Les fournisseurs d'énergie veulent revoir la protection sociale à Bruxelles
La Febeg, qui représente les fournisseurs d’énergie, critique la protection sociale mise en place à Bruxelles. Elle réclame un statut de client protégé plus attractif, et la fin du recours systématique à la justice de paix pour résilier le contrat – et donc obtenir une coupure de l’électricité ou du gaz.
Depuis la libéralisation, les fournisseurs d’énergie se plaignent de la politique de protection sociale mise en place dans la Région de Bruxelles-Capitale – qui expliquerait pourquoi ils sont moins nombreux à être actifs sur le marché bruxellois qu’en Flandre ou en Wallonie. Ils reviennent aujourd’hui à la charge, forts de deux études de Brugel, le régulateur bruxellois (dont l’une est toujours provisoire et fait l’objet d’une consultation).
"Notre principale critique, c’est la complexité des mesures mises en place. Elles représentent une charge conséquente pour les fournisseurs, sans être efficaces pour le consommateur en difficultés", attaque Vincent Deblocq, conseiller à la Febeg, la fédération qui représente la plupart des fournisseurs de gaz et d’électricité, à l’exception de Lampiris.
La fédération pointe notamment un statut de client protégé régional insuffisamment attractif. Alors que la précarité énergétique toucherait près d’un tiers de la population bruxelloise, le nombre de clients protégés par ce statut régional est en baisse. Il ne concernait que 2.212 clients en électricité et 1.845 en gaz en 2016, notamment parce que le tarif social, calculé au niveau fédéral, est relativement moins attractif à Bruxelles, où les tarifs d’énergie sont moins élevés.
Surtout, la fédération s’en prend au recours obligatoire à la justice de paix pour pouvoir résilier un contrat. Une procédure à laquelle les fournisseurs recourent de plus en plus souvent, avec pour effet une hausse des coupures effectives. "Cette mesure de protection rate sa cible, argumente Stéphane Bocqué, responsable de la communication à la Febeg. Dans 10% des cas seulement, la justice de paix ne décide pas d’une coupure. Et comme la procédure dure en moyenne 364 jours, entre le premier rappel et la coupure effective, la dette du consommateur s’emballe." Cette dette, qui est de 176 euros seulement en moyenne lors du premier rappel, dépasse au final les 1.500 euros en cas de citation et les 2.000 euros en cas de requête. "En Flandre et en Wallonie, où il n’y a pas ce recours systématique au juge de paix, la procédure est respectivement de 80 et de 105 jours", précise Stéphane Bocqué.
Il faut noter que 32% seulement des décisions de coupure mènent à une coupure réelle: après la signification du jugement, 68% des clients changent de fournisseur, paient leur dette, modifient leur contrat via un déménagement ou un changement de titulaire, ou concluent un plan d’apurement. "Le changement de fournisseur est l’échappatoire la plus fréquente, constate Vincent Deblocq. Cela conduit à une sorte de carrousel aux fournisseurs, sans solution réelle en bout de chaîne."
La Febeg souligne encore le coût sociétal de cette protection sociale à Bruxelles: 41 millions en 2015, dont 72% sont à charge des fournisseurs, et se répercutent donc dans les tarifs. Une situation déséquilibrée en comparaison avec les autres Régions, selon elle.
Refonte totale du système?
Les demandes de la Febeg? Une refonte totale du système avec des mesures pour renforcer l’attractivité du statut régional de client protégé, notamment par l’introduction d’un tarif social régional et par la simplification des procédures. De quoi alléger la charge des fournisseurs. Lorsqu’un client est accepté dans ce statut, son contrat commercial est en effet suspendu et c’est Sibelga, gestionnaire du réseau, qui devient son fournisseur d’énergie.
Un avant-projet d’ordonnance, adopté en première lecture par le gouvernement bruxellois en mai, apporte une (petite) partie de réponse, en supprimant le limiteur de puissance pour les clients protégés, qui peut être perçu comme dissuasif. "Mais c’est tout à fait insuffisant pour nous", réagit la Febeg. Brugel recommandait lui la suppression de ce limiteur pour tous les clients résidentiels. Il estime aussi que le tarif social actuel appliqué aux clients protégés n’est pas un incitant suffisant pour passer à ce statut.
"Mais si certains CPAS ont si peu recours au statut régional de client protégé, c’est d’abord parce que cela nécessite une renégociation du plan de paiements avec les fournisseurs, qui ne négocient pas ça correctement, juge Philippe Devuyst, médiateur fédéral de l’Énergie. Les CPAS obtiennent de meilleurs résultats en ayant recours à la médiation collective de dettes."
L’autre demande de la Febeg, la fin du recours systématique à la justice de paix, qui ne serait plus là qu’en tant qu’instance de recours, est encore plus polémique. "J’aimerais que les fournisseurs soient plus transparents, et mettent les chiffres concernant leur endettement sur la table, réclame Philippe Devuyst. Dans les avis qui ont été remis sur l’étude de Brugel sur la question, certains sont particulièrement critiques, parce que les chiffres semblent avoir été extrapolés à partir de données non correctes. Dans un marché libéralisé, le consommateur et le fournisseur ne sont pas égaux. Au bout du compte, il faut un gendarme, compétent pour tout, puisque les ménages gèrent leur budget globalement. Et il faut que les fournisseurs aient peur de ce gendarme."
On attend la position finale du régulateur bruxellois sur ce dossier épineux. Il annonce des "mesures claires et opérationnelles", qui seront vraisemblablement dévoilées début septembre.
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