(l'echo) Face au défi du vieillissement de la population, les gouvernements européens débordent d'imagination. Leur défi majeur : les problèmes financiers liés à la pension. Mais la canicule de 2003 en France a mis en évidence un autre phénomène d'une ampleur rarement discutée dans les cénacles du pouvoir: la croissance des besoins en lits et en soins de personnes agées dites «dépendantes». Les maisons de repos croulent aujourd'hui sous les demandes et au vu des perspectives établies par tous les baromètres en vieillissement, les dépenses de développement à venir sont tout simplement insoutenables pour les budgets nationaux. Selon Eurostat, entre 2010 et 2030 (soit le pic du papy-boom), la proportion de la population senior (65-79 ans) augmentera en effet de 37,3% au sein de l'Union européenne et celle des vieux (80+ ans) de 54%. Un cauchemar pour tout ministre du Budget un tant soi peu tatillon sur les chiffres.
Orpéa et les autres
Les gouvernements se tournent vers le privé pour assurer le financement. Et les quelques candidats à se présenter font montre d'un appétit féroce. Depuis une dizaine d'années, on observe en effet l'émergence d'un certain nombre d'acteurs dont les succès boursiers se conjuguent avec leur dynamisme et leur développement. Deux pays tirent leur épingle du jeu: la France, avec des sociétés comme Orpéa, Korian et le Groupe Noble Age, et l'Allemagne, qui peut compter sur les groupes Marseille-Kliniken, Curanum ou encore Maternus (sans compter les groupes comme Générale de Santé et Rhön-klinikum opérant des soins de santé plus généralistes mais qui accaparent progressivement de solides parts de marché sur le segment spécialisé des personnes âgées). Ces jeunes sociétés cotées ont déjà leur fan club. Fort suivi par les analystes, Orpéa a pu compter, ces dernières semaines, sur 58% de recommandations à l'«achat». Korian est plus disputé avec 20% d'opinions franchement favorables, le reste restant neutre. Quant au Groupe Noble Age, moins suivi par les analystes, les avis sont globalement positifs. En Allemagne, l'unanimité est de rigueur: la plupart des analystes renseignent en effet à l'«achat» les groupes Marseille-Kliniken et Curanum.
La France et l'Allemagne
Le développement dans ces deux pays plus que dans d'autres s'explique par la possibilité de jouer sur les tarifs et d'augmenter ainsi ses marges sur son marché domestique. Ce qui n'est pas le cas notamment en Belgique où les prix sont globalement fixés par les instances communautaires. Mais le potentiel de ces groupes réside surtout dans le fait que ces marchés sont fortement atomisés (en France, les trois premiers acteurs n'en détiennent que 26%). Comme le souligne Stephan Dubosq, analyste chez Arkeon Finance, «Orpéa développe une stratégie de croissance externe: il reprend des indépendants, les restructure et les remet sur pied. Puis il augmente les prix», sur son marché domestique du moins. «La croissance organique est soutenue par un déséquilibre avantageux entre l'offre et la demande», confirment Frederic Caumon et Eric Elalouf de la Deutsche Bank, «ce qui devrait augmenter les prix tout en améliorant le taux d'occupation». Ce sont aussi ces raisons qui ont poussé le groupe français (dont le chiffre d'affaires a augmenté de plus de 30% annuellement pour atteindre 415 millions d'euros en 2006) à s'étendre en Espagne et en Italie, deux marchés relativement immatures et surtout peu régulés.
Un marché en croissance
Ce nouveau marché «argenté» attise en tout cas les convoitises des investisseurs. En juillet dernier, le fonds européen BC Partners déboursait 750 millions d'euros pour s'offrir le français Medica, acquis trois ans plus tôt par Bridgepoint pour 330 millions. Autre exemple français: à peine Korian (ex-Suren) avait-il avalé son concurrent Medidep en novembre dernier qu'il se lançait en Bourse pour lever plus de 150 millions d'euros. Il est vrai que la recherche de financements est nécessaire si l'on veut grappiller des parts de marché où tout n'est encore qu'un puzzle à construire. Marseille-Kliniken n'a pas hésité en 2004 à céder douze bâtiments à General Electric pour 100 millions d'euros dans un mouvement de sale-leaseback. Une opération que le groupe allemand a répétée l'année suivante, récoltant à nouveau un montant de 117 millions d'euros. Le gouvernement allemand est en train de modifier sa procédure de remboursement des soins d'ici à 2009, ce qui le forcera à vendre ou fermer des cliniques fonctionnant à pertes. Le shopping de seconde main n'est donc pas fini pour ceux qui ont suffisamment d'argent en portefeuille. Serge Quoidbach