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Une taxe sur les plus-values n’inquiète guère les investisseurs

Pour l’heure, les investisseurs ne s’affolent pas, si l’on en croit notre coup de sonde mené auprès de banques, de gestionnaires d’actifs et d’avocats fiscalistes. ©BELGA/BELPRESS

Le prochain gouvernement fédéral instaurera, selon toute vraisemblance, une taxe sur les plus-values. Le stoïcisme relatif des investisseurs à cet égard ne laisse présager, pour l’heure, aucune fuite massive des capitaux.

Dans sa super note, le formateur Bart De Wever (N-VA) propose d’introduire une taxe sur les plus-values de 10% sur les actifs financiers, tels que les actions et les obligations.

Cette imposition ne serait toutefois appliquée qu’à partir d’un certain montant et ne viserait pas les plus-values historiques. En contrepartie, les moins-values deviendraient déductibles fiscalement. La proposition vise à inciter les Belges aisés à contribuer davantage aux recettes de l’État.

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Trois des cinq partis participant aux négociations de formation de la coalition Arizona — à savoir Les Engagés, le CD&V, mais surtout Vooruit — font pression en ce sens.

"Cela ne change pas la donne, personne n’en perdra le sommeil."

Anton van Zantbeek
Avocat fiscaliste

L’imposition des plus-values est un sujet sensible. De nombreux spécialistes interrogés ne veulent parler que sous couvert d’anonymat. "Nous ne commentons pas des propositions politiques en cours de discussion", nous répond ainsi BNP Paribas Fortis, la plus grande banque de Belgique.

Pour l’heure, en tout cas, les investisseurs ne s’affolent pas, si l’on en croit notre coup de sonde mené auprès de banques, de gestionnaires d’actifs et d’avocats fiscalistes. "Nos clients posent peu de questions", réagit KBC. La banque ING corrobore: "Pour l’instant, une éventuelle taxe sur les plus-values ne suscite pas trop d’agitation ou de questions concrètes."

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Ne rien faire?

Du côté des banques privées, le son de cloche est un peu moins serein. "Une taxe sur les plus-values suscite une certaine inquiétude, mais pour l’instant, les clients ne prennent aucune mesure", nous confie un banquier privé qui souhaite garder l’anonymat.

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"Aucun client ne m’a demandé concrètement comment y échapper. Certains clients se montrent fatalistes." Un autre spécialiste relève que la plupart des clients adoptent surtout une attitude attentiste. "Il est difficile de faire quoi que ce soit maintenant si l’on ne sait pas ce qui va arriver", fait remarquer Anton van Zantbeek, avocat fiscaliste au cabinet Rivus. "Ne rien faire est également une option."

"Si l’immobilier n’est pas plus lourdement taxé, je m’attends à davantage d’investissements dans ce secteur."

Un banquier privé

Certains avocats fiscalistes font d’ailleurs valoir qu’un taux d’imposition de 10% serait acceptable. Selon Anton van Zantbeek, à cette hauteur, une taxation ne justifie pas de claquer la porte et de s’engager dans de l’évasion fiscale. "Cela ne change pas la donne, personne n’en perdra le sommeil", avance-t-il. En France et en Allemagne, l’impôt sur les plus-values est supérieur à 10%. Bien entendu, une fois instaurée, une imposition des plus-values pourrait être portée dans les années qui viennent à 15, voire 20%.

Anton van Zantbeek souligne que d’autres pays européens, comme la France et le Royaume-Uni, ont décidé récemment d’augmenter la pression fiscale sur leurs résidents fortunés. Et pour contrecarrer l’évasion fiscale, les Pays-Bas prévoient de durcir la taxe de sortie ("exit tax") pour les résidents qui partent vers des cieux moins imposés.

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Certains spécialistes observent que les investisseurs fortunés s’inquiètent davantage d’autres impôts que la taxe sur les plus-values envisagée par la coalition Arizona. "La taxe Caïman les préoccupe plus", souligne un avocat fiscaliste qui souhaite garder l’anonymat. La taxe Caïman impose les revenus des structures juridiques de riches Belges dans les paradis fiscaux.

Inquiétudes et migrations

Anton van Zantbeek fait aussi remarquer qu’il existe déjà une taxe de 33% sur les plus-values de la spéculation et que cette taxe pourrait faire davantage de "victimes". "La spéculation n’est pas définie par des critères objectifs. Nous nous trompons d’ennemi. À partir de 2026, tous les investissements en cryptoactifs seront notifiés. Les gens sont plus préoccupés par les droits de succession, les droits de donation et l’incertitude concernant la taxe Caïman."

Mais une taxe sur les plus-values fait déjà entrevoir un impact. "Si l’immobilier n’est pas plus lourdement taxé, je m’attends à davantage d’investissements dans ce secteur", déclare un banquier privé. Un autre spécialiste s’attend également à des retombées. "La charge symbolique de la taxation des plus-values est très élevée. Les capitaux sont volatils et se déplacent. Dans un cas extrême, les gens partiront à l’étranger. Les “usual suspects” sont la Suisse et Singapour."

"Les clients chercheront certainement à échapper à l’impôt sur les plus-values", avance un avocat fiscaliste.

Rien n’indique pour l’heure que l’instauration d’une taxe sur les plus-values déclenchera une importante fuite des capitaux.

"J’ai un client néerlandais qui s’est installé en Belgique il y a une quinzaine d’années pour des raisons fiscales et qui vient de vendre sa maison belge pour émigrer au Portugal. Les préparatifs ont commencé avant que la proposition de Bart De Wever ne soit connue. Le client possède toujours une société patrimoniale en Belgique contenant de gros paquets d’actions. Nous étudions actuellement la possibilité de les transférer dans un autre pays le plus rapidement possible."

Pourtant, rien n’indique pour l’heure que l’instauration d’une taxe sur les plus-values déclenchera une importante fuite des capitaux. "Au contraire, nous constatons que beaucoup de capitaux reviennent en Belgique", souligne ING.

"Une plus grande transparence entre les pays joue certainement un rôle à cet égard". La banque fait référence aux informations que le fisc belge reçoit sur les comptes bancaires des Belges auprès d’une banque étrangère.

"Ceux qui étaient prêts à déménager l’ont déjà fait", souligne Anton van Zantbeek. "Il y a évidemment des gens qui quittent le pays. Mais je vois aussi des gens y revenir".

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