De plus en plus de citoyens fichés par la police
Selon les derniers chiffres en date, un peu plus de 2,2 millions de citoyens, belges et non-belges, étaient fichés dans la Banque de données nationale générale (BNG) de la police. Rien qu’entre 2015 et 2016, le nombre de citoyens enregistrés a crû de 129.490. unités. En 2010, ils n’étaient que 1,5 million.
Au milieu du mois de juillet, une trentaine de festivaliers en possession de tickets pour Tomorrowland ont eu la surprise d’apprendre par mail qu’ils étaient finalement interdits d’entrée sur les lieux et que leur billet serait remboursé. Suite à la demande des bourgmestres des deux communes concernées (Rumst et Boom), la police fédérale a en effet croisé les données des quelque 400.000 clients du festival avec celles figurant dans sa grande Banque de données nationale générale, dite BNG, pour ensuite décider de ces avis négatifs.
Parmi les refusés sur base de ce contrôle (dont les critères d’évaluation restent flous), un certain nombre disposait pourtant d’un casier judiciaire. Trois d’entre eux ont finalement pu participer à l’événement (et peut-être même apercevoir de loin quelques ministres?) après qu’un recours en référé leur donne gain de cause.
Pas la première fois
Derrière cette mini-saga du début de l’été se cache une réalité visiblement pas si inédite que cela. Selon le porte-parole de la police fédérale Guy Theyskens, ce n’est en effet pas la première fois que les informations compilées dans la BNG sont utilisées pour contrôler en amont l’identité des festivaliers de Tomorrowland, événement dont les tickets comportent la spécificité d’être nominatifs.
Seulement, les années précédentes, ces contrôles ont été effectués par la police locale et sont passés relativement inaperçus. "Oui, c’est juste", confirme l’organisation du festival à L’Echo, sans offrir plus de précisions.
Vers une systématisation?
Faut-il voir là un appel d’air pour des screenings plus systématiques lors des grands événements? Contactés par L’Echo, les organisateurs d’Esperanzah!, du Brussels Summer Festival et du Pukkelpop, trois festivals qui se tiendront dans les jours à venir, expliquent ne pas avoir reçu de requêtes allant dans ce sens. "Les seules données que nous avons transférées sont celles relatives aux travailleurs du festival, dont les bénévoles", explique Denis Gerardy, directeur du BSF. Une procédure de sécurité visiblement habituelle.
Au cabinet du ministre de l’Intérieur Jan Jambon, on déclare ne pas avoir été tenu au courant d’opérations similaires pour d’autres grands événements de l’été.
Pour la police fédérale, il n’y aurait d’ailleurs pas lieu d’ouvrir ce genre de pratiques à tous les grands événements. Mais "le festival de Tomorrowland a une réputation internationale", justifie Guy Theyskens. De plus, l’affluence hors norme du festival en fait un cas particulier. "Au niveau matériel, il était impossible de garantir un contrôle sur place."
Un cadre légal peu transparent
Quoi qu’il en soit, le recours à la BNG pour effectuer un screening préventif pose question. Si la police s’appuie sur l’article 34 de la "loi sur la fonction de police" qui encadre les contrôles d’identités, pour justifier la démarche, "rien ne permet dans cette loi de dire que l’on peut restreindre la liberté de circulation sur base de ces screenings", estime Franck Dumortier, expert en droit de la cybersécurité et chercheur au Crids (Centre de recherches informatique, droit et société).
L’exclusion préventive des lieux est selon lui une atteinte à la présomption d’innocence. "Il manque le principe de proportionnalité." Un avis critique partagé par la Commission de la vie privée et l’avocat spécialisé dans le droit numérique Etienne Wéry, qui déplorent tous deux des lacunes au niveau de la base légale qui encadre les recours à la BNG. "Il faut saisir ces opportunités pour changer un système, et aller vers plus de transparence", plaide l’avocat.
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