Les tables (légales) de conversion de l'usufruit pour 2024, qui ont été publiées le 1ᵉʳ juillet, vont réserver quelques surprises en matière de planification successorale. "Personne ne s'attendait à une augmentation aussi importante de la valeur de l'usufruit", constate Bastiano Ranalli, avocat spécialiste en droit fiscal et patrimonial (Thalès).
La valorisation de l'usufruit en hausse, qu'est-ce que change?
Qu'est-ce que cela implique concrètement et pour qui? Les situations dans lesquelles un bien est détenu en démembrement (usufruit/nue-propriété) sont assez fréquentes. Dans le cas des couples mariés, la loi prévoit que tous les biens du défunt reviennent en usufruit à l'époux survivant et en nue-propriété aux enfants. Une configuration qui n'est pas très confortable et que les parties ne souhaitent pas forcément pérenniser, en particulier dans les familles recomposées où l'entente entre enfants et beau-parent n'est pas toujours optimale.
La solution pour mettre fin au démembrement consiste à convertir l'usufruit (en une somme d'argent ou en une rente). Pour connaître la valeur de l'usufruit, on se réfère aux tables de conversion légales. "Ces tables expriment la valeur de l'usufruit en un pourcentage qui tient compte des tables de mortalité prospectives du Bureau fédéral du plan et du taux des OLO des deux dernières années (déduction faite du précompte mobilier de 30%)", explique Me Ranalli.
Les tables 2024 sont basées sur un taux d'intérêt maximal de 2,25% (contre 1,34% en 2023), qui fait bondir la valeur de l'usufruit! Ainsi, l'usufruit d'une femme de 68 ans vaut désormais 36,17%, contre 22,81% en 2023. L'usufruit d'un homme de 35 ans est passé de 49,74% à 68,3%, tandis que celui d'un homme âgé de 80 ans a quasi doublé (15,18% contre 8,40%)!
En cas de rachat de l'usufruit
Les (beaux-) enfants pourraient souhaiter racheter l'usufruit d'un immeuble pour éviter une cohabitation avec le parent survivant et/ou pour pouvoir profiter du bien sans attendre. L'immeuble pourrait aussi être revendu. Le prix de vente devrait alors être partagé.
Dorénavant, ce type d'opération leur coûtera nettement plus cher puisque la valeur de l'usufruit a sensiblement augmenté.
Exemple éclairant. Charlotte, 68 ans, hérite de l'usufruit de sa résidence secondaire à Knokke. La valeur de l'immeuble est estimée à 600.000 euros. Son beau-fils, nu-propriétaire, souhaite racheter l'usufruit en le convertissant en une somme d'argent. Il lui en coûtera 217.020 euros, contre 136.860 euros en 2023. Une sacrée différence.
Participation de l'usufruitier aux travaux
Autre option, le démembrement est maintenu, mais d'importants travaux de rénovation s'imposent. "Depuis la réforme du droit de biens, le nu-propriétaire peut demander à l'usufruitier de participer à certains frais, proportionnellement à la valeur de l'usufruit. Dans ce cas, c'est Charlotte qui risque de la trouver mauvaise", note l'avocat.
L'achat scindé plus avantageux
"Pour l'achat scindé, les nouvelles tables permettent de réduire le montant des liquidités dont les parents font auparavant donation aux enfants, et donc de réduire les droits de donation."
Les nouvelles tables feront des merveilles pour un achat scindé. Cette technique prisée permet aux parents d'acheter l'usufruit d'un bien immobilier - typiquement une résidence secondaire -, tandis que les enfants acquièrent la nue-propriété, en général avec une somme dont les parents leur ont préalablement fait donation. In fine, les parents financent ainsi la totalité du projet et à leur décès, les enfants deviennent pleins propriétaires sans plus rien devoir payer.
"Les nouvelles tables permettent de réduire le montant des liquidités dont les parents font auparavant donation aux enfants, et donc de réduire les droits de donation (3% à Bruxelles et 3,3% en Wallonie)", explique Bastiano Ranalli.
- Les nouvelles tables de conversion de l'usufruit augmentent significativement la valeur de l'usufruit, ce qui affecte une série de planifications successorales.
- Le rachat de l'usufruit, pour mettre fin à un démembrement, devient plus coûteux.
- L'augmentation de la valeur de l'usufruit permet de réduire le montant des liquidités dont les parents font donation (et donc des droits de donation) pour un achat scindé.