Édito | Syrie: une lueur d’espoir au milieu des ombres
Les Occidentaux vont devoir se montrer pragmatiques face à la nouvelle donne syrienne. Contribuer à la stabilité de ce pays, tout en défendant leurs valeurs, est dans leur intérêt.
Après plus d’un demi-siècle d’emprise sur la Syrie, le clan al-Assad n’est plus. Bachar, l’homme qui n’avait pas hésité à utiliser des armes chimiques contre son peuple, a lâchement fui face à l’avancée des troupes rebelles. Dans les rues de Damas, les badauds exultent. Le règne du tyran, dont la répression a entraîné la mort de 500.000 personnes et l’exode de 6 millions de Syriens, appartient au passé. Peu regretteront ce président déchu, désormais réfugié à Moscou. Mais si les Syriens célèbrent légitimement cette chute, nombreux sont ceux qui partagent leurs craintes pour l’avenir. Une page s’est tournée, la suivante reste à écrire.
Et admettons-le d'emblée, la donne appelle à la plus grande prudence. Aussi pragmatique soit-il, le leader des rebelles Abou Mohammed al-Joulani a un passé de djihadiste patenté. Le fait qu’il soit parvenu à discipliner ses troupes et rassurer les minorités religieuses est encourageant, mais point d’emballement: ses intentions à moyen et long terme restent inconnues.
Peut-il faire émerger un régime stable, respectant dans la durée l’ensemble des communautés de la mosaïque syrienne? Peut-on espérer des élections dans un avenir proche? Quelle sera son attitude en matière de droits humains? Peut-il redresser une économie en banqueroute? Ces questions sont fondamentales.
Les chancelleries occidentales n’ont pas le choix: elles devront prendre langue rapidement avec les nouvelles autorités, se lancer dans un exercice diplomatique dans l’espoir de stabiliser le pays. Au cœur de la poudrière du Moyen-Orient, une Syrie stable est aussi dans leur intérêt.
En revanche, si le pays replonge dans les affres de la guerre civile, nous assisterons impuissants à une catastrophe humanitaire, laquelle s’accompagnera à n’en point douter d’une nouvelle crise de l’asile. Dans une Europe où plusieurs capitales se raidissent dès qu’il est question de migration, ce scénario pourrait s’avérer détonnant. Au passage, notons que les pays de l’UE qui suspendent les demandes d’asile des Syriens, voire évoquent carrément leur expulsion, vont franchement vite en besogne. Un pays sûr peut se construire, mais ne se décrète pas.
C’est d’autant plus prégnant dans un État où subsistent des fanatiques affiliés à Daech. Les Américains ne s’y sont pas trompés en frappant dimanche plus de 75 cibles de l’État islamique afin d’empêcher le groupe terroriste de profiter de la situation. C’est également prégnant dans un État qui n’est absolument pas à l’abri d’ingérences étrangères. Le risque de le voir se transformer en terrain d’affrontements prolongés entre des acteurs étatiques ou paraétatiques – Israël et Hezbollah, mais aussi Turquie et forces kurdes – reste, en effet, particulièrement préoccupant.
Les Occidentaux, à l’exception des Américains, n’occuperont probablement qu’une place secondaire dans l’avenir de la Syrie. Cohérence et pragmatisme s’imposeront toutefois s’ils veulent contribuer à tenir la contrée historique des Omeyyades éloignée de l’abîme, voire à la reconstruire. La lueur d’espoir née de la chute d’un tyran laissera-t-elle place à une nouvelle ère? Il est de notre devoir de l’espérer, dans notre intérêt de la favoriser.
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