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Tinne Van der Straeten: "Je ne suis pas la comptable de Bart De Wever"

"L'horloge tourne. Il ne reste que 325 jours pour relancer les deux réacteurs. Ceux qui retardent ou compliquent ce processus jouent avec le feu", estime la ministre sortante de l'Énergie. ©Wouter Van Vooren

Alors que l'industrie se plaint de handicap énergétique et qu'Engie prévient que l'accord sur le nucléaire pourrait encore capoter, la Vivaldi arrive aux limites de ce qu'elle peut faire en affaires courantes, explique Tinne Van der Straeten, la ministre sortante de l'Énergie.

On commence l'entretien avec Tinne Van der Straeten (Groen) en évoquant les élections internes qui vont avoir lieu ce week-end chez les verts flamands. Tout comme Petra De Sutter, la ministre de l'Énergie ne cache pas sa préférence pour Bart Dhondt, l'échevin bruxellois sortant de la mobilité. "Il incarne l'ancrage local, et est très orienté solutions. Nous avons besoin, en tant que parti, de personnes en connexion avec le monde extérieur, qui se soucient du climat, des villes, du pouvoir d'achat des familles et des entreprises."

La ministre poursuit en évoquant la compétitivité industrielle et des entreprises comme Air liquide ou ArcelorMittal. "Pourquoi un gros investissement se fait-il ou pas? Quelles solutions pouvons-nous apporter? Répondre à ces questions est la mission de tous ceux qui font de la politique aujourd'hui."

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"Six mois après le 9 juin, il ne s'est rien passé, à part le fait que certains sont allés boire 13 fois le café avec le Roi."

On lui demande comment elle peut assurer cette mission en affaires courantes. Elle explique qu'au lendemain des élections du 9 juin, elle s'attendait, comme beaucoup, à ce qu'un nouveau gouvernement se mette en place pour le 21 juillet.

"J'avais commencé à emballer mes livres et à rédiger les notes pour la passation de pouvoir. Mais six mois plus tard, il ne s'est rien passé, à part le fait que certains sont allés boire 13 fois le café avec le Roi. Or nous sommes face à une deadline: le 1er janvier, les tarifs de transport d'électricité vont doubler."

Activer la norme énergétique

La ministre rappelle que la Vivaldi a mis en place un mécanisme de norme énergétique, pour vérifier que les prix de l'électricité pour notre industrie ne dérapent pas par rapport à ceux des pays voisins. "Or, la Creg estime qu'il va y avoir un problème à partir du 1er janvier prochain. J'ai donc rédigé un arrêté royal pour que les 250 grandes entreprises directement connectées au réseau d'Elia, comme BASF ou ArcelorMittal, et qui se sont engagées à diminuer leurs émissions de CO2, puissent se voir rembourser une partie des tarifs de transport."

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"Je prends mes responsabilités suite à un signal haut et fort de l'industrie. À Bart De Wever de prendre les siennes, en dégageant un budget."

Ce système est un copier-coller de celui qui existe en France, qui n'a pas fait l'objet d'une enquête approfondie pour aide d'État de la Commission européenne, explique la ministre, ce qui devrait permettre de ne pas perdre de temps une fois le prochain gouvernement mis sur pied. Car c'est là que le bât blesse: la Vivaldi étant en affaires courantes, elle ne peut dégager de budget pour de nouvelles politiques.

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"Le mécanisme sera là, et les entreprises pourront encore introduire leur demande en novembre pour couvrir l'entièreté de l'année. Mais je ne suis pas la comptable de Bart De Wever. Je prends mes responsabilités face à un signal haut et fort de l'industrie. À Bart De Wever de prendre les siennes, en dégageant un budget pour les entreprises qui sont prêtes à s'engager dans la transition et à investir pour ancrer l'emploi ici, mais qui ont un problème confirmé par la Creg."

