Le mécontentement social grandit dans les usines en Chine
Vague de suicides chez Foxconn, grèves chez Honda. Les salariés chinois sont sous pression. Ils réclament de meilleures conditions de travail. Et des salaires plus élevés.
Quand une entreprise est obligée de faire appel à des moines bouddhistes et des psychologues, d’installer une ligne téléphonique d’aide d’urgence aux suicidaires, de poser des filets de sécurité pour prévenir les éventuels sauts dans le vide et de faire signer par son personnel des engagements "à ne pas se suicider", il n’est pas hasardeux de dire que les choses vont vraiment mal.
En un an, Foxconn, filiale chinoise géante de 420.000 employés du groupe taïwanais Hon Hai, a recensé 10 suicides par défenestration. Si ce chiffre reste en dessous du taux de suicide national — environ 7 pour 100.000 personnes —, il n’en reste pas moins qu’il illustre les conditions de travail difficiles des travailleurs chinois, soumis à de fortes pressions internes et de la part de ses multinationales clientes (Apple, Nokia, Sony, Dell et HP).
Pressions intenses et bas salaires
Les causes sont nombreuses et complexes mais les groupes de défense des travailleurs mettent en avant les longues heures de travail et les maigres salaires. "L’atmosphère dans l’usine est si tendue et déprimante que nous n’avons pas le droit de nous parler ou alors on se fait réprimander par nos contremaîtres", a déclaré une employée qui dit travailler 12 heures par jour, six jours semaine.
Autre événement, certes moins tragique, mais tout aussi révélateur des tensions sociales en Chine, une grève dans une unité de production de pièces automobiles à Foshan entraîne depuis jeudi passé l’arrêt de la production des usines d’assemblage du constructeur japonais Honda. Selon la presse chinoise, les grévistes, qui gagnent en moyenne 1.500 yuans, soit 179 euros par mois, réclament des augmentations de salaires. Pour l’heure, les négociations n’ont pas encore abouti.
Chez Foxconn, le salaire mensuel moyen est de 900 yuans, soit 107 euros. Mais l’entreprise a annoncé une prochaine augmentation. "Nous avons discuté de cette augmentation depuis le début de l’année alors que les affaires ont repris et fixé une base de 20&flexSpace;%", a affirmé un porte-parole. Cette hausse de salaire s’appliquera à toutes les usines en Chine et pourrait entrer en vigueur dès le mois prochain.
Consommer davantage
Selon la Fédération nationale des syndicats en Chine (FNSC), la part des salaires dans le PIB chinois est de 36,7&flexSpace;%. Beaucoup trop peu. Les autorités chinoises veulent donc augmenter les salaires pour relancer la consommation domestique et trouver un relais de croissance aux exportations.
Tout comme les implantations d’Honda, l’usine Foxconn se trouve dans la province de Guangdong, le plus grand fief des exportateurs chinois. En février, cette région faisait état d’une pénurie de main-d’œuvre. À la mi-mars, les autorités locales ont annoncé qu’à partir du 1er mai, le salaire minimal serait augmenté de 20&flexSpace;% en moyenne. L’objectif principal est d’améliorer la qualité de vie des travailleurs immigrés afin de les attirer dans les usines de la région. L’augmentation salariale ferait passer le salaire minimal à 1.030 yuans (123 euros) à Guangzhou, capitale de la province, et jusqu’à 810 yuans (96 euros) dans les plus petites villes. Cette politique, qui peut apparaître comme un jeu dangereux alors que la Chine maîtrise difficilement son inflation, est généralement vue comme une bonne chose par les observateurs internationaux. "Cela rendra la Chine moins dépendante de ses exportations tout en amplifiant le pouvoir d’achat des ménages et en soutenant la croissance économique", estime un analyste de Credit Suisse. En contrepartie, cela fournit un argument supplémentaire aux exportateurs pour rejeter toute appréciation du yuan. Sa réévalution aurait le mérite de contenir l’inflation mais peserait lourd sur les marges bénéficiaires des entreprises exportatrices qui perdraient en compétitivité ou qui n’y survivraient pas pour les plus petites.L