Publicité

L'inquiétant virage autoritaire du pouvoir polonais

©EPA

Les conservateurs polonais de Jaroslaw Kaczynski ont fait approuver dans la nuit de mercredi à jeudi par la chambre haute du parlement une loi très controversée sur le Tribunal constitutionnel, en dépit des appels à la retenue lancés notamment par la Commission européenne.

"Ce qui se passe en Pologne a le caractère d’un coup d’Etat et est dramatique." Cette phrase, prononcée il y a dix jours par le président allemand du Parlement européen Martin Schulz, en dit long sur l’inquiétude qui règne dans les milieux européens à Bruxelles sur l’évolution de la situation à Varsovie.

Petit flash-back. Le 25 octobre dernier, le parti Droit et Justice (PiS) dirigé par Jaroslaw Kaczynski, conservateur, populiste et eurosceptique, remporte les élections législatives. Depuis, le nouveau gouvernement de la Première ministre Beata Szydlo, installé le 16 novembre, a fait prendre au pays un virage préoccupant.

Publicité

"Ce gouvernement agit contre la Pologne, contre nos acquis, contre la liberté, contre la démocratie."

lech walesa
ancien président

Tribunal constitutionnel

La mesure qui focalise le plus l’attention, c’est la réforme du Tribunal constitutionnel, adoptée mardi à la Diète et dans la nuit de mercredi à jeudi par le Sénat.

La nouvelle loi introduit notamment la règle de la majorité qualifiée de deux tiers pour les décisions du Tribunal, obligé désormais de réunir, pour pouvoir statuer dans les cas de grande importance, 13 des 15 juges que compte cette cour, au lieu de neuf auparavant. Or, le PiS avait déjà placé au sein de ce Tribunal cinq juges de son choix, suivant une procédure controversée, ce qui devrait lui permettre de bloquer facilement les avis défavorables du Tribunal.

L’opposition polonaise a dénoncé une tentative de paralyser le Tribunal et une atteinte à la démocratie en étouffant tout contrôle indépendant. Ces derniers week-ends, de grandes manifestations ont eu lieu à Varsovie. Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme ou Amnesty international ont critiqué la mesure. Et Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne, a écrit mercredi aux autorités polonaises pour leur demander solennellement de ne pas adopter la nouvelle loi, mettant en avant "l’état de droit, l’une des valeurs communes sur lesquelles est fondée l’Union européenne".

Guerre civile

L’ancien président polonais, Lech Walesa, a appelé à un référendum sur l’organisation d’élections anticipées et il a mis en garde contre un risque de "guerre civile"! "Ce gouvernement agit contre la Pologne, contre nos acquis, contre la liberté, contre la démocratie. Sans même dire qu’il nous ridiculise dans le monde entier", a martelé Walesa.

La réforme du Tribunal constitutionnel n’est pas la seule source d’inquiétude. Auparavant, Mme Szydlo avait remplacé les chefs de quatre services de renseignement. Et le PiS a annoncé une réforme des médias publics qu’il accuse de partialité.

Publicité

Il y a quelques jours, le nouveau pouvoir polonais a soulevé une tempête politique en faisant investir un centre de contre-espionnage de l’Otan à Varsovie pour en expulser l’ancienne direction. Les ministères régaliens sont aux mains des "radicaux" du PiS.

Relâchement budgétaire

Au niveau économique aussi, les doutes dominent. Le nouveau gouvernement a prévu un relâchement notable de la discipline budgétaire, promettant par exemple un relèvement substantiel du montant des revenus exonérés d’impôt, la distribution gratuite de médicaments pour les plus de 75 ans ou encore la… baisse de l’âge de la retraite.

Au niveau européen, les relations entre Varsovie et Berlin se tendent. Les déclarations de Martin Schulz, évoquées plus haut, ont suscité la colère du gouvernement polonais. Par ailleurs, le ministre polonais des Affaires étrangères Witold Waszczykowski a accusé l’Allemagne de manquer de solidarité à l’égard de l’Europe de l’Est, à la fois en ouvrant ses portes aux réfugiés et en servant "les intérêts de la Russie" en matière militaire. La Pologne a aussi rejoint d’autres pays de l’Est de l’Europe, la Hongrie en tête, pour s’opposer aux quotas de réfugiés et a accueilli fraîchement le projet de création d’un corps européen de gardes-frontières.

Publicité
Messages sponsorisés