Régulièrement, des dépliants de grandes surfaces proposent des destructeurs de documents. Ces appareils sont à la mode depuis quelques années déjà. Logique, leurs fabricants ont bien fait leur promo: ils sont parvenus à faire croire que la population était régulièrement victime de 'vols d’identité'. En 2008, 160.000 Belges auraient été victimes d’usurpation d’identité, selon l’un de ces fabricants.
Ce nombre n’a toutefois jamais été confirmé par la Police fédérale. Ce même fabricant remet le couvert cette année en publiant les résultats d’un sondage sur la perception qu’ont les Belges de la fraude à l’identité : ainsi, 13% des Belges déclarent que leur identité à déjà été usurpée au moins une fois. Une réalité ?
"En Belgique, la fraude à l’identité n’est pas considérée comme un phénomène unique mais plutôt comme un concept regroupant des phénomènes criminels totalement distincts. Cela va des fraudes sur Internet à l’usage de faux documents d’identité - dont la plupart concernent des identités fictives. Si des cas isolés d’usurpation d’identité existent, rien ne confirme le caractère alarmant du problème", précise Benoit Gosset, commissaire à la Direction de la Lutte contre les Fraudes auprès de la Police judiciaire fédérale.
Vos poubelles peuvent en dire long?
Ce fabricant avait en outre invité les Belges à détruire n’importe tous les documents sur lesquels apparaissaient des données personnelles (relevés bancaires, anciennes factures, documents d’assurance, etc.) avant de les jeter à la poubelle. Un mal vraiment nécessaire?
"Il n’y a aucun intérêt pour les personnes individuelles d'investir dans un broyeur de documents", affirme le commissaire. "Cependant, il faut respecter quelques règles de prudence de base. Comme par exemple détruire le courrier contenant le code PIN de votre carte bancaire avant de le jeter à la poubelle ou éviter d’y laisser traîner des extraits de compte. Ils pourraient susciter des convoitises. Mais ce second point ne concerne pas la fraude à l’identité. Ceci dit, le risque zéro n’existe pas, mais il faut éviter de sombrer dans la paranoïa. Pour obtenir un crédit à votre nom, par exemple, il faut dans la majorité des cas présenter votre carte d’identité", précise-t-il.
Bien sûr, les faux documents d’identité existent. "Mais les documents belges sont de plus en plus sécurisés. On y a introduit des puces électroniques qui permettent leur utilisation dans des applications sécurisées comme c’est le cas de la carte d’identité ou l’introduction de données biométriques. Les procédures d’octroi se sont également sécurisées", rassure le commissaire. Autrement dit, même si des fraudeurs ont accès à vos anciennes factures ou à vos relevés bancaires, cela ne leur servira à rien.
D’où vient cette paranoïa?
Contrairement à la Belgique où l’on dispose à la fois d’une carte d’identité obligatoire et d’un registre national, les Etats-Unis et le Canada ne disposent pas d’un système centralisé de gestion des identités. Les citoyens ne portent pas de cartes d’identité fédérale obligatoire sur eux. Dès lors, le permis de conduire, comme le numéro de sécurité sociale, sert de facto de document d’identité. Il est donc plus facile de se faire passer pour quelqu'un d'autre.
Mais ce n’est pas tout. L’approche du crédit n’est pas identique de part et d’autre de l’Atlantique. Afin de lutter contre le surendettement des Belges, la Centrale des crédits effectue toujours un contrôle de solvabilité avant d’octroyer un nouveau contrat de crédit. "Aux Etats-Unis, les crédits sont octroyés plus facilement et en cas de problème les gens peuvent se retrouver sur une liste de mauvais payeurs dont ils auront du mal à s’extraire", explique-t-il. "Cette approche engendre des problèmes spécifiques de fraude en matière de crédit qui sont amplifiés par l’absence de présentation de documents d’identité suffisamment fiables. Il est donc normal qu’il y ait une certaine crainte au sujet du vol d’identité là-bas. Les conditions ne sont pas les mêmes".
"La sécurité représente également un marché pour l’industrie. Il ne faut dès lors pas s'étonner du fait de nombreuses informations sur la fraude à l’identité sont présentes sur des sites commerciaux. La notion de fraude à l’identité y est parfois présentée d’une manière alarmiste, données statistiques (souvent contestables) à l'appui. Il faut faire attention à des actions du secteur privé qui viseraient à créer un sentiment d’insécurité dans certains domaines en vue de créer des opportunités de marché", conclut Benoit Gosset.