150 millions d'euros à puiser dans les accises

La réduction des tarifs de transport prévue est de 80% du total, chiffre la ministre. L'industrie paie actuellement cinq à six euros par MWh. La facture, qui aurait dû grimper à huit ou neuf euros par MWh, va donc baisser à 1,5 ou deux euros par MWh. De quoi assurer la compétitivité de ces entreprises par rapport à celles des pays voisins.

Le budget nécessaire en 2025? 150 millions d'euros, indique Tinne Van der Straeten, qui devraient être puisés dans les accises. À la question de savoir si cela pourrait s'accompagner d'une hausse des accises ou d'un tax shift de l'électricité vers d'autres sources d'énergie, elle botte en touche. "Cela, c'est à un gouvernement de plein exercice d'en décider."

"Sept milliards d'euros pour l'île énergétique, c'est trop d'argent! Elia a reçu un mandat pour construire le réseau, pas un chèque en blanc."

On fait remarquer à Tinne Van der Straeten que l'industrie belge n'a pas seulement un problème de compétitivité vis-à-vis des pays voisins, mais aussi par rapport à la Chine ou les États-Unis, comme on le voit avec ArcelorMittal.

"Le problème d'ArcelorMittal à Gand est double. Il y a bien sûr la concurrence américaine et asiatique. Mais il y a aussi le problème des pays européens qui se tirent dans les pattes. La concurrence avec la France ou l'Allemagne, je peux y remédier via la norme énergétique. Le reste demande une réponse européenne, à laquelle la Commission travaille, avec le Green Deal ou le rapport Draghi."

Flambée du budget de l'île énergétique

©Wouter Van Vooren

La ministre passe spontanément au thème suivant, la flambée du budget de l'île énergétique. Initialement estimé à 2,2 milliards, il pourrait dépasser les sept milliards.

"Ce n'est pas un problème belge. L'augmentation des coûts vient de la flambée des équipements en courant continu, mais sept milliards d'euros, c'est trop d'argent! Elia a reçu un mandat pour construire le réseau, pas un chèque en blanc."

Mais concrètement, quelle solution voit-elle ? Elle explique qu'elle a, avec le Premier ministre Alexander De Croo, écrit à Ursula von der Leyen et au commissaire à l'Énergie Dan Jørgensen, pour souligner qu'il s'agit d'un projet pionnier.

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"Nous avons demandé à la Commission d'examiner si les augmentations de prix pratiquées par les trois producteurs de ces composants, Hitachi, Siemens et GE, sont correctes. Nous ne sommes pas les seuls à les subir: cela va aussi affecter les Pays-Bas et l'Allemagne. Il faut s'asseoir à la table au niveau européen, et avoir une approche plus coordonnée et plus programmatique."

Réévaluer les bénéfices

"Certains partis, qui se retrouvent dans les salons du président de la Chambre, disent qu'ils n'ont pas besoin des éoliennes et qu'ils vont opter pour le nucléaire. Mais quand sera-t-il prêt? À quel coût? Il faut le savoir."

Quand on fait remarquer à la ministre qu'Elia va devoir décider en janvier si elle passe commande de ces composants en courant continu, la ministre ne semble pas sûre qu'il s'agisse d'une vraie deadline. "Et en tout cas, on ne peut prendre aucune décision tant que le rapport coûts-bénéfices ne sera pas là."

"Il y a un montant qui circule sur les coûts, mais personne ne parle des bénéfices. Ce qui est en jeu, ce n'est pas l’île dans son ensemble, c'est la connexion du troisième parc à venir dans la zone Princesse Elisabeth, et l'interconnexion avec l'Angleterre. Ça veut dire 9 TWh d'électricité qui doivent arriver entre 2030 et 2032, soit la consommation de 2,5 millions de ménages."

"Si on ne fait pas la dernière partie du projet, il faut voir quelles sont les alternatives. Certains partis politiques, qui se retrouvent dans les salons du président de la Chambre, disent qu'ils n'ont pas besoin des éoliennes et qu'ils vont opter pour le nucléaire. Mais quand sera-t-il prêt? À quel coût? Il faut le savoir."

