La taxe des millionnaires du PTB, c'est un peu comme la femme de l'inspecteur Colombo

Trêve de digression télévisée, car la voici, la voilà: la ponction fiscale que le parti d’extrême-gauche entend appliquer aux riches aura bel et bien un socle légal. Et d’ici peu, svp!, puisque le 22 juin – un an après la mise en place du Parlement – le PTB va très solennellement déposer cette proposition de loi à la Chambre des représentants. Ah, on rit tout de suite moins…

Mais, amis léninistes, maoïstes et autres castristes – on n’a pas écrit staliniens, notez-le – qu’y a-t-il donc dans le tiroir-caisse de la taxe des millionnaires? On va se rafraîchir la mémoire. Le PTB veut prélever une taxe de 1% sur les fortunes de plus d’un million d’euros, de 2% sur les fortunes de plus de 2 millions et de 3% sur les fortunes de plus de trois millions d’euros. Cette taxe des millionnaires rapportera, selon la formation d’extrême-gauche, chaque année 8 milliards d’euros aux caisses de l’État belge. Ce chiffre gigantesque s’explique entre autres par la volonté du PTB de ne pas exonérer des éléments de patrimoine affectés à l’activité professionnelle.

En clair: dans le calcul de la base imposable devant servir à la taxe des millionnaires, on tiendra compte des biens professionnels. Un vétérinaire devrait déclarer son matériel, le coiffeur ou le dentiste, pareil. Et par ici, que je te taxe ton fauteuil. Et un propriétaire de cirque devrait sans doute dire combien valent ses clowns.

En France, où on en connaît un rayon en la matière, il en va autrement. Là, l’impôt sur la fortune (ISF) rapporte, bon an mal an, 4 milliards d’euros, soit deux fois moins que les 8 milliards escomptés par le PTB, pour un pays comptant tout de même six fois plus d’habitants…

La proposition du PTB est donc (beaucoup) plus drastique que celle des socialistes français. Et belges. On peut inférer qu’elle fera fuir beaucoup plus de monde vers des cieux fiscaux plus cléments.

Mais poursuivons sur ces 8 milliards d’euros de rendement avancés par le PTB. La taxe des millionnaires repose sur l’établissement d’un cadastre des fortunes tandis que l’ISF français pas du tout. C’est un impôt déclaratif: il appartient aux personnes redevables de faire elles-mêmes une estimation détaillée de la valeur de leurs biens.

Alors, on aime bien rire, mais avant d’avancer un chiffre de 8 milliards, il faudrait voir si établir un cadastre des fortunes en Belgique est envisageable. Parce qu’on ne sait pas, actuellement, qui possède quoi.

Un vrai cadastre des fortunes présuppose une transparence bancaire totale en Belgique mais aussi à l’étranger; et une vue claire sur tous les avoirs d’un ménage. Passons sur l’immobilier facilement "localisable", mais quid des bijoux, des tableaux, des œuvres d’art, et des bouteilles de grands crus? Qui va aller faire le recensement maison après maison? Les inspecteurs du SPF Finances? Bref, un cadastre des fortunes, ce n’est même pas pour le siècle prochain, on tablerait bien sur le prochain millénaire.

Soyons de bon compte: la taxe des millionnaires est (probablement) techniquement jouable – le PTB s’est fait épauler par des fiscalistes – mais elle relève à ce stade de la démagogie pure, elle est inapplicable à la réalité d’aujourd’hui et de demain. En outre, il n’existe aucune majorité, de près ou de loin, pour la soutenir: elle ne sera donc jamais votée dans un Parlement.

Il y a bien la proposition que le Parti socialiste a – se souvenant qu’il est de gauche – déposée au Parlement. Elle est sans doute plus réaliste que celle du PTB – pour autant qu’on pense qu’il faille matraquer dans ce sens-là.

Notez: étonnant que les verts, assez bavards sur la question, n’aient pas encore déposé de texte législatif en la matière. "ça veut bien dire ce que ça veut dire", pince Hedebouw. "Ils sont dans l’esbroufe tandis que nous agissons". La concurrence à gauche a encore de beaux jours devant elle.

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