Le Pentagone s'interroge sur son chasseur du futur
En raison des évolutions géopolitiques et technologiques, l'US Air Force se voit imposer une pause dans le développement de son chasseur de nouvelle génération.
Stop ou encore? En annonçant récemment une pause dans le développement du programme de chasseur de sixième génération, Frank Kendall, le Secrétaire à l’US Air Force, a semé le trouble au sein de l'armée et des milieux industriels américains.
Alors que ces derniers s'attendaient dans les prochains mois à la désignation du constructeur qui serait responsable du projet NGAD (Next Generation Air Dominance) – seuls Lockheed Martin et Boeing sont en lice –, voilà que les plus hautes instances du Pentagone laissent entendre que cet ambitieux programme, qui vise à remplacer le chasseur F-22 Raptor d'ici à une dizaine d'années, pourrait être réorienté.
Initialement conçu comme un "système de systèmes" centré autour d'un avion de combat de sixième génération, le NGAD est destiné à doter dans le futur les États-Unis du chasseur le plus performant et le plus avancé, comme c'est le cas aujourd'hui avec le Lockheed Martin F-22, entré en service il y a près de 20 ans. Un avion dit de supériorité aérienne, censé pouvoir l'emporter sur toute menace prévisible.
Des qualités inégalées exigées
Ce super chasseur devra notamment afficher des qualités inégalées en matière de furtivité, y compris face aux radars les plus sophistiqués et aux nouveaux moyens de détection, être doté d'armes laser et avoir recours à l’intelligence artificielle pour traiter des masses de données provenant des dernières technologies de capteurs.
Mais on connaît le problème récurrent de ce type de programme de rupture: les coûts de développement et de production deviennent vite prohibitifs, ce qui rend chaque appareil hors de prix et limite les séries, comme cela a été le cas avec le F-22, dont la production a été arrêtée à 187 exemplaires. L'enveloppe actuelle prévoit déjà 28,5 milliards de dollars sur cinq ans pour la première partie du développement et certaines estimations font état d'un coût global largement au-delà de 100 milliards pour la production de 200 avions.
L'intérêt de l'US Air Force se porte aujourd'hui davantage vers des avions dotés d'un rayon d'action plus important, adaptés au théâtre asiatique.
"AiIiers fidèles"
Mais les doutes ne sont pas que financiers. Le NGAD, dont un prototype aurait déjà volé, a été lancé en 2015 dans des contextes géopolitique et technologique très différents. La guerre en Ukraine et la montée en puissance de la Chine ont en effet rebattu les cartes. Le nombre d'appareils à aligner est redevenu primordial et l'intérêt de l'Air Force se porte aujourd'hui davantage vers des avions dotés d'un rayon d'action plus important, adaptés au théâtre asiatique, où les USA disposent de moins de bases par rapport à l'Europe. Ce qui nécessitera sans doute des innovations majeures en termes de motorisation. Les militaires plaident également pour des chasseurs plus simples à entretenir pour être plus facilement déployables.
Enfin, l'équation s'est encore compliquée avec le développement des drones, dont certains, appelés "ailiers fidèles", sont conçus pour accompagner le nouveau chasseur afin de multiplier ses capacités de combat. Des drones aux possibilités étendues, mais qui seront sans doute, eux aussi, très onéreux. Certaines sources font même état de la possibilité de permettre au futur avion de voler lui-même sans pilote.
"Avant de nous engager sur le budget 2026, nous voulons être sûrs que nous sommes sur la bonne voie", a fait valoir Frank Kendall, qui a rappelé que l'US Air Force doit déjà financer le programme de bombardier furtif Northrop Grumman B-21 Raider ou encore celui du nouveau missile nucléaire intercontinental (ICBM) Sentinel, tout en poursuivant l'acquisition de F-35. Si une annulation du programme NGAD semble très peu probable en raison de la multiplication des menaces et de la rivalité croissante avec Pékin, le futur fer de lance de l'armée de l'air américaine pourrait finalement s'avérer différent des projets imaginés il y a près de dix ans.
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