(l'écho) De l' Américain General Electric au Japonais Mitsubishi Heavy Industries, en passant par l'Allemand E.ON, tout le monde cherche à investir dans le vent. Il y a à peine huit jours, Suez annonçait à son tour avoir fait une acquisition dans ce domaine au Canada.
Le vent emporte les prix
A lire les résultats d'un sondage publié en juin dernier par PricewaterhouseCoopers LLP et réalisé auprès des compagnies d'électricité (utilities), 48% des sociétés interrogées contre 17% un an auparavant pensent que l'énergie éolienne sera plus importante que celle produite à partir de gaz naturel et du charbon dans les 5 ans à venir. Sur cette période, et selon des estimations de CLSA Research, les sociétés d'énergie (utilities) et les gouvernenemts envisagent de consacrer quelque 150 milliards de USD à des projets liés à l'activité du vent.
Conséquence de cette perspective et surtout de la rage des entreprises à investir dans la production d'énergie produite par le vent, les prix payés se sont envolés ces derniers mois.
A tel point que l'on se demande si nous ne sommes pas en train de revivre une situation pareille à la bulle des valeurs «TMT» (télécoms, médias et technologies) de la fin des années nonante. Un signe ne semble pas tromper. Le refus en mai dernier du groupe français Areva de surenchérir à l'offre «folle» qu'avait faite l'Indien Suzlon sur le fabricant allemand d'éoliennes REpower Systems pourrait bien vouloir signifier que les limites se rapprochent.
Le prix payé par le groupe indien valorise la société allemande à 140 fois les bénéfices de 2006! Un chiffre qui sera probalement ramené à 45 si les estimations d'analystes pour les résultats de cette année s'avèrerent exactes.
Valorisations élevées
Le prix payé par Suzlon pour mettre la main sur REpower a porté les valorisations de l'ensemble du secteur à des niveaux fort élevés sur les marchés boursiers. A l'heure actuelle, Vestas, le plus important fabricant d'équipements - notamment des turbines - pour les gestionnaires d'éoliennes, se traite à 68 fois les bénéfices 2006 à la Bourse de Copenhague et à près de 40 fois ceux estimés pour cette année. Le titre de l'Espagnol Gamesa, un autre important équipemen- tier dans le secteur du «vent», s'échange à 37 fois les profits 2006 et l'Américain Suntech Power à 42 fois. Plus vertigineux encore, le P/E (price earning ou cours sur bénéfice) d'EDF Energies Nouvelles (EDF EN), détenu à 50% par Electricité de France, s'élève à 131 ! Un ratio qui pourrait tomber à 80 selon une estimation médiane d'analystes consultés par Bloomberg.
Ces valorisations ne manquent pas de rappeler la situation que l'on avait connue lors de la bulle «TMT» à la fin du siècle passé.
Pour l'heure, les analystes se gardent toutefois de qualifier la situation d'exagérée. La nécessité quasi absolue de trouver d'autres sources d'énergie ne leur permet sans doute pas de voir les choses sous cet angle. Toutefois, reconnaît le courtier britannique Kaupthing Singer & Friedlander Capital markets, «la plupart des fabricants de turbines devront atteindre leurs objectifs, parfois même les dépasser, pour justifier leur valorisation actuelle». Des surprises défavovorables ne peuvent jamais être exclues. Ce n'est pas un hasard si Gamesa affiche en ce moment un des P/E les moins élevés du secteur. Le groupe ibérique avait annoncé au printemps dernier une baisse de 14% de ses bénéfices au premier trimestre, en raison de projets qui ont dû être reportés.
Autre épée de Damoclès qui pèse sur le secteur en Bourse, une grande majorité de ces entreprises affichent un endettement élevé. Parmi les plus endettés, outre Théolia, l'opérateur Energias de Portugal (EDP) affiche un passif supérieure au chiffre d'affaires (9,2 milliards d'euros) réalisé par le groupe lui-même en 2006, et au moins 10 fois plus élevé que les bénéfices nets engrangés l'an passé (940 millions).
Les analystes ne crient pas à la bulle. Ils ont néanmoins tendance à tempérer leur avis sur le secteur. Ils sont de plus en plus nombreux à ne plus suggérer les actions à l'«achat», mais au mieux à les «conserver». C'est le cas entre autres de Vestas, EDF EN, Nordex et de Gamesa.
Marc Collet