Des industriels belges concernés par le retard des investissements liés à l'IRA
40% des grands projets industriels soutenus par l'IRA et le CHIPS Act américains sont "retardés" ou "suspendus". Les belges Syensqo et Umicore, qui bénéficient directement ou indirectement d'aides, ne font pas mentir la tendance.
Dans une enquête parue ce lundi, le Financial Times révèle que près de 40% des grands investissements industriels annoncés sur le sol américain dans la première année des programmes d'aides du gouvernement Biden avaient été soit "retardés", soit "suspendus".
Selon le FT, le phénomène touche pour plus de 84 milliards de dollars de projets industriels ayant bénéficié de l'Inflation Reduction Act (IRA) et du Chips and Science Act.
Toutes deux adoptées en 2022, ces lois visent à attirer en nombre les investissements industriels outre-atlantique dans les domaines des technologies vertes et des semi-conducteurs. Ensemble, les aides y étant associées - crédits d'impôts, prêts et subsides - se montent à plus de 400 milliards de dollars.
Syensqo "rephase" ses investissements
Pour justifier ce ralentissement dans les décisions finales d'investissement et dans l'exécution des projets, les entreprises interrogées pointent des conditions de marché "détériorées", marquées principalement par "une demande en recul" et un "climat d'incertitudes réglementaires et politiques".
"Compte tenu du ralentissement de la croissance à court terme de la demande de véhicules électriques [...], nous avons réévalué les installations prévues dans les matériaux de batteries [...]"
Une analyse partagée par le groupe chimique belge Syensqo, qui a annoncé retarder de deux ans le calendrier de construction de sa gigafactory de PVDF (matériaux de batteries) d'Augusta (Géorgie), dans la foulée de la publication de résultats semestriels ternes au début du mois. Le projet bénéficie d'une subvention de 178 millions d'euros dans le cadre de l'Infrastructure Investment and Jobs Act, un autre paquet législatif d'aide aux investissements décidé sous Joe Biden.
"Compte tenu du ralentissement de la croissance à court terme de la demande de véhicules électriques [...], nous avons réévalué les installations prévues dans les matériaux de batteries jugées nécessaires pour répondre à la demande anticipée, en particulier les investissements planifiés en Amérique du Nord", a déclaré la CEO Ilham Kadri pour argumenter sa décision de ralentir la cadence des investissements, à deux ans maximum, sans violer les conditions d'obtention du subside.
Umicore et John Cockerill dans le doute
Le groupe liégeois John Cockerill, qui entend installer une usine d'électrolyseurs à Houston (Texas), pourrait également être en proie au doute. Bénéficiant d'un crédit d'impôt de 34 millions de dollars issu de l'IRA, la gigafactory devrait normalement tourner à pleine capacité en 2026 et produire pour 1 GW d'électrolyseurs par an. Mais une potentielle révision des règles d'octroi de crédits d'impôt dans les projets liés à l'hydrogène a poussé d'autres acteurs à temporiser, note le FT, citant l'exemple du norvégien Nel Hydrogen et de son projet à 400 millions de dollars dans le Michigan, aujourd'hui mis sur pause. Contactée, l'entreprise n'a pas souhaité répondre à nos questions.
Au Canada, c'est Umicore qui a décidé fin juillet de retarder la construction de son usine de composants pour batteries. Là aussi, le projet - estimé à 1,83 milliard d'euros - s'était vu promettre d'importants soutiens (plus de 600 millions d'euros au total) de la part du gouvernement fédéral et de la province de l'Ontario. Des aides débloquées en réponse à la course aux subsides déclenchée par l'IRA américain.
"Depuis quelques mois, les projections de croissance à court et moyen terme pour le marché des véhicules électriques ont été considérablement revues à la baisse, ce qui a eu un impact significatif sur l'activité de matériaux pour batteries d'Umicore", avait alors déclaré Bart Sap, le CEO, pris dans la tourmente de la dégringolade du pôle batteries, sur lequel le groupe avait beaucoup misé.
- Selon le FT, 40% des investissements industriels lancés dans la foulée de l'Inflation Reduction Act (IRA) et au CHIPS Act américains sont "retardés" ou "suspendus".
- Les conditions de marché difficiles, et principalement les timides perspectives de demande de véhicules électriques et d'hydrogène, expliquent en grande partie les doutes que rencontrent les industriels.
- Le chimiste belge Syensqo, bénéficiaire d'un subside de 178 millions d'euros, a retardé de deux ans l'inauguration de son usine de matériaux pour batteries d'Augusta, en Géorgie.
- Depuis le Canada, qui a distribué des aides pour réagir à l'IRA, Umicore n'est pas plus confiant et reporte son projet d'usine géante de matériaux en Ontario.
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