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James Cayne (Bear Stearns), grandeur et décadence d'un gourou du «subprime»

Si la défiance des investisseurs à l'égard des banques américaines impliquées dans la crise des prêts hypothécaires spéculatifs est particulièrement flagrante, que ce soit sur les marchés d'actions ou d'obligations, toutes les valeurs ne sont toutefois pas à ranger dans le même panier!

(l'écho) Même si l'ampleur des corrections observées en février et depuis la mi-juillet s'avère assez uniforme, avec des pertes de l'ordre de 15% et 25% (près du double et du triple des pertes du S&P 500 à périmètre comparable) pour les principales institutions financières US, Bear Stearns est incontestablement la valeur la plus sanctionnée par le marché depuis le début de l'année.

Le titre s'est contracté de près de 35%, contre -15% pour Goldman Sachs, le courtier US disposant de la plus importante capitalisation boursière, et +0,6% pour le benchmark US. Par rapport à ses plus hauts de 2007, Bear Stearns aurait même, selon «Bloomberg», signé la plus significative perte de valeur (-38%) jamais recensée par une action cotée à Wall Street depuis 1987!

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Erreur stratégique

La différence de traitement entre Goldman Sachs et Bear Stearns s'explique essentiellement par le fait que cette dernière est la banque la plus massivement impliquée dans les dérivés de crédits adossés à des prêts subprime. Le manque de diversification de sa stratégie d'investissement est aujourd'hui au centre de toutes les critiques depuis que la banque a annoncé la fermeture de deux de ses hedge funds actifs sur la dette structurée liée à l'immobilier US. Alors que ses concurrents élargissaient leurs positions à l'étranger et vers les actions et les matières premières, James Cayne, le chief financial officer de Bear Stearns, a mis le paquet sur la dette hypothécaire.

Résultat des courses, la dette de la banque, bien que notée «A+», affiche une prime de risque équivalente aux papiers spéculatifs. Quant à ses actions, elles se traitent désormais à seulement 1,2 fois leur valeur d'inventaire. Ce qui est non seulement beaucoup moins que la valorisation de Wall Street, qui est pourtant au plus bas depuis plus de trois ans, mais aussi largement inférieur à celle (1,6%) des cinq plus grandes sociétés de courtage US (dans l'ordre: Goldman Sachs, Morgan Stanley, Merrill Lynch, Lehman Brothers et Bear Stearns). En constatant que le titre Goldman Sachs se traite à 2,2 fois sa valeur d'inventaire, ce qui constitue le multiple le plus élevé du secteur, et que la prime de risque associée à la dette de Goldman Sachs se révèle de 35% moins élevée que celle de Bear Stearns, on aura compris que les investisseurs, qui savent trier le bon grain de l'ivraie, accordent une prime à la plus grande diversification des sources de revenus de Goldman Sachs. Du coup, son CEO, Lloyd Blankfein, dispose de son avantage le plus net par rapport à James Cayne depuis 2001!

Il faut dire que la gestion de la crise est abordée de manière radicalement différente par les deux groupes bancaires.Alors que Bear Stearns n'a pas fait (ou pu faire) l'effort de renflouer ses deux hedge funds en pleine déconfiture, Goldman Sachs vient d'injecter 2 milliards de USD d'argent frais et 1 milliard de USD levé auprès d'investisseurs pour soutenir son hedge funds (Global Equity Opportunities) en difficulté. Confrontée à ce qu'il faut bien qualifier de crise des liquidités, Bear Stearns s'est finalement borné à fermer ses fonds, tandis que Goldman Sachs tente de prouver sa confiance dans son véhicule financier pour lequel il réfute d'ailleurs toute évocation de sauvetage. Est-ce que Lloyd Blankfein se berce de douces illusions? Seul l'avenir nous le dira... Mais une chose est sûre, son attitude offensive cadre toujours avec son statut de premier de la classe et plaît davantage au marché que le comportement de James Cayne qui fait penser à un boxeur groggy. Ce dernier en est réduit à prospecter en Chine pour trouver des investisseurs encore éventuellement disposés à couvrir les risques subprime pris par Bear Stearns. Il serait même question que la banque vende certains de ses actifs: on évoque une cession d'une part minoritaire dans Citic Group.

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Rachat de Bear Stearns?

Certains observateurs vont même jusqu'à dire que Bear Stearns constitue désormais une cible possible pour un éventuel rachat. Compte tenu de l'évaporation de sa capitalisation boursière (-31% en moins de six mois), le groupe n'est pas à l'abri d'un prédateur qui n'aurait pas froid aux yeux. Rares sont, en effet, les analystes à ne pas avoir réduit leurs prévisions bénéficiaires sur la valeur ces dernières semaines. Le plus sévère à cet égard est sans conteste Glenn Schoor d'UBS qui voit le bénéfice par action du groupe tomber cette année à 12,5 USD, contre 14,7 USD précédemment escompté. En dépit d'un ratio cours/bénéfice de seulement 7,7 (contre 8,3 pour Goldman Sachs), le fait que 42% des revenus de la banque découlent de ses activités sur le marché du crédit (contre 35% pour Goldman Sachs) laisse peu de place aux prétentions de croissance bénéficiaire de Bear Stearns...

Luc Charlier

Photo Bloomberg

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