Les propriétaires qui mettent en location un logement via une agence immobilière sociale (AIS) sont de moins en moins nombreux dans la capitale.
"Le ralentissement perceptible ces dernières années va encore très probablement se confirmer en 2024. Nous nous attendons à une croissance très faible, même si nous ne disposons pas encore de tous les chiffres", prévient Laurence Libon, coordinatrice de Fedais, la Fédération des agences immobilières sociales.
Un désintérêt qui s’explique par un différentiel "qui s’est accentué ces dernières années" entre les loyers pratiqués sur le marché locatif privé et ceux inférieurs des AIS. Le flou autour des primes à la rénovation et les échéances de rénovation énergétique ont aussi tendance à pousser propriétaires à vendre, souligne Fedais.
"Un placement assuré contre les risques"
Ce qui n’est pas le cas de Julie (prénom d’emprunt), propriétaire d’un appartement une chambre à Saint-Gilles, qu’elle loue depuis un peu plus d’un an par l’intermédiaire de l’une des 24 agences immobilières sociales bruxelloises. "Je le vois plutôt comme un placement assuré contre les risques et sans effort à très long terme", commente la jeune femme.
Après avoir occupé elle-même son appartement, elle décide d’emménager avec son compagnon à une cinquantaine de kilomètres de la capitale. "Je voulais déléguer la gestion et éviter les tracas locatifs comme les impayés ou les éventuels dégâts", se souvient-elle.
"Je perçois un loyer de 500 euros, hors charge. Or, dans l’immeuble, un appartement similaire aux miens est loué à 850 euros par mois sur le marché privé."
La solution d’une AIS lui est rapidement parue évidente, puisque les loyers sont garantis, même en cas de défaut de paiement du locataire ou de vide locatif.
La gestion est également assurée par l’AIS. Le propriétaire, qui signe un bail de neuf ans avec elle, ne s’occupe de rien durant ce laps de temps et ne connaît même pas l’identité de son locataire.
"L'AIS sélectionne le locataire, conclut les baux, réalise les états des lieux, s’occupe des décomptes annuels des charges, assure le logement contre les risques d’incendie, supervise les petits travaux de réparation et d’entretien à charge du locataire ou du propriétaire (petits travaux de remise en état du logement, entretien des équipements tels que la chaudière, l’ascenseur…)", explique Laurence Libon.
Les dégâts locatifs sont également couverts par l’AIS, en dehors de l’usure normale ou de la vétusté qui sont à charge du propriétaire.
Accès à des primes aux meilleurs taux
Et actuellement, même si l’avenir des primes à la rénovation à Bruxelles reste incertain, puisque le formateur David Leisther (MR) avait marqué son intention de se montrer moins généreux, les AIS offrent un accès aux primes régionales aux meilleurs taux, indépendamment des revenus du propriétaire.
"L'AIS conclut les baux, réalise les états des lieux, s’occupe des décomptes annuels des charges, assure le logement contre les risques d’incendie..."
Ce qui inquiète Julie, ce n’est pas tant l’avenir des primes étant donné que son bien affiche un PEB C, conforme aux exigences 2050, mais plutôt la politique locale et régionale. "Cette commune est très à gauche. Et dans l’éventuelle montée du PTB au pouvoir un jour, que ce soit à la commune ou même à la Région, opter pour du logement social me permet en quelque sorte de geler les risques de mesures prises à l’encontre des multipropriétaires", analyse-t-elle. "Je me prémunis d’un encadrement progressif des loyers et des augmentations des additionnels au précompte immobilier."
Elle bénéficie en effet, comme tous les bailleurs passant par une AIS, d’une exonération de précompte immobilier. Autre avantage fiscal, "une réduction de la TVA à 12% est accordée pour tout logement neuf (ou pour travaux dans un logement de moins de 10 ans) mis en location via une AIS. La durée du contrat avec l’AIS doit cependant être de 15 ans minimum", ajoute Laurence Libon.
Jusqu’à 40% de loyer en moins
Mais tous ces avantages ont un coût. Le loyer obtenu par le propriétaire est nettement moins élevé que ceux du marché privé. "Nous estimons la décote en moyenne à 25-30%, mais ce gap s’accentue actuellement", chiffre la coordinatrice de Fedais. De fait, pour Julie, qui a fait ses calculs, la décote tourne plutôt autour de 40%.
"Le loyer proposé par l’AIS pour un logement est fonction du nombre de chambres, quelle que soit la localisation dans la commune ou le prix d'achat."
"Je perçois un loyer de 500 euros, hors charge. Or, dans l’immeuble, un appartement similaire au miens est loué à 850 euros par mois sur le marché privé, et je pourrais sans doute louer le mien un peu plus cher", illustre la propriétaire. "Les AIS ne sont clairement pas faites pour les propriétaires en quête de rendement à court terme, mais plutôt pour ceux qui veulent assurer leur placement à long terme, pour avoir une réserve à la pension, en toute tranquillité d’esprit", admet la jeune femme.
La manière dont est calculé le loyer reste assez obscure. "Un quartier n’est pas l’autre, entre celui du parvis, de la maison communale ou encore de la gare du Midi, les différences de prix d’achat ou de loyer sur le marché privé peuvent être importantes. Mais le loyer proposé par l’AIS pour un logement est fonction du nombre de chambres, quelle que soit la localisation dans la commune ou le prix d'achat", détaille Julie.
Primes communales
Pourtant, la propriétaire semble s'y retrouver. "Si on tient compte des éventuels impayés, du vide locatif, des frais liés aux dégâts, ainsi qu'aux économies de précompte immobilier et aussi à la prime communale saint-gilloise de 500 euros, sur le long terme, je n’y perds pas tant que cela", se rassure-t-elle. De fait, certaines communes, à l’instar de Saint-Gilles, soutiennent les propriétaires qui décident de donner leur logement en location à des locataires sociaux.
Ainsi, à Saint-Gilles, tout propriétaire qui décide de confier son logement à une AIS reçoit une prime annuelle de 500 euros pour un logement d’une chambre, de 1.000 euros pour un deux chambres et de 1.500 euros pour un trois chambres.
La commune d’Etterbeek offre un "bonus loyer" de 300 euros pour un studio, 350 euros pour un logement une chambre, 500 euros pour un logement deux chambres et 1.200 euros pour les biens comportant trois chambres ou plus.
"Je ne regrette pas mon choix", conclut Julie qui envisage déjà, à l’issue de son bail de neuf ans, "de prolonger le contrat, sauf si j’ai besoin de cash".