En France, la fin de la parenthèse des JO annonce le retour au tumulte politique
Après la parenthèse enchantée des Jeux, la vie politique s'apprête à reprendre ses droits en France, et à rappeler le Président à cette réalité: il gouverne sans majorité.
Emmanuel Macron avait réclamé une "trêve olympique" sur la scène politique française, il a été servi. Après le fiasco qu'auront été les élections législatives pour son camp, et alors que le pays n'a pas de majorité clairement identifiée, les JO de Paris auront fait l'effet d'une parenthèse enchantée. La voix des oppositions s'est largement tue, ces deux dernières semaines, alors que le pays nageait dans une sorte d'euphorie collective, galvanisé par le succès de la fête et une moisson de médailles sans équivalent pour l'Hexagone depuis les Jeux de 1900.
"Ce genre de moment est toujours un peu difficile pour l’opposition, mais ça ne dure qu’un temps: rapidement, la réalité économique et sociale revient au galop."
Du baume pour la macronie
Tout bénéfice donc pour Emmanuel Macron, qui ne se sera évidemment pas interdit de plonger dans ce bain d'allégresse et d'en profiter pour s'afficher aux côtés de champions comme le colosse Teddy Riner et Léon Marchand, "l'extraterrestre". Le Président aura même explicitement dressé un parallèle entre ces succès olympiques et la première victoire de la France à la Coupe du monde de 1998 - à l'époque déjà, Jacques Chirac, contraint à la cohabitation avec la gauche, avait tiré son épingle du jeu en se muant en supporter numéro 1 des bleus.
"Ce genre de moment est toujours un peu difficile pour l'opposition, mais ça ne dure qu'un temps: rapidement, la réalité économique et sociale revient au galop", observe Jean-Michel Dewaele, professeur de sciences politiques à l'Université libre de Bruxelles. Si la victoire de l'équipe black-blanc-beur face au Brésil s'était accompagnée d'une hausse de la cote de popularité de Chirac, "il n'a pas pu beaucoup en profiter, malgré ses tentatives de récupération, et aux élections suivantes, c'est Jean-Marie Le Pen qui arrivait au second tour de l'élection présidentielle", rappelle ce spécialiste des relations entre sport et politique.
Légitimité démocratique
Pour l'heure, rares auront donc été les politiques à jouer les trouble-fête. À gauche, les socialistes se seront placés d'autant plus volontiers dans la communion olympique que c'est leur dernier président, François Hollande, qui a voulu les Jeux à Paris, et que la maire de Paris, Anne Hidalgo, peut se targuer d'être coresponsable du succès de l'organisation.
"Emmanuel Macron fait son Gaulois réfractaire. Pire: il est dans une entreprise méthodique de refus démocratique du verdict des urnes."
Mais certains rongent leur frein. La cheffe de file écologiste Marine Tondelier a accusé le camp présidentiel de "déni démocratique" parce qu'il profiterait des affaires courantes pour faire des arbitrages budgétaires dans l'ombre - "Emmanuel Macron fait son Gaulois réfractaire. Pire: il est dans une entreprise méthodique de refus démocratique du verdict des urnes", selon elle.
Le Nouveau front populaire (NFP), dont elle fait partie, était arrivé en tête aux élections législatives du 7 juillet, mais sans majorité absolue. Trois jours avant l'ouverture des Jeux, il s'était accordé pour proposer le nom d'une haute fonctionnaire, Lucie Castets, comme Première ministre. Depuis, l'intéressée s'emploie à se faire connaître à coups d'interviews et dénonce, elle aussi, la préparation par le gouvernement du projet de loi de finance 2025 "sans légitimité démocratique".
Une piste à droite
Pendant ce temps, la presse se fait écho de l'intérêt porté par l'Élysée, non pas à la candidate de la gauche, mais à la personne de Xavier Bertrand. Cadre du parti Les Républicains (LR), il avait signalé son ambition au lendemain des législatives en plaidant pour un "gouvernement d'urgence nationale" réunissant sa famille politique, celle d'Emmanuel Macron, mais aussi "des hommes et des femmes de bonne volonté", y compris à gauche, donc.
"Quand il s'agit de prendre des décisions de dépenses publiques, comme les Jeux, on arrive à s'entendre […]. Quand il s’agit de décisions très difficiles comme l'immigration, la fiscalité, les économies budgétaires, on n'est d’accord sur rien."
Après tout, la réussite des JO ne pourrait-elle pas précisément être une démonstration de la collaboration possible entre le centre, la droite et la gauche, puisqu'ils ont été co-organisés par le gouvernement macroniste, la mairie socialiste de Paris et les autorités régionales d'Ile-de-France, pilotées par la droite?
Voire. "Quand c'est facile, quand il s'agit de prendre des décisions de dépenses publiques, comme les Jeux, on arrive à s'entendre […]. Quand il s'agit de décisions très difficiles comme l'immigration, la fiscalité, les économies budgétaires, on n'est d'accord sur rien", constatait cette semaine Valérie Pécresse, la présidente LR du Conseil régional.
Quand la France aura-t-elle un nouveau Premier ministre, et aura-t-il les moyens de gouverner? Emmanuel Macron garde la main sur l'agenda, et "il faut voir jusqu'à quand il estime que c'est la trêve olympique, puisque les Jeux paralympiques vont s'ouvrir...", pointe Jean-Michel Dewaele. Le chef d'État n'a pour l'heure donné qu'un rendez-vous aux Français: "14 septembre 2024, avenue des Champs Élysée, rendez-vous pour célébrer nos athlètes."