(l'écho) La raison? Ils investissent massivement dans des futures sur le climat, des produits dérivés permettant d'anticiper un ouragan au Kansas, la pluie en Bretagne ou un printemps frileux à New York. Le succès de ces instruments financiers est tel que ce marché pèse actuellement 19 milliards de dollars.
Les premiers contrats sur le climat ont débuté il y a dix ans, lancés par Enron. Le marché était alors prisé par les services aux collectivités voulant se couvrir contre les fluctuations de la demande pour le gaz naturel ou l'électricité.
Paradoxalement, depuis la faillite en 2001 de la société spécialisée dans le négoce de l'énergie, et après une période de vaches maigres, ce marché ne s'est jamais aussi bien porté. Selon les chiffres du Chicago Mercantile Exchange, les transactions sur ce type de futures ont été multipliées par 100 depuis 2003. Les volumes des contrats sur les températures, par exemple, ont atteint un record en avril, à 6.000 transactions par jour, soit le double par rapport à l'an dernier. Les courtiers attribuent surtout cette progression à l'appétit des fonds spéculatifs, qui achètent et vendent ces contrats sur la base des changements climatiques. Ils représentent 40% du volume de transactions, selon Spectron Group. Mais le réchauffement de la planète et ses conséquences ont également apporté leur contribution à la croissance du marché. Des compagnies d'assurances investissent aussi dans les futures sur le climat pour se couvrir des risques d'une catastrophe naturelle. Sont également présentes sur le marché, les banques d'investissement. Merrill Lynch s'y est lancé en 2004 en rachetant la filiale de Entergy-Koch dédiée à l'énergie. UBS a même développé le Global Warming Index, un indice servant de référence pour les investissements dans les dérivés sur le climat.
Un effet boule de neige
Les hedge funds renouvellent sans cesse leurs moyens pour battre le marché par des stratégies inédites. Ceci explique en partie l'engouement de ces fonds pour les dérivés du climat. «Il semble qu'un nombre important de hedge funds ont bien performé ces dernières saisons, et maintenant, ils commencent à investir de plus gros montants et nouer de plus grandes transactions», commente Patrick Ayash, courtier chez Crédit Suisse.
Les fonds spéculatifs disposent d'une large palette pour investir dans les dérivés de climat. Certains fonds tentent d'exploiter les imperfections du marché. Par exemple, un contrat sur les températures à Philadelphie peut être coté à un prix inférieur à celui sur les températures à Baltimore, alors que les deux villes disposent d'un climat quasi identique. D'autres fonds essaient de prédire les jet streams, ces mouvements d'air dans l'atmosphère supérieure qui influencent les ouragans et la température.
Mais la grande majorité des échanges de futures sur le climat est liée à l'évolution des matières premières en général. Lorsqu'un fonds parie sur une remontée des prix du gaz naturel, il peut se couvrir en achetant des contrats sur le climat rémunérateurs même si l'hiver se révèle plus chaud qu'attendu.
Un besoin de précision
Les gestionnaires de hedge funds ne se contentent pas de faire confiance à une grenouille dans un bocal avec son échelle pour suivre les évolutions climatiques. Certains paient plus de 60.000 dollars annuellement pour obtenir des prévisions météorologiques «customisées». D'autres vont jusqu'à engager leur propre météorologue pour un salaire supérieur à 100.000 dollars par an. Les firmes de prévisions météorologiques privées se sont d'ailleurs multipliées aux Etats-Unis.
Alors que la plupart des scientifiques s'attendent à ce que le réchauffement de la planète rende les prévisions de climat plus difficiles, les investisseurs se frottent les mains.
«Si la volatilité pose problème, quoi de mieux que les marchés financiers pour valoriser le risque et le répartir? Vous pariez si vous ne couvrez pas le risque du climat», conclut David Riker, courtier chez Storm Exchange.
J.N.