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analyse

L'attaque aux bipeurs et "talkies-walkies"pourrait être le prélude d'une guerre au sud Liban

Une ambulance arrive au Centre médical de l'Université américaine de Beyrouth (AUBMC) après l'explosion de bipeurs des membres du Hezbollah à Beyrouth, au Liban, le 17 septembre 2024. ©EPA

L'explosion de milliers de bipeurs détenus par les agents du Hezbollah sème la confusion dans le mouvement islamiste. L'opération, attribuée au Mossad, pourrait entraîner une escalade.

La milice chiite pro-iranienne Hezbollah a été la cible, mardi, d'une cyberattaque sans précédent au Liban et en Syrie, au cours de laquelle des milliers de bipeurs détenus par ses membres ont explosé, faisant des milliers de victimes. L'opération n'a pas été revendiquée par Israël. Toutefois, plusieurs sources affirment qu'elle a été coordonnée par le Mossad, les services secrets israéliens, qui aurait piégé les appareils de communication avant leur livraison.

Après cette première vague meurtrière, les explosions d'appareils de télécommunication, des "talkies-walkies", se produisaient à nouveau, mercredi, dans le sud du Liban et à Beyrouth. Un bilan provisoire faisait état d'au moins 14 morts et des centaines de blessés suite à cette deuxième salve d'explosions.

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Ces attaques interviennent dans le cadre du conflit en cours entre Israël et le Hezbollah libanais depuis le massacre commis par le 7 octobre par le Hamas. Selon certains observateurs, elles pourraient être le prélude à une opération militaire de l'armée israélienne dans le sud Liban visant à repousser le Hezbollah.

L'opération a été condamnée par l'UE et l'ONU. Les responsables de ces attaques "devront rendre des comptes", a déclaré mercredi le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Volker Türk.

Que sait-on de l'attaque?

Mardi 17 septembre, vers 15h30, des milliers de bipeurs utilisés par des membres du Hezbollah au Liban et en Syrie ont explosé simultanément, tuant 10 combattants et deux enfants, et blessant environ 2.800 personnes. Selon certains rapports, le nombre de blessés s'élèverait à 4.000, dont la plupart sont des membres du Hezbollah. L'attaque a également blessé l'ambassadeur iranien au Liban, Mojtaba Amani, qui possédait, lui aussi, un bipeur le reliant au Hezbollah.

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5.000
Bipeurs
Les auteurs de l'attaque auraient introduit une petite quantité d'explosif dans 5.000 bipeurs, avant qu'ils soient livrés au Hezbollah.
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Quelques secondes avant les explosions, un message provenant soi-disant du commandement du Hezbollah serait apparu sur les bipeurs. Selon les experts, cet appel aurait été effectué par les auteurs de l'attaque pour s'assurer que le destinataire était proche de son appareil.

Les bipeurs, portant la marque taïwanaise Gold Apollo, avaient été distribués par le Hezbollah à ses combattants pour éviter qu'ils utilisent leurs téléphones portables. Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avait ordonné à ses milices de se séparer de leurs appareils de téléphonie classiques afin d'éviter d'être suivis par les services israéliens.

Comment les bipeurs ont-ils été piégés?

"L’attaque a probablement eu plusieurs effets négatifs sur l’efficacité militaire du Hezbollah, du moins temporairement."

Institute for the Study of War

D'après plusieurs médias américains et israéliens, citant entre autres des sources libanaises, les auteurs de l'attaque auraient introduit une petite quantité d'explosif et un détonateur dans 5.000 bipeurs, avant qu'ils soient livrés au Hezbollah, qui n'a rien détecté. Ils auraient ensuite déclenché l'explosion à distance.

L'origine des bipeurs demeure un mystère. Le groupe Gold Apollo a rejeté toute responsabilité, en affirmant que les appareils, la plupart du modèle AR924, avaient été fabriqués par la firme hongroise BAC. Mais le dirigeant de cette entreprise basée à Budapest se qualifie d'intermédiaire et nie toute intervention dans leur fabrication. Taïwan a annoncé le lancement d'une enquête.

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Quels sont les effets de l'opération?

"L'attaque a probablement eu plusieurs effets négatifs sur l'efficacité militaire du Hezbollah, du moins temporairement", estiment les experts de l'Institute for the Study of War, un "think thank" américain. Dans un premier temps, les communications internes du groupe islamiste ont été perturbées, en particulier compte tenu de l'importance qu'il avait donné aux bipeurs ces derniers mois.

L'opération a certainement provoqué une grande confusion au sein de certains membres. "Ces effets pourraient provoquer une paranoïa générale au sein du Hezbollah, étant donné qu'Israël a démontré à plusieurs reprises ces derniers mois à quel point il a infiltré les réseaux iraniens et des mouvements soutenus par l'Iran", souligne l'ISW.

Le Hezbollah a promis de se venger et annoncé la reprise de ses tirs contre le nord d'Israël. Les représailles éventuelles du mouvement terroriste pourraient provoquer une escalade avec Israël.

"La cyberattaque est un prélude à une guerre au sud Liban, l'objectif étant de déstabiliser le Hezbollah."

Yossi Lempkowicz
Senior analyste à l'EIPA (Europe Israel Press Association)

Est-ce le prélude à une guerre au sud Liban?

Le cabinet de guerre israélien a approuvé, lundi, le retour "en toute sécurité" des 60.000 habitants déplacés du nord d'Israël chez eux comme étant "un objectif de guerre". Cela signifie que le nord d'Israël est officiellement inclus dans les objectifs de guerre israéliens.

Le "centre de gravité" de la guerre "se déplace vers le nord", a d'ailleurs déclaré mercredi le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, en référence au front avec le Hezbollah libanais, par comparaison avec les combats contre le Hamas palestinien dans la bande de Gaza.

Une opération militaire dans cette région se prépare depuis plusieurs mois en vue de reprendre le contrôle sur cette zone profonde de 5 km le long de la frontière libanaise, menacée par les tirs de missiles antichars du Hezbollah. L'armée israélienne pourrait tenter de repousser le Hezbollah jusqu'au sud de la rivière Litani, où il devrait se trouver conformément à la résolution 1701 de l'ONU.

"La cyberattaque est un prélude à une guerre au sud Liban, le but étant de déstabiliser le Hezbollah", dit Yossi Lempkowicz, senior analyste à l'EIPA (Europe Israel Press Association). "Le commandement Nord de l'armée israélienne a confirmé à plusieurs reprises qu'il est prêt à mener à bien cette opération militaire", poursuit-il.

Le résumé
  • Des milliers de bipeurs détenus par des membres de la milice chiite pro-iranienne Hezbollah ont explosé, mardi, entraînant la mort d'au moins 12 personnes et en blessant 2.800. Mercredi, d'autres appareils de télécommunication détenus par le Hezbollah exposaient à leur tour.
  • Des charges explosives auraient été placées dans les appareils par le Mossad, les services secrets israéliens, avant leur livraison. Ils auraient ensuite été déclenchés à distance.
  • Ces attaques, destinées à semer la confusion au sein du Hezbollah, pourraient être le prélude à une opération militaire israélienne au sud Liban visant à repousser la milice islamiste au-delà de la rivière Litani pour permettre le retour de 60.00 déplacés du nord d'Israël.
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