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Cryptomonnaies: comment montrer patte blanche au fisc

Si la Belgique n'a pas encore adopté de législation fiscale spécifiquement adaptée aux cryptomonnaies, le fisc s'intéresse à la question depuis plusieurs années. ©REUTERS

Vos gains en crypto sont soumis à taxation. Encore faut-il savoir à quelle hauteur et suivant quels mécanismes. Voici quelques conseils pour éviter la douche froide fiscale.

Baptistin Alaime est tombé dans la marmite du bitcoin en 2017. Cette année-là, l'avocat fiscaliste a vu arriver dans son cabinet une première vague de crypto-investisseurs. Ces fans de la première heure avaient investi dans le bitcoin quelques années auparavant et venaient de réaliser des gains substantiels suite à une flambée spectaculaire de la star des cryptomonnaies. "À ce moment-là, je n'y connaissais rien", reconnaît l'avocat. Il décide de s'intéresser aux mécanismes régissant le monde de la crypto et s'inscrit sur quelques plateformes pour mieux comprendre la nature de ces nouveaux actifs numériques. Petit à petit, il développe une spécialité dans la crypto-fiscalité.

En 2021, une deuxième vague d'investisseurs débarque à son cabinet. Ces derniers ont investi dans des altcoins (cryptomonnaies alternatives au bitcoin), généré des revenus à partir du minage (processus informatique visant à sécuriser le réseau), ils lui parlent de staking, de liquidity pool, de DeFi (finance décentralisée)... Baptistin Alaime poursuit ses investigations et expérimentations dans le secteur de la crypto. Au point de devenir un lui-même un crypto-investisseur. "Je considère que j'investis en bon père de famille", sourit l'avocat. Aujourd'hui, il publie "Cryptomonnaies, cryptiques taxes. Blockchain, banques et imposition" (Editions Ertsberg) avec ses collègues de Tuerlinckx Tax Lawyers, les avocats Dave van Moppes et Jan Van Hemelen. Cet ouvrage très accessible donne des conseils pratiques aux investisseurs qui se demandent comment l'administration fiscale va traiter leurs gains en cryptomonnaies.

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"Il ne faut pas occulter la problématique fiscale. Certains crypto-investisseurs pensent encore qu'ils pourront garder leurs opérations secrètes indéfiniment. Mais ce n'est pas le cas."

Baptistin Alaime
Avocat fiscaliste chez Tuerlinckx Tax Lawyers

"Il ne faut pas occulter la problématique fiscale, avance Baptistin Alaime, senior associate chez Tuerlinckx Tax Lawyers. Si vous avez réalisé des gains substantiels, il faut prendre le problème à bras le corps. Certains investisseurs pensent encore qu'ils pourront garder ces opérations secrètes indéfiniment. Mais ce n'est pas le cas." Personne n'est à l'abri d'un contrôle fiscal, même s'ils sont encore peu nombreux dans le domaine de la cryptomonnaie. Par ailleurs, les outils à disposition de l'administration vont progressivement se renforcer. "Quand la directive européenne DAC8 sera adoptée, l'échange d'informations qui existe dans le domaine bancaire s'appliquera aux plateformes d'échange de cryptomonnaies. Ce sera alors la fin du secret", explique Baptistin Alaime.

Si la Belgique n'a pas encore adopté de législation fiscale spécifiquement adaptée aux cryptomonnaies, le fisc s'intéresse à la question depuis plusieurs années. L'essentiel de la position de l'administration fiscale en la matière se trouve dans une trentaine de décisions du SDA, le service des décisions anticipées, qui statue sur des demandes de rulings fiscaux. L'avocat tire son analyse fiscale de ces décisions, de son expertise et de sa pratique avec ses clients. Dans son livre, il explique comment montrer patte blanche au fisc.

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1. Quels gains en crypto sont taxables?

Tout gain réalisé en cryptomonnaie est susceptible d'être taxé. La seule possibilité d'y échapper est de démontrer que ces gains ont été acquis dans le cadre d'une gestion de patrimoine en bon père de famille. Cela suppose un nombre limité de transactions, le fait qu'une petite partie du patrimoine soit consacrée aux cryptos ou encore une longue période entre l'achat et la vente des cryptos. "Malheureusement, ces critères sont soumis à l'appréciation de l'administration fiscale. Ils ne sont pas précisément définis", observe Baptistin Alaime.

25% à 50%
Taxation des Revenus professionnels
Si le crypto-investissement est considéré comme un revenu professionnel, il est taxé suivant les tranches d'imposition classiques : de 25 % à 50 %.

Si la gestion en bon père de famille ne peut être démontrée, les plus-values en crypto sont considérées comme des revenus professionnels ou des revenus divers. Un profil professionnel est caractérisé par une fréquence élevée d'opérations (plusieurs transactions par jour), des connaissances techniques ou académiques pointues, des investissements substantiels dans du matériel informatique ou encore la fourniture de conseils financiers à des tiers. Les YouTubeurs proposant du conseil en crypto-trading sont prévenus.

Un revenu professionnel est taxé suivant les tranches d'imposition classiques, qui sont relativement élevées : de 25 % à 50 %. Par contre, bonne nouvelle: les pertes peuvent être reportées indéfiniment dans le temps. A noter que les frais liés à cette activité professionnelle sont déductibles. C'est le cas, notamment, des frais de transaction qui grèvent chaque opération crypto.

Si le crypto-investissement ne rentre dans aucune de ces deux catégories, la taxation à titre de revenus divers (33 %) s'applique. Dans ce cas, les pertes sont également reportables, mais sur cinq ans maximum.

"Ce qui prédomine, c'est l'insécurité juridique, ce qui est un cauchemar pour les contribuables. A l'heure actuelle, il est quasiment impossible d'obtenir une réponse claire et précise sur la qualification fiscale des cryptomonnaies."

Baptistin Alaime
Avocat fiscaliste chez Tuerlinckx Tax Lawyers

L'avocat conseille aux investisseurs de bien décortiquer les opérations qu'ils réalisent. L'idée est de pouvoir, dès l'origine, les catégoriser en bon père de famille, revenus professionnels ou revenus divers. Autre conseil: documenter les opérations, afin de pouvoir montrer au fisc, le cas échéant, que la catégorie choisie correspond bien à la réalité. L'idéal est de privilégier des plateformes d'échange de cryptomonnaies qui permettent d'imprimer des "extrait de compte" reprenant un historique des transactions.

2. Quand la plus-value est-elle taxée?

Les plus-values réalisées en crypto sont taxables au moment où l'investisseur convertit ses cryptomonnaies en euros. Mais ce n'est pas tout. Selon l'analyse de Baptistin Alaime, ils sont également taxables lors d'une conversion d'une crypto à une autre crypto. Un achat d'ether avec du bitcoin qui génère une plus-value est donc soumis à taxation. Si l'investisseur réalise de nombreuses opérations, le calcul de la plus-value peut virer au casse-tête. L'avocat conseille de faire appel à des logiciels spécialisés (Koinly, Cointracker...) pour calculer précisément les gains réalisés.

3. Le minage est-il taxé?

Le minage de cryptomonnaie permet de sécuriser les transactions. Il donne accès à des "récompenses" pour le mineur qui met ses capacités informatiques à disposition du réseau. Ces récompenses sont perçues en crypto. Selon l'avocat, cette activité, qui nécessite généralement de lourds investissements dans du matériel spécialisé, ainsi que des compétences techniques, a toutes les chances d'être considérée comme une activité professionnelle. Il conseille donc au mineur de partir du partir du principe que ses revenus seront taxés comme des revenus professionnels. Et ce, même si le minage n'est pas la principale activité professionnelle du mineur. Dans ce cas, la taxation est importante (25 % à 50 %, suivant les tranches). Mais les frais liés à cette activité, notamment l'achat de matériel, peuvent être déduits.

