Allemagne: pourquoi elle est admirée
Son modèle économique est tourné bers l'industrie et les exportations. Les chiffres en disent parfois plus qu'un long discours.
L’an dernier, la croissance allemande a atteint 3%, un chiffre deux fois supérieur à celui de la zone euro. Son taux de chômage a, dans le même temps, chuté à son plus bas niveau depuis la réunification (6,8%) grâce à une hausse de 1,3% de l’emploi. Berlin est aussi parvenu à ramener son déficit public de 4,3% à 1% de son produit intérieur brut (PIB) entre 2010 et 2011. La république fédérale est enfin redevenue l’an dernier le deuxième exportateur mondial derrière la Chine, mais devant les Etats-Unis, grâce à une augmentation de 11,4% de ses ventes à l’étranger qui ont passé pour la toute première fois le cap symbolique des… 1.000 milliards d’euros.
"La grande force de l’Allemagne est la capacité de son économie à s’adapter en permanence au monde qui l’entoure et qui évolue sans cesse, résume Isabelle Bourgeois. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Ce pays a en effet dû attendre sa réunification pour quitter ses charentaises..." La crise monétaire européenne de 1992 et 1993 a notamment porté un rude coup aux industriels rhénans. En 1999, l’hebdomadaire britannique "The Economist" jugeait encore que la république fédérale était "l’homme malade de l’Europe". Onze ans plus tard, le même journal saluait les progrès faits par la nouvelle "locomotive de l’Europe". Durant cette grosse décennie, le pays a pris deux trains de mesures qui lui ont permis de devenir le champion actuel qui fait l’envie de tous ses voisins.
Dès 1949, le pays s’est concentré dans le haut de gamme en laissant disparaître des pans entiers de son industrie
"En 1993, les Allemands ont réalisé qu’ils n’étaient plus compétitifs et ils ont rationalisé leurs industries en repensant tout leur processus de production, ajoute Isabelle Bourgeois. C’est à cette période que VW a fait appel à l’espagnol Jose Ignacio Lopez pour faire office de presse-citron et trouver des économies." Les mesures libérales lancées par Gerhard Schröder avec son fameux programme Hartz IV visaient, elles aussi, à renforcer la compétitivité de l’économie allemande, même si certaines lois ont abouti à des excès regrettables (cf "Pourquoi l’Allemagne irrite").
Très tôt, notre voisin a aussi cherché à se spécialiser dans des secteurs porteurs et… rentables pour mieux lutter contre ses rivaux étrangers. "Dès 1949, le pays s’est concentré dans le haut de gamme en laissant disparaître des pans entiers de son industrie", précise Henrik Uterwedde.
L’État a, quant à lui, encouragé les entreprises à innover dès les années 70 en accordant toute une panoplie d’aides comme les crédits d’impôt-recherche." En 2012, près de 90 milliards d’euros (soit 2,87% du PIB) devront ainsi être investis en république fédérale dans la recherche et le développement, un chiffre presque deux fois supérieur à celui de la France. Une majorité de cette enveloppe (65%) proviendra des sociétés privées qui collaborent beaucoup les unes avec les autres en intégrant des pôles de compétence. Ces clusters sont également soutenus par les pouvoirs publics. Le "miracle" de l’industrie allemande est en réalité le fruit d’un long travail…
Un capitalisme coopératif
Le patronat et les salariés sont toujours à la recherche du compromis pour éviter le conflit
Un modèle social axé autour du dialogue. Les crises ont parfois du bon. Le dialogue social en Allemagne est aujourd’hui montré en exemple aux quatre coins de l’Europe. Le pays a établi un "capitalisme coopératif qui cherche non pas à anéantir, mais à canaliser le phénomène de lutte des classes afin de lui ôter son caractère nuisible, résume le directeur adjoint de l’Institut Franco-Allemand de Ludwigsburg. En clair, le patronat et les salariés sont toujours à la recherche du compromis pour éviter le conflit." Cette "modération" n’a pas toujours été de mise chez notre voisin. "Les syndicats étaient très divisés sous la république de Weimar et les nazis n’ont eu aucun mal à les faire disparaître entre les mois de janvier et mai 1933 en brûlant leurs bureaux et en emprisonnant leurs leaders, rappelle René Lasserre, le directeur du Centre d’information et de recherche sur l’Allemagne contemporaine (Cirac).
Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la logique du "plus jamais ça" a encouragé la formation d’un syndicat unitaire et non partisan avec la mise en place d’une centrale par branche. Ce modèle s’est révélé si efficace et redoutable pour la défense des droits des salariés que les syndicalistes ont toujours évité de se scinder en factions." L’union fait la force... "Les organisations patronales et celles qui représentent les salariés ont tellement peur du chaos qu’elles ont développé, au fil des années, une véritable culture du respect de l’autre", renchérit Klaus-Peter Sick. Lors de la crise financière mondiale, 1,1 million de salariés ont ainsi accepté de travailler à temps partiel, évitant par là même le licenciement de 300.000 à 400.000 personnes, selon l’agence allemande pour l’emploi. Ces baisses de temps de travail et de salaire ont été acceptées sans aucune grève ou conflit majeur. La Belgique pourrait en tirer des leçons…
Un modèle politique qui cherche le consensus. La république de Weimar (1918-1933) a, là aussi, laissé des traces… "La culture politique allemande est assez centriste depuis 1945, résume Uterwedde. Elle recherche le compromis et rejette les extrémismes de tous bords. Les partis radicaux ne dépassent ainsi jamais la barre des 5% lors des élections." Les dirigeants des principaux partis évitent, en conséquence, de s’affronter trop directement sur les dossiers "chauds". La nomination, le 19 février, de Joachim Gauck à la présidence de la république en est un parfait exemple.
Angela Merkel n’avait, en effet, jamais soutenu cet ancien défenseur de droits de l’homme est-allemand, mais elle a fini par approuver son élection, afin de ne pas se mettre à dos les principaux partis d’opposition. Tout comme la plupart de ses prédécesseurs, la chancelière "réfléchit et écoute avant de prendre des décisions, salue René Lasserre. Elle n’est peut-être pas commode, mais elle est moins autoritaire que certains le disent. Elle ne fait pas le show comme Sarkozy, qui la juge trop lente et qui n’est en réalité qu’un Iznogoud qui fait tout mal. La grande force de l’Allemagne repose dans la qualité de son débat publique. Ce pays peut ainsi servir de modèle, mais c’est un modèle exigeant..."
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