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La française Samabriva, qui veut révolutionner la production des molécules végétales, s'installe à Liège

Samabriva utilise une fine racine additionnelle appelée chevelu racinaire, qui est cultivée en milieu liquide. ©Samabriva

La société française Samabriva, qui va s'installer à Liège, a mis au point un procédé disruptif pour la fabrication des molécules pharmaceutiques issues du monde végétal.

De la morphine à la quinine, de l’anti-douleur à l’anti-inflammatoire, en passant par certains anticancéreux, le monde végétal a apporté à l’industrie pharmaceutique la matière première pour la fabrication d’une partie importante de ses médicaments. Mais si le marché mondial des traitements à base de plantes et de dérivés de plantes continue à croître, la production de ces molécules naturelles comporte toutefois un certain nombre d'inconvénients. Les champs de production sont la plupart du temps à l'autre bout du monde - Inde, Chine, Australie, Amérique latine -, avec tous les risques que cela comporte en termes de fiabilité de l'approvisionnement.

Les cycles de production sont assez longs et la reproductibilité des productions n'est pas idéale en raison de l'influence des nouvelles conditions climatiques ou des éventuelles infections par des insectes. Enfin, ces cultures, qui accaparent des terres qui ne peuvent pas être utilisées pour l'alimentation, ont une empreinte environnementale qui n'est pas neutre, puisqu'elles nécessitent des produits phytosanitaires et qu'il faut rapatrier toute cette biomasse pour la traiter dans les usines situées en Europe ou aux États-Unis.

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Jusqu'à présent, il n'existe pas d'alternative en termes d’approvisionnement, puisque ces molécules ne sont, pour la plupart, pas synthétisables chimiquement. Mais les choses pourraient changer, grâce à une société française de biotechnologie, Samabriva, qui a en quelque sorte trouvé le Graal: fabriquer en laboratoire, mais de façon naturelle, fiable et validée scientifiquement, ces molécules pharmaceutiques qui sont actuellement produites en champs.

"On opère des modifications génétiques qui multiplient plusieurs milliers de fois la productivité par rapport à des plantes cultivées en champs"

Marina Guillet
CEO de Samabriva

Une nouvelle filière qui devrait prendre son essor en Wallonie, puisque l'entreprise a décidé d'implanter ses futures installations de production dans la région de Liège, attirée par plusieurs investisseurs publics locaux qui ont reconnu l’intérêt scientifique et industriel de cette nouvelle technologie.

Spin-off de l'Université Picardie Jules Verne d'Amiens portée sur les fonts baptismaux en 2011, Samabriva a mis au point un procédé innovant de bioproduction végétale capable de transformer radicalement la production de molécules naturelles.

Croître indéfiniment

"Notre technologie permet de fabriquer ces molécules en milieu confiné et stérile. On opère des modifications génétiques qui multiplient plusieurs milliers de fois la productivité par rapport à des plantes cultivées en champs", explique la CEO de la société, Marina Guillet, une immunologiste qui a déjà créé deux autres sociétés par le passé.

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"Nous partons également d'un matériel végétal, mais qui n’est pas cultivé en plein champ. On utilise des bactéries vivant en symbiose avec les plantes qui, lorsqu’elles pénètrent dans la plante capable de fournir la molécule qui nous intéresse, vont permettre la formation, à l'endroit de l'infection par la bactérie, d’une fine racine additionnelle que l'on appelle un chevelu racinaire. Ces racines, très différentes des racines naturelles, se comportent comme une plante et sont naturellement capables de produire les mêmes molécules d'intérêt qu’une plante entière".

Une fois que le clone racinaire s'est développé, il est isolé, cultivé en milieu liquide et la bactérie est éliminée. "Le chevelu racinaire a la capacité de croître indéfiniment sans subir l'effet de la gravité. On n'a pas besoin de chaleur ou de lumière puisqu'il n'y a pas de photosynthèse. On évite par ailleurs tous les inconvénients des cultures en champs", ajoute de son côté Florian Cardon, Chief Business Officer.

4
millions
Samabriva vient de conclure une levée de fonds en série A de près de 4 millions d’euros, à laquelle ont participé des acteurs belges.

Ce processus était connu depuis longtemps, mais au niveau académique. Samabriva l'a transformé en processus industriel, en augmentant la productivité en ayant recours à du génie génétique et du génie des procédés, et en forçant le chevelu racinaire à secréter la molécule d'intérêt dans son milieu de culture. "On a développé nos propres bioréacteurs qui permettent de cultiver ce chevelu racinaire dans de gros volumes. Cela a pris une décennie", ajoute encore Marina Guillet, en précisant que la société a commencé à générer du chiffre d'affaires avec des premiers clients dans l'industrie pharmaceutique.

De plus gros bioréacteurs

Reste maintenant à passer à des échelles plus importantes, avec de plus gros bioréacteurs permettant une production en routine. Pour financer cette phase d’extension, Samabriva, qui emploie une dizaine de personnes, vient de conclure une levée de fonds en série A de près de 4 millions d’euros, à laquelle ont participé des acteurs belges, à savoir Noshaq, Investsud Tech et plusieurs Business Angels belges et français, dont la plupart sont des spécialistes du secteur biotechnologique. La recherche et le développement de la société resteront à Amiens, mais la production industrielle se fera donc en terres principautaires.

"La Belgique et la Wallonie offrent un écosystème qui est attractif pour la production biologique" souligne de son côté Pascal Lizin, le président de l'entreprise, qui n'est évidemment pas étranger au nouveau caractère franco-belge de Samabriva. "Il y a la proximité des universités, des sociétés de biotechnologie, des centres de formation et des grands groupes pharmaceutiques. Sans compter toute une série d'incentives pour l'innovation, même si ce n'est pas à ce jour la préoccupation première de Samabriva", ajoute l'ancien membre de la direction de GSK Vaccines.

Samabriva ambitionne de devenir un CDMO, une société de sous-traitance pharmaceutique, qui développe et assure de la production pour d’autres laboratoires pharmaceutiques. Dans un premier temps, même si la technologie peut également servir à la fabrication de protéines recombinantes - des protéines produites par une cellule dont le matériel génétique a été modifié -, l’accent sera mis sur la production d’ingrédients pharmaceutiques actifs (API) déjà identifiés, sur lesquels les dirigeants de Samabriva préfèrent rester discret, mais qui suscitent déjà l’intérêt de plusieurs grands groupes industriels dans le domaine de la santé.

Le résumé
  • La société française Samabriva a mis au point un procédé disruptif pour la fabrication en laboratoire de ces molécules pharmaceutiques issues du monde végétal.
  • Une nouvelle filière qui devrait prendre son essor en Wallonie, puisque l'entreprise a décidé d'implanter ses futures installations de production dans la région de Liège.
  • La biotech française vient de conclure une levée de fonds en série A de près de 4 millions d’euros, à laquelle ont participé des acteurs belges.
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