Pourquoi l'industrie wallonne souffre tant?
L’industrie wallonne subit de plein fouet le choc des restructurations chez ArcelorMittal et Caterpillar. En Flandre, c’est l’accalmie sur le front de l’emploi après le séisme Ford Genk.
Le verre et l’acier après l’automobile. Schématiquement, le "temps de retard" des restructurations dans les entreprises wallonnes s’explique par l’impact en aval de la fermeture programmée de Ford Genk. Le raisonnement est sans doute un peu court, mais il explique en partie pourquoi l’industrie wallonne vit depuis le début de l’année au rythme des fermetures et restructurations. Avec à la clé des pertes d’emploi qui se chiffrent en milliers d’unités à la fin d’un premier trimestre à oublier.
Le marasme du marché automobile en Europe a produit des effets en cascade qui ont frappé l’un à la suite de l’autre une série de sous-traitants. Dernier exemple en date: l’annonce de la fermeture de l’usine Saint-Gobain Sekurit d’Auvelais, qui produit des pare-brise en verre feuilleté.
Si le tissu industriel wallon souffre aujourd’hui, c’est en raison du décalage entre les prémices de la crise et ses effets sur le terrain, la capacité de résistance aux bourrasques de la conjoncture variant selon les entreprises et les secteurs. "Le déclencheur des restructurations qui se succèdent depuis le début de l’année, c’est avant tout la prise de conscience, fin 2012, de ce que les mauvaises perspectives économiques se prolongeraient encore durant un ou deux ans. Les entreprises ont alors dû prendre des décisions, qui se sont parfois traduites par des mesures douloureuses", explique Didier Paquot, directeur du département économique à l’Union Wallonne des Entreprises (UWE).
Résultat: l’industrie wallonne, qui avait jusque là réussi à donner le change, au prix, parfois, du recours au chômage économique, verse à son tour dans la sinistrose. L’annonce, fin janvier par ArcelorMittal, de la fermeture de sept lignes de la phase à froid à Liège — 1.300 emplois perdus — a été le déclencheur d’une chaîne apparemment sans fin de mauvaises nouvelles, cristallisées par la lourde restructuration de Caterpillar, où 1.400 postes sont menacés.
Près de 3.600 emplois industriels en sursis
En y ajoutant la fermeture programmée de l’usine Duferco de La Louvière (379 emplois) et celle de Saint-Gobain Sekurit à Auvelais (263 emplois), on dépasse les 3.300 emplois perdus. Si l’on y ajoute la fermeture de Plastic Omnium Automotive, un fabricant de pièces détachées automobiles basé à Herentals (122 emplois supprimés), et la restructuration de CPI Belgium à Houdeng (51 emplois), on dénombre près de 3.600 emplois mis en sursis depuis le 1er janvier.
Mais ce chiffre ne donne qu’un aperçu partiel de la situation. Il n’inclut en effet ni les nombreuses faillites de PME qui, dans l’ombre, laissent elles aussi des centaines de travailleurs sur le carreau, ni les 2.800 suppressions de postes programmées d’ici 2015 chez BNP Paribas Fortis (1.800 emplois) et ING Belgique (1.000 emplois). Confrontées à des dépenses en capital et à la percée d’internet pour les opérations bancaires courantes, les grandes banques sabrent dans leurs effectifs. Belfius a, elle aussi, programmé 670 suppressions d’emplois tandis que KBC, qui n’a rien annoncé officiellement, a déjà supprimé en douce 265 postes l’an dernier.
Pas d’embellie tout de suite
Au vu de l’évolution de la conjoncture, qui frise l’encéphalogramme plat, il ne faut pas attendre d’embellie sur le front de l’emploi dans les mois qui viennent. Les grosses restructurations (ArcelorMittal, Caterpillar) et fermetures d’usine (Duferco, Saint-Gobain Sekurit) ne seront pas sans effets sur les sous-traitants. Une enquête réalisée récemment par la section liégeoise de l’Union des Classes Moyennes (UCM) révèle que près d’un entrepreneur sur deux estime que la réduction des activités d’ArcelorMittal a un impact direct sur son chiffre d’affaires. Pire: les patrons interrogés s’attendent à ce que la situation économique empire encore dans les trois prochaines années.
Reflet d’une tendance constatée depuis pas mal de temps, les entrepreneurs, dans leur grande majorité (78 %) cherchent à tout prix à éviter des licenciements secs en gelant les embauches ou en recourant au chômage temporaire.
Il n’empêche: le combat pour l’emploi sera âpre dans les prochains mois, voire les prochaines années. Côté patronal, on ne croit pas trop à la disparition pure et simple d’activités industrielles historiques comme le verre ou l’acier.
Mais l’avenir réside dans des niches spécialisées, nécessitant un grand savoir-faire technologique et à forte valeur ajoutée. "On ne créera plus des milliers d’emplois, souligne Didier Paquot. Mais si l’on veut attirer de nouvelles entreprises, la priorité sera de se doter d’une main-d’œuvre suffisamment formée sur place. Les cellules de reconversion ont un taux de réussite qui tourne autour de 70 %. Si on prend les choses en main, les travailleurs licenciés devraient pouvoir retrouver un emploi, au prix peut-être d’une certaine flexibilité, sur le plan géographique notamment."
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