Le Hezbollah éliminé de l'équation, Israël peut se concentrer sur le Hamas et l'Iran
Le cessez-le-feu conclu mardi offrira davantage de marge de manœuvre à Israël face au Hamas et à Téhéran. Un accord à Gaza semble toutefois encore lointain.
C'est un Benjamin Netanyahou au ton martial qui a pris la parole mardi soir pour s'adresser à ses concitoyens. Le Premier ministre israélien a annoncé la conclusion d'un cessez-le-feu au Liban, où Tsahal a lancé une campagne de bombardements de haute intensité depuis le 23 septembre dernier, avant une opération au sol dès le 1ᵉʳ octobre.
Ce second front, ouvert par le mouvement chiite Hezbollah en solidarité avec le Hamas au lendemain des attaques perpétrées par l'organisation islamiste sur le sol israélien, doit être pacifié au cours des 60 prochains jours, selon des termes repris de la résolution 1701 des Nations unies. Cet accord avait mis fin au conflit en 2006, mais n'avait jamais été entièrement appliqué, Israël et le Hezbollah en violant régulièrement certaines clauses. Il avait cependant permis le retour d'une relative stabilité autour de la fameuse "ligne bleue" qui sépare Israël du Liban depuis près de deux décennies.
La situation a toutefois drastiquement évolué aujourd'hui. Alors qu'en 2006, le Hezbollah avait pu se targuer d'avoir tenu tête aux forces armées israéliennes durant 33 jours, le bilan est très différent cette fois-ci. Le mouvement chiite a été décapité, perdant son chef historique Hassan Nasrallah dans une frappe aérienne dès le 27 septembre, ainsi que plusieurs autres hauts responsables dans les semaines suivantes.
"Après avoir mis une telle pression sur les infrastructures et la hiérarchie du Hezbollah, Israël est peut-être parvenu à certaines limites dans ses opérations ciblées."
Objectifs atteints
Le "Parti de Dieu" est également affaibli sur ses capacités opérationnelles, Israël ayant détruit une bonne partie de ses stocks d'armes et de ses positions à proximité de la frontière. Le cessez-le-feu, noué sous l'égide de l’envoyé spécial américain au Liban Amos Hochstein, lui donnera un peu d'air pour panser ses plaies, alors que le spectre de sa destruction planait.
"L'armée israélienne a atteint ses objectifs au Liban il y a déjà plusieurs semaines", estime ainsi Daniel Sobelman, expert à l’Université hébraïque de Jérusalem et à Harvard, cité par Le Monde.
Un constat partagé par Alain De Neve, chercheur à l'École royale militaire, qui souligne par ailleurs que ses cibles sont peut-être venues à manquer. "Après avoir mis une telle pression sur les infrastructures et la hiérarchie du Hezbollah, Israël est peut-être parvenu à certaines limites dans ses opérations ciblées", fait-il remarquer. "Cette trêve est sans doute un calcul politique d'Israël destiné à redéployer ses forces et redéfinir de nouveaux objectifs."
Pour Benjamin Netanyahou, cette trêve a effectivement des airs de victoire. Le chef du gouvernement s'est vanté d'avoir ramené le Hezbollah "des dizaines d'années en arrière" et a assuré qu'Israël riposterait violemment en cas de violation de l'accord. Celui-ci doit permettre à l'État hébreu de se concentrer sur la "menace iranienne" et d'isoler encore davantage le Hamas, qui lutte pour sa survie dans une bande de Gaza dévastée par plus d'un an de bombardements intensifs.
"Le Hamas pourrait envisager le même type de cessez-le-feu, mais Israël n'y aurait aucun intérêt."
Gaza toujours sous les bombes
La fin des hostilités au Liban peut-elle ouvrir la voie à un compromis à Gaza? Une percée dans l'enclave palestinienne semble bien plus compliquée à atteindre. D'abord, parce que la bande côtière est considérée comme un enjeu domestique par une bonne partie des alliés d'extrême droite de Netanyahou, qui espèrent y réinstaller des colons une fois le conflit terminé.
Ensuite, et surtout, parce que le Hamas détient toujours une centaine d'otages civils israéliens depuis le 7 octobre 2023. "Je ne pense vraiment pas que le cessez-le-feu au Liban aura un quelconque impact sur Gaza", estime ainsi Mkhaimar Abusada, un politologue palestinien cité par le New York Times. "Il n'y a pas de lumière au bout du tunnel pour Gaza."
Une crainte qui est également formulée par Alain De Neve. "Le Hamas pourrait envisager le même type de cessez-le-feu, mais Israël n'y aurait aucun intérêt. Il n'entend pas lui réserver le même sort, car il est à l'origine de tout ça."
Diviser pour mieux régner
L'accord noué entre Israël et le Hezbollah ne fait pas non plus les affaires de l'Iran. "C'est une possible ligne de fracture entre le Hezbollah et Téhéran", estime Alain De Neve. Même si l'Iran et Israël ont tâché de ne pas faire dégénérer le conflit, la république islamique se retrouve aujourd'hui davantage exposée.
De leur côté, les États arabes demeurent silencieux. "Il est étrange qu'aucun front arabe n'ait émergé depuis le début de la guerre pour soutenir la cause palestinienne. La plupart des pays arabes préfèrent garder la situation en l'état, et la question palestinienne a peu de chance de faire l'objet d'une position commune", conclut le chercheur de l'ERM.
Alors que l'administration Trump entrera en fonction quelques jours avant la fin du délai de soixante jours prévu par le cessez-le-feu, Israël se retrouve avec les mains plus libres pour poursuivre le conflit.
- Israël a entamé un retrait de ses troupes au Liban, après la conclusion d'un cessez-le-feu ce mardi.
- Le Hezbollah sort passablement affaibli du conflit, et voit ses relations avec l'Iran égratignées.
- Un accord semblable à Gaza semble quant à lui encore lointain.
- Israël dispose maintenant de davantage de liberté pour mener sa guerre contre le Hamas, et tenir Téhéran en respect.
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