4. Le staking est-il taxé?

Le staking est une méthode particulière d'investissement, qui consiste à "bloquer" ses cryptomonnaies ou à les "prêter" à une plateforme, en échange du versement de de récompenses en crypto. Selon l'avocat, ces récompenses peuvent être comparées au versement de dividendes tel qu'on le connaît sur le marché des actions. Dans ce cas de figure, le staking génère des revenus mobiliers, taxés à hauteur de 30 %. Si l'on suit l'analogie avec la bourse, un précompte mobilier est également dû. Par ailleurs, les pertes ne sont pas déductibles.

5. Les airdrops sont-ils taxés?

Les airdrops sont des récompenses en cryptomonnaies offertes aux investisseurs qui soutiennent un jeune projet. Selon Baptistin Alaime, ces airdrops étant des "cadeaux", ils ne revêtent aucun aspect de risque. Ils sont dès lors perçus dans le cadre de la gestion normale d'un patrimoine en bon père de famille et ne sont pas taxés.

"L'administration fiscale belge sera bientôt au courant des bénéfices que vous réalisez sur vos comptes crypto."

Dave van Moppes, Baptistin Alaime et Jan Van Hemelen.
"Cryptomonnaies, cryptiques taxes. Blockchain, banques et imposition" (Editions Ertsberg)

6. Déclarer ses comptes crypto

Les comptes ouverts sur des plateformes d'échange de cryptomonnaies peuvent être comparés à des comptes bancaires étrangers. A ce titre, ils doivent être mentionnés à la Banque nationale, via le point de contact central, ainsi que dans la déclaration fiscale. Pour l'instant, le fisc ne peut pas faire grand-chose de cette information. Mais, dans un avenir plus ou moins proche (une directive européenne est en préparation), les plateformes d'échange seront tenues de partager les informations sur leurs clients avec les autorités fiscales. "En d'autres mots, l'administration fiscale belge sera bientôt au courant des bénéfices que vous réalisez sur vos comptes crypto", avertissent les avocats fiscalistes de Tuerlinckx dans leur ouvrage.

3 questions à Baptistin Alaime

Avocat chez Tuerlinckx Tax Lawyers, Baptiste Alaime est co-auteur de "Cryptomonnaies, cryptiques taxes."

Le système fiscal belge est-il adapté aux investissements en cryptomonnaies?

Pas du tout. Ce qui prédomine, c'est l'insécurité juridique, ce qui est un cauchemar pour les contribuables. A l'heure actuelle, il est quasiment impossible d'obtenir une réponse claire et précise sur la qualification fiscale des cryptomonnaies. Alors que le bitcoin est apparu en 2009, aucune législation n'a encore été adoptée. L’administration fiscale n'a pas adopté de circulaire sur le sujet. Aucune décision de justice n'a encore permis d'établir un début de jurisprudence. Nous devons nous baser sur des rulings du Service des Décisions Anticipées, qui se basent sur des cas individuels et ne répondent pas à toutes les questions. Cette situation est problématique parce que, en théorie, l'impôt doit être prévisible et justifié. Or, actuellement, il est difficile de savoir comment un investisseur en cryptomonnaie sera taxé.

La Belgique est-elle en retard par rapport à d'autres pays européens?

Oui, la Belgique est en retard par rapport à ses voisins. En France, une réglementation spécifique a été adoptée. Elle indique, notamment, très clairement que les gains réalisés lors d'une opération crypto à crypto ne sont pas taxés. Cela apporte de la sécurité juridique. Même chose en Allemagne, où les comportements de bon père de famille sont définis dans une loi.

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Il y a encore peu de règles en Belgique. N'est-ce pas justement ce que cherchent les crypto-investisseurs?

La plupart des clients ne savent pas comment se comporter vis-à-vis du fisc. Ils viennent nous trouver parce qu'ils paniquent au moment de la déclaration fiscale ou parce qu'ils veulent régulariser leur situation. Mais ils s'exposent alors à des pénalités. Ils payent plus d'impôt simplement parce que le système manque de clarté.

Le résumé

  • Les gains en crypto sont soumis à taxation.
  • Encore faut-il savoir à quelle hauteur et suivant quels mécanismes.
  • Dans "Cryptomonnaie, cryptiques taxes", les avocats de Tuerlinckx Tax Lawyers donnent des conseils pour éviter la douche froide fiscale.

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