Le chant du cygne de Dexia
Ce samedi, à 15h (mais il est de plus en plus question de dimanche, finalement), les 18 administrateurs (9 Belges et 9 Français) de Dexia se réuniront (normalement à Paris) pour examiner et entériner le plan de démantèlement du groupe.
Un exercice de très haute voltige. Il suffit de contempler les atermoiements, les conciliabules divers et les déclarations incontrôlées de ces derniers jours pour mesurer l’ampleur du challenge. Et, comme on dit communément: c’est pas gagné!
Et pourtant, il faudra bien que l’orchestre s’entende pour jouer cette marche funèbre. Dans la dignité. Et avec le moins de fausses notes possibles. Car c’est dès lundi matin, avec la reprise de la cotation de l’action Dexia, que le sérieux et la crédibilité des décisions prises passeront le test des marchés.
Le pire des scénarios serait l’absence de tout accord. Mais avec deux Etats et un bataillon de banques d’affaires à la manœuvre, une telle issue serait impardonnable.
Le conseil d'administration de Dexia (cliquez sur le tableau pour l'agrandir)
Sans entrer dans les détails (pour cela, je vous recommande de lire attentivement L’Echo de ce week-end), voici un petit panorama des enjeux et des forces en présence.
-->Du côté de la France (qui détient 23,3% de Dexia directement et via la CDC), le sort du Crédit Local (l’entité qui a fusionné avec le Crédit Communal de Belgique dans le milieu des années 90 pour donner naissance à Dexia) semble tout tracé. Il va s’adosser à la CDC et à la Banque postale. Pour comprendre la position de la France dans cette affaire, il faut garder à l’esprit deux éléments : elle veut garder à tout prix son rating AAA et les élections présidentielles pointent leur nez.
-->Du côté des actionnaires privés, il faut faire la distinction entre ceux qui ont leur mot à dire (Holding Communal 14,1%, Arco 13,8%, Ethias (5%) et les autres (institutionnels, petits porteurs,….) Déjà très mal en point, le Holding Communal joue sa survie. Il aimerait, comme d’autres, conserver une banque belge pour le financement des collectivités locales. Arco, bras financier du Mouvement ouvrier chrétien, qui représente 700.00 coopérateurs est sur la même longueur d’ondes. Enfin, les petits porteurs qui n’espèrent plus grand-chose pourraient se consoler, dans un premier temps, en voyant le titre revenir à son niveau du début du mois.
-->Du côté de la Belgique, comme d’habitude, rien n’est simple. L’Etat belge (5,7%) est favorable à une privatisation de Dexia Banque Belgique. L’indemnisation des actionnaires pourrait, par exemple, intervenir via la nouvelle loi de cession forcée. La nationalisation serait une étape intermédiaire avant de vendre la banque ou de faire entrer d'autres actionnaires. Fort du soutien du Holding Communal et d’Arco, les trois Régions (5,73%) ont proposé de sortir la banque du groupe, via un " spin-off ". Toute la journée de vendredi, Etat et Régions ont négocié. Il est capital qu’ils se présentent unis ce week-end face aux administrateurs français.
-->Reste à résoudre le nœud du problème : les 100 à 125 milliards d’euros d’actifs toxiques. Selon toute vraisemblance, ils seront parqués dans une structure de défaisance (bad bank) avec la garanties des Etats. Qui seront les actionnaires de cette structure (susceptible de générer des bénéfices, ne l’oublions pas) et quelle sera la clé de répartition des garanties entre la France et la Belgique? Réponse à la fin du week-end…
Après la lecture de ce qui précède vous ressentez comme un début de migraine ? Normal….
Ce qui va se jouer ce week-end, me fait penser un peu au jeu d’échec à trois que le docteur Sheldon Cooper a mis au point dans un des épisodes de la série humoristique The Big Bang Theory. En voici un extrait (cliquez sur l'image) . Et bon week-end quand même à vous tous.
Stéphane Wuille
PS : Il y aura lundi, une édition spéciale de L’Echo consacrée à Dexia. Elle sera distribuée aux abonnés et disponibles en librairie. Le site vous tiendra informé de la moindre évolution dans ce dossier tout au long du week-end. En cas de développement majeur, un chat sera organisé pour permettre aux échonautes d’échanger leurs impressions.
PPS : Merci à mon collègue Fabrizio Colucci pour le tableau des administrateurs.
PPPS: Au moment de boucler cet article, j'apprends que l'Etat belge reprendra finalement Dexia Banque. Plus d'infos ici.
A lire également:
Le jeudi fou de Dexia
Dexia: les premières leçons du fiasco
Dexia: un communiqué à 600 millions d'euros
Les plus lus
- 1 Gouvernement fédéral: tensions au sein de l'Arizona autour du budget de l'Inami
- 2 Durant des années, Didier Reynders a dépassé la limite de dépôts en cash à la Loterie
- 3 Wallonie: Ecolo accuse le gouvernement Dolimont d'abandonner la cause sociale et environnementale
- 4 Pierre Voineau (Stellantis Belux) estime que l'hémorragie de Peugeot, Opel, Citroën et cie est finie
- 5 IBA: une nouvelle génération de cadres renforce sa participation dans l'actionnariat