Maria Ortino (LGIM): "L'abus d'antibiotiques est un risque systémique pour l'économie mondiale"

Maria Larsson Ortino, responsable des investissements durables chez le gestionnaire d’actifs britannique LGIM, alerte sur les dangers de la RAM, à savoir la résistance des microbes aux médicaments.

1 Qu’est-ce qui ferait de la RAM un risque systémique?

En 2022, la RAM était responsable de 1,27 million de décès dans le monde, soit davantage que les décès dus au VIH/sida, au paludisme ou à la plupart des cancers. D'ici à 2050, la RAM pourrait provoquer environ 10 millions de décès par an, soit 11% des décès dans le monde. Pour replacer ces chiffres dans leur contexte, l’université John Hopkins estime que la pandémie de covid-19 a causé 8,8 millions de décès dans le monde sur une période de trois ans.

L’Organisation mondiale de la santé considère donc la RAM comme l’une des dix plus grandes menaces pour la santé humaine. Et, tout naturellement, l’économie en souffrira également. La Banque mondiale avait estimé précédemment que la RAM pourrait entraîner une baisse de 3,8% du PIB mondial. Son impact serait ainsi similaire à celui de la crise financière de 2008.

D’ici à 2050, la RAM pourrait entraîner des coûts de santé supplémentaires estimés à 1.000 milliards de dollars.

2 Quel rôle pourrait jouer à cet égard un gestionnaire d’actifs comme vous?

Les États doivent prendre leurs responsabilités, mais les investisseurs peuvent aussi jouer un rôle. En tant que gestionnaires des actifs financiers de nos clients, nous avons le devoir de protéger leurs deniers contre les risques à moyen et long terme. Et la RAM en fait partie. Cela fait plusieurs années que nous exprimons nos craintes à ce sujet.

Récemment encore, aux Nations unies. En vue d’une réunion qui y était consacrée, des investisseurs représentant plus de 13.000 milliards de dollars d’actifs ont signé une déclaration exhortant les dirigeants mondiaux et les responsables politiques à prendre des mesures.

C’est ainsi qu’a été lancée l’initiative Investor Action on AMR (IAAMR) à laquelle nous avons contribué.

3 La gestionnaire que vous êtes fait-elle également pression sur les entreprises?

Nous constatons déjà que les grands investisseurs sont plus attentifs à l’utilisation des antimicrobiens dans les chaînes logistiques des entreprises où ils investissent. Par exemple, on sait que l’abus d’antibiotiques exacerbe la résistance aux antimicrobiens. Dans le monde, la plupart des antibiotiques ne sont pas utilisés pour les humains, mais pour les animaux. Aux États-Unis, on estime à 80% la part des antibiotiques administrés au bétail.

Cette année, trois résolutions d’actionnaires à propos de la RAM ont été déposées auprès de grandes entreprises de restauration, comme Yum! Brands, McDonald’s et Restaurant Brands International (RBI). Ces entreprises de restauration rapide devraient se conformer aux directives de l’OMS sur l’utilisation des antibiotiques, ce qui contribuerait déjà à réduire sensiblement le risque de RAM. Elles peuvent montrer l’exemple et encourager les progrès dans le secteur. Le risque systémique diminuerait.