Concrétiser l'accord avec Engie

"L'horloge tourne. Il ne reste que 325 jours pour relancer les deux réacteurs. Ceux qui retardent ou compliquent ce processus jouent avec le feu."

Quand on demande à Tinne Van der Straeten qui devra décider, la Vivaldi ou l'Arizona, elle répond qu'on verra qui est en poste à ce moment-là. "Je répète: je ne suis pas la comptable de Bart De Wever. Je suis, par contre, et j'ai toujours été, la ministre loyale d'Alexander De Croo."

"Nous avons négocié ensemble l'entièreté de l'accord avec Engie, et nous sommes tout près d'obtenir un accord de la Commission européenne sur ce dossier. Les dernières discussions techniques devraient être réglées aujourd'hui ou demain. Cela veut dire qu'en janvier, les premières décisions d'investissements devront être prises, et qu'Engie versera une première tranche de 11,5 milliards à l'État belge."

"L'horloge tourne. Il ne reste que 325 jours, à compter d'aujourd’hui, pour relancer les deux réacteurs. Et nous sommes coincés. Le gouvernement belge doit nommer le directeur financier de BeNuc, la société commune avec Engie, pour que nous ayons une vue sur l'ensemble des chiffres, or le kern a refusé de procéder à cette nomination."

"Hedera, la société qui doit accueillir ces 11,5 milliards, n'est pas non plus opérationnelle, faute de comité de direction. Ceux qui retardent ou compliquent ce processus jouent avec le feu."

Nominations

Quand on fait remarquer à la ministre que la lettre adressée par Engie au gouvernement belge pour souligner l'urgence des nominations a dû lui plaire, elle s’insurge. "Pas du tout. Cela montre simplement que des décisions qui n'auraient pas dû être difficiles le deviennent."

"C'est le genre de petits jeux qui font qu'à terme, les personnes compétentes ne postuleront plus auprès des pouvoirs publics, alors qu'il y a eu appel public à candidatures et sélection de candidats, tous jugés hautement qualifiés, par un chasseur de têtes externes. Il ne s'agit pas de nominations politiques. Joëlle Milquet qui devient présidente de la RTBF, c'est une nomination politique!"

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"Pour Hedera et BeNuc, il ne s'agit pas de nominations politiques. Joëlle Milquet qui devient présidente de la RTBF, c'est une nomination politique!"

La ministre conclut en mettant en avant l'héritage laissé par la Vivaldi en matière d'énergie. "Nous avons mené une politique industrielle qui assure que nous avons suffisamment de capacité de production."

"La question de savoir comment on s'approvisionnera en énergie à court terme n'est plus un sujet. Mon successeur pourra entamer la discussion sur ce qu'il faut faire après 2035. Mais il y a des décisions à prendre au jour le jour, qui ne peuvent être retardées, sous peine de ralentir les choses. Et nous nous heurtons aux limites de ce qu'on peut faire en affaires courantes."

Les phrases clés

"Six mois après le 9 juin, il ne s'est rien passé, à part le fait que certains sont allés boire 13 fois le café avec le Roi."

"Je prends mes responsabilités suite à un signal haut et fort de l'industrie. À Bart De Wever de prendre les siennes, en dégageant un budget."

"Sept milliards d'euros pour l'île énergétique, c'est trop d'argent! Elia a reçu un mandat pour construire le réseau, pas un chèque en blanc."

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"Certains partis, qui se retrouvent dans les salons du président de la Chambre, disent qu'ils n'ont pas besoin des éoliennes et qu'ils vont opter pour le nucléaire. Mais quand sera-t-il prêt? À quel coût? Il faut le savoir."

"L'horloge tourne. Il ne reste que 325 jours pour relancer les deux réacteurs. Ceux qui retardent ou compliquent ce processus jouent avec le feu."

"Pour Hedera et BeNuc, il ne s'agit pas de nominations politiques. Joëlle Milquet qui devient présidente de la RTBF, c'est une nomination politique!"

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