La différence est saisissante. A lire la carte que vient de réaliser la Mutualité chrétienne, les patients belges qui fréquentent les hôpitaux du nord du pays sont ceux qui seront le moins frappés par les suppléments d’honoraires lors de leur hospitalisation en chambre individuelle. Inversement, les hospitalisations en Wallonie, toujours en chambres individuelles, sont plus onéreuses. Elles atteignent même des sommets à Bruxelles avec dans certains cas des suppléments de plus de 400% par rapport aux tarifs en chambre commune. Une conclusion s’impose: pour le patient belge, la facture n’est pas égale selon qu’il choisisse de fréquenter un hôpital dans le nord ou le sud du pays.
+400% à Bruxelles
Mais plongeons dans l’analyse de cette carte. On remarque très rapidement que les hôpitaux situés en Flandre sont majoritairement recensés en vert. Cela signifie que les suppléments pour une hospitalisation en chambre individuelle sont de 100% par rapport à une hospitalisation en chambre commune. En Wallonie, la couleur dominante est le rose: les suppléments pratiqués varient entre 150 et 200%. Quant à Bruxelles, les montants explosent. Les suppléments en vigueur dans la capitale tournent entre 300 à 400%.
Pour arriver à ce résultat, la Mutualité chrétienne s’est basée sur les déclarations d’admissions dans les hôpitaux en 2013. C’est théoriquement à cette étape que les hôpitaux informent leurs patients des suppléments d’honoraires qui seront imposés si le malade réside en chambre individuelle. En gros, ces coûts supplémentaires imposés aux patients par les gestionnaires d’hôpitaux et les médecins varient entre 100 et 400% en Belgique.
Les suppléments ont tendance à exploