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Recours contre 28 licences d'armes wallonnes pour l'Arabie saoudite

©BELGAIMAGE

La Ligue des droits de l’Homme et le CNAPD attaquent devant le Conseil d’Etat le feu vert donné par la Région wallonne à 28 licences d’exportations d’armes vers l’Arabie saoudite.

La Ligue des droits de l’Homme et la Coordination nationale d’action pour la paix et la démocratie (CNAPD) contestent l’octroi de licences d’exportations d’armes wallonnes vers l’Arabie saoudite. Les deux ONG ont déposé devant le Conseil d’Etat, lundi, une batterie de recours contre 28 licences octroyées en octobre dernier aux fabricants wallons par le ministre-président Willy Borsus.

Les requêtes demandent à la fois la suspension – car il y a urgence à agir, selon les ONG, puisque certains de ces contrats sont peut-être en cours d’exécution – et l’annulation des licences. Elles jugeaient le degré d’urgence à ce point élevé qu’elles avaient déjà déposé un peu plus tôt un recours en suspension en extrême urgence : malgré l’avis favorable de l’auditeur, le Conseil d’Etat a rejeté ce premier recours pour une question de recevabilité et de timing. Il est vrai qu’il est difficile d’avancer rapidement dans ce dossier, car la Région ne communique qu’au compte-gouttes les pièces aux deux ONG et que celles-ci sont souvent vidées de leur contenu. Amnesty International aurait souhaité se joindre à l’action, mais n’a pu le faire dans les délais. Elle soutient néanmoins l’initiative des deux ONG.

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" Nous visons un triple objectif en déposant ces recours, explique Manu Lambert, conseiller juridique de la Ligue: un, que ces armes ne soient pas envoyées en Arabie saoudite; deux, qu’un embargo sur les ventes d’armes à l’Arabie saoudite soit mis sur pied; trois, que le décret wallon de 2012 sur l’octroi des licences soit modifié car il n’est pas satisfaisant."

"Le décret wallon sur les armes ne permet qu’un contrôle a posteriori."

manu lambert
Ligue des droits de l’homme

L’Arabie saoudite est le deuxième plus gros importateur d’armes au monde, selon le Stockholm International Peace Research Institute, et le premier en termes de dépenses militaires par habitant. " Il y a un risque clair de transfert des armes dans la région ou de réexportation vers d’autres conflits ", souligne Lambert.

Le pays est accusé de réprimer la minorité chiite sur son territoire et d’être impliqué dans la guerre au Yémen. Le rapport fédéral belge sur les attentats à Bruxelles évoque aussi des liens entre ce pays et le terrorisme. Le ministre des Affaires étrangères Didier Reynders a demandé l’ouverture d’un débat sur nos relations avec l’Arabie saoudite… " On a signalé le problème de ces licences à l’Agence wallonne à l’exportation", observe Zoé Spriet, responsable de campagne chez Amnesty : ils nous ont dit qu’ils analysent la situation, mais que ces armes sont destinées à la Garde royale saoudienne. " Or, parmi les licences figurent des missiles...

La possibilité d’un embargo

Concernant l’embargo, le ministre-président wallon a déjà dit qu’il souhaitait qu’il soit organisé au plan européen et pas au niveau régional ou national. " Hypocrisie, répond Lambert, car il peut se baser sur la position commune adoptée par le Conseil européen et qui, en son point 4, permet d’appliquer aux autres Etats membres un refus pris par un Etat membre d’exporter un matériel spécifique vers un Etat spécifique : Willy Borsus pourrait donc bloquer les exportations des mêmes types d’armes vers l’Arabie saoudite. "

Après la crise des armes wallonnes exportées vers la Libye de Kadhafi, fin des années 2000, la Région wallonne s’est dotée d’un nouveau décret réglementant le commerce des armes, qui a instauré une commission d’avis pour conseiller le ministre-président sur les demandes de licence.

Critères d’octroi violés

"Le décret a amené un peu plus de transparence, convient Lambert, mais il est incompréhensible à nos yeux que la commission ait remis un avis positif sur ces 28 licences. Il y a au moins quatre critères d’octroi qui sont violés dans ces cas-ci. Nous voulons consulter ces avis pour en analyser les raisons. On n’a pas d’information. Et c’est pareil pour les parlementaires wallons : ils ne sont tenus informés qu’a posteriori, quand est publié, l’année suivante, un rapport global sur le matériel exporté. Les parlementaires ne peuvent pas exercer leur travail de contrôle, raison pour laquelle nous demandons la révision du décret wallon. "

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Après avoir appris l’existence des 28 licences par la presse, la Ligue a appris, au cours de la première procédure devant le Conseil d’Etat, que la Région en avait octroyé 24 autres. Ce qui fait 52 contrats d’exportation d’armes wallonnes vers le régime de Riyad au total. Les deux ONG envisagent dès lors de déposer prochainement des recours complémentaires, visant ces 24 licences.

Dans leur recours, les ONG s’appuient sur le Traité sur le commerce des armes – qui interdit le transfert d’armes quand le pays exportateur a connaissance d’un risque de violations graves des droits humains dans le pays de destination –, les résolutions du Parlement européen sur les exportations d’armes et la résolution de la Chambre de juin dernier dermandant la suspension des ventes d’armes à Riyad.

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