financés par le crowdfunding. Pour l’instant, il s’agit d’un test: les clients peuvent l’utiliser uniquement lors d’événements de marketing spécifiques avec l’application crowdfunding, mais KBC n’exclut pas de lancer à terme, à l’international, son propre système "blockchain".

Tout le monde n’est pas convaincu de la généralisation des bitcoins. Aujourd’hui, cette monnaie virtuelle n’est soutenue que par un petit club de fans acharnés, mais après une série de scandales – les bitcoins se sont révélés être un excellent moyen pour acheter clandestinement de la drogue et des armes – aucune grande banque ou autre fournisseur de services financiers ne souhaite être lié à cette monnaie virtuelle.

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Mais le "blockchain" – à savoir la technologie sur laquelle s’appuie le bitcoin – est une autre histoire. Si elle réussit à s’imposer, elle pourrait définitivement modifier la manière dont nous gérons l’argent. Qu’il s’agisse d’opérations classiques de paiement ou de négoce d’actions, les transactions financières passent encore aujourd’hui via un système contrôlé par une tierce partie centralisée qui jouit de la confiance de chacun. Pensez par exemple à votre banque qui paie tous les mois votre facture d’électricité, ou à la Bourse qui rassemble tous les ordres de vente et d’achat des investisseurs.

Le "blockchain", un terme mieux connu par les experts sous le nom de "comptabilité décentralisée", fonctionne de manière totalement différente. "L’intermédiaire fiable" qui contrôle tout disparaît. Non pas qu’il n’y ait aucun contrôle des transactions. Mais cette tâche est décentralisée et effectuée en même temps par tous ceux qui sont actifs sur le réseau.

Exemple concret: imaginez que Marc donne 1 euro à Martine. S’il le fait dans la vie réelle, il n’y a bien entendu aucun problème. Il lui donne tout simplement la pièce de monnaie. L’histoire se complique si Marc paie ce montant par voie électronique. S’il est mal intentionné, il pourrait réaliser une copie numérique de sa pièce de 1 euro afin de pouvoir l’utiliser deux fois. C’est précisément pour cette raison que nous avons aujourd’hui des autorités de contrôle, des banques et des chambres de compensation. Elles veillent à ce que Marc ne dépense pas deux fois le même euro.

Un réseau décentralisé inverse le concept: tous ceux qui sont connectés au réseau pourront voir que Marc a transféré 1 euro à Martine sous la forme d’un code informatique. Si Marc veut dépenser ce même euro une seconde fois, le réseau le détectera et refusera la transaction.

©MEDIAFIN

Chaîne de codes informatiques

Le bitcoin est l’application la plus connue de la technologie "blockchain", mais elle n’est pas la seule. En principe, pratiquement tout peut être traité via ce réseau de chaînage par blocs et ceux qui administrent ce réseau décident qui peut y avoir accès.

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Il y a un point commun à tous les réseaux de "blockchain": toute transaction doit absolument être approuvée par tous ceux qui sont connectés. Imaginons par exemple que vous donniez de l’argent à vos enfants. Cette transaction – transposée en code informatique – sera inscrite dans un "journal de bord" tenu à jour par tous les membres du réseau. Ce registre ressemble à une chaîne de codes informatiques, ce qui explique la présence du mot "chain" (ou chaînage) dans le mot "blockchain".

Mais d’où vient le soudain engouement pour cette technologie? C’est simple, elle rapporte de l’argent. D’après un rapport du groupe bancaire espagnol Santander et du consultant Oliver Wyman, la technologie "blockchain" permettrait au secteur financier d’économiser entre 15 et 20 milliards de dollars à partir de 2022.

15 milliards €
La technologie "blockchain" permettrait au secteur financier d’économiser entre 15 et 20 milliards de dollars à partir de 2022.

Elle permet en effet d’augmenter la vitesse du trafic de paiement sans nécessiter l’intervention de différents intermédiaires (très chers) tels que les Bourses et les chambres de compensation. Cela rend l’infrastructure beaucoup plus légère et meilleur marché.

Il ne faut donc pas s’étonner si tout le monde est aujourd’hui à la recherche du Saint Graal des applications "blockchain".

Ces derniers mois, de grands acteurs se sont profilés comme étant des ardents adeptes du "blockchain". Pratiquement toutes les banques d’affaires, exploitants de Bourses ou géants informatiques développent aujourd’hui au moins un projet lié à cette nouvelle technologie. Parfois seuls, mais souvent en association avec d’autres. Ainsi, ING et BNP Paribas font partie de R3, un consortium de 42 géants de la finance dont l’objectif est de développer une norme pour la technologie "blockchain".

Ce mois-ci, les nababs de Wall Street comme JPMorgan, Citigroup et Bank of America ont effectué des tests pour négocier des produits financiers dérivés via la technologie "blockchain". Personne ne veut rater le train, et c’est compréhensible.

Les premiers qui réussiront à lancer une plate-forme de négoce opérationnelle utilisant cette technologie, n’auront en principe plus besoin de chambre de compensation ou d’autres infrastructures. "Vous pouvez comparer la situation actuelle avec l’émergence de la vidéo", explique Koen Schrever, qui, en tant que CEO de la plate-forme de financement participatif de KBC, Bolero Crowdfunding, a initié un projet pilote sur le "blockchain". "À cette époque, les géants de l’informatique ont mené une dure bataille pour faire fonctionner leurs appareils vidéo sur les systèmes VHS ou Betamax. Il s’agit aujourd’hui d’être le premier à obtenir l’équivalent du système VHS pour le blockchain, que tout le monde voudra utiliser."

Nouveaux garants du contrôle

Cette technologie signifie-t-elle la fin des opérateurs des marchés boursiers, des chambres de compensation et autres institutions qui s’occupent du règlement des transactions financières? Chez Euroclear, le spécialiste en "clearing & settlement" (compensation et règlement) basé à Bruxelles, on ne s’en fait pas. Au contraire. "Nous pouvons jouer un rôle important dans le développement de cette technologie", estiment Lieve Mostrey et Jo Van de Velde, respectivement responsables des départements Technologie et Innovation chez Euroclear.

"Cela fait plusieurs années que nous analysons les possibilités offertes par la technologie ‘blockchain’. Pour nous, cela fait partie d’une tendance générale où non seulement les transactions financières mais aussi d’autres services pourront être exécutés par l’intermédiaire d’un réseau décentralisé, explique Mostrey. Cette technologie devrait faciliter par exemple l’organisation d’un cadastre."

"Les expériences réalisées aujourd’hui avec la technologie ‘blockchain’ par le secteur financier portent sur des montants modestes, poursuit Van de Velde. Mais en cas de transaction importante, les clients auront encore besoin d’un partenaire en qui ils ont confiance et qui pourra garantir ces montants. Chez Euroclear, nous avons une quarantaine d’années d’expérience dans le traitement de transactions pourries. Je pense que nous sommes bien placés pour jouer ce nouveau rôle de ‘gardien’ dans le cadre des applications de la technologie ‘blockchain’. "

" La Belgique est aussi un acteur mondial dans le domaine du traitement des transactions financières, souligne Van de Velde. Avec Swift qui contrôle le trafic de paiements internationaux – et Mastercard – qui a son siège social en Belgique, tout comme Euroclear – notre pays peut jouer un rôle important dans le déploiement du ‘blockchain’. "

Toutes nos transactions seront-elles bientôt réalisées via cette technologie? D’après la plupart des experts, il va falloir attendre qu’un "big bang" se produise. Pour Keith Horowitz, expert chez Citigroup, il faudra sans doute encore une dizaine d’années avant de disposer d’une solution de type "blockchain" pour la plupart des transactions financières.

Le facteur limitatif est en réalité dû à la technologie elle-même, qui ne peut, à l’heure actuelle, traiter suffisamment de données en un temps très court. Le géant de la carte de crédit, Visa, peut aujourd’hui gérer 47.000 transactions par seconde. Aujourd’hui, avec la technologie "blockchain", les plates-formes de Bitcoins en traitent sept.

"Nous sommes aujourd’hui face à un véritable effet de mode, reconnaît Jo Van de Velde. De nombreuses entreprises se lancent aujourd’hui dans des projets portant sur le ‘blockchain’ parce qu’elles ne peuvent prendre le risque de rester sans rien faire. Il faudra sans doute encore attendre quelques années avant de voir émerger des applications vraiment pratiques. Mais peut-être sommes-nous aussi trop focalisés sur la technologie elle-même. Car beaucoup d’éléments entrent en ligne de compte dans une transaction: les pouvoirs publics et les réglementations vont également devoir évoluer. Je pense que le ‘blockchain’ provoquera un débat fondamental sur le rôle qu’ils peuvent encore jouer dans notre système financier."

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