Les taux n'ont jamais été aussi bas... et le resteront
Face à des banques centrales de plus en plus accommodantes, les investisseurs se ruent sur les obligations d'Etat. Le taux US à 10 ans est tombé pour la première fois de son histoire sous 1%. Certains l'imaginent même en territoire négatif avant la fin de l'année.
L'Europe ne risque pas de sitôt de revoir ses taux d'intérêt évoluer en territoire positif. Et c'est la Réserve fédérale (Fed) - une institution étrangère - qui a enfoncé le dernier clou. Sa décision d'abaisser mardi son taux directeur pourrait provoquer un effet domino qui maintiendra les rendements des obligations d'Etat à des niveaux extrêmement bas cette année.
En témoigne la réaction du marché obligataire ce mercredi: le taux allemand à 10 ans (le Bund) - considéré comme le taux de référence en Europe - est tombé à -0,64%. Soit son niveau le plus faible depuis septembre 2019. Le taux belge à 10 ans (l'OLO) a de son côté reculé à -0,26%. Outre-Atlantique, le taux américain à 10 ans (le bon du Trésor) est même passé sous la barre de 1%. Du jamais vu en 150 ans si l'on se réfère au travail du célèbre économiste Robert Shiller, qui a étudié l'évolution des taux d'intérêt aux États-Unis depuis 1871.
D'autres baisses de taux attendues aux USA
Comment interpréter le message délivré par la Réserve fédérale et en quoi influence-t-il l'évolution des taux en Europe? Pour de nombreux observateurs, l'annonce surprise de la Fed est perçue comme un "signe de panique" contre le coronavirus. "Il y a un certain sentiment (du marché) que la Fed a sorti son bazooka et qu'elle pourrait savoir certaines choses. Comme la possibilité que l'épidémie empire considérablement aux États-Unis", explique Donald Ellenberger, un gestionnaire de portefeuille chez Federated Investors.
Powell n'a pas semblé très optimiste (dans son discours mardi soir) et c'est en partie ce qui effraie les marchés.
Rappelons que la Fed dispose d'un vaste réseau de contacts auprès des entreprises. Ce qui fait dire à certains qu'elle en sait plus que ce que montrent les derniers statistiques macroéconomiques. "Powell n'a pas semblé très optimiste (dans son discours mardi soir) et c'est en partie ce qui effraie les marchés", souligne Roberto Perli, associé chez Cornerstone Macro et ancien économiste à la banque centrale américaine.
Et même si le doute persiste quant à l'efficacité des baisses de taux d'intérêt contre une crise sanitaire, de plus en plus d'observateurs estiment que la Réserve fédérale va aller plus loin dans les prochains mois. Les économistes de Bloomberg tablent désormais sur deux baisses de taux supplémentaires, de 25 points de base chacune, d'ici juin.
Edito | Banquiers centraux synchronisés
La BCE poussée à agir
Cette politique monétaire de plus en plus accommodante devrait maintenir la pression sur le marché obligataire. "L'évolution des taux d'intérêt est en partie liée à ce que les investisseurs attendent de la Fed", rappelle Roberto Perli. Notre compatriote Jan Loeys, qui travaille chez JPMorgan, pense que les États-Unis sont piégés dans un scénario qui va faire tomber les taux américains à zéro, voire en dessous, en 2020. "Il y a 50% de chances que les taux tombent à zéro d'ici la fin de l'année."
Pas question donc pour les taux européens de remonter à la surface. Qui plus est, la Banque centrale européenne (BCE) pourrait bien imiter la Fed. S&P Global Ratings s'attend à une baisse de 10 points de base du taux de dépôt en Europe dans les prochains jours. La BCE pourrait pousser l'imitation d'un cran en annonçant sa décision avant sa réunion du 12 mars.
Pour Nicolas Forest (Candriam), une baisse de taux en Europe "n'est pas à exclure" mais risque de rencontrer l'opposition de certains gouverneurs comme en septembre 2019. "Je m'attends plutôt à une nouvelle opération de refinancement (TLTRO) ou un assouplissement quantitatif (QE) plus important". Par effet de ricochet, il estime que les taux européens pourraient retomber à leur plus bas historiques, voire même baisser davantage. "Nous sommes dans un nouveau paradigme", résume-t-il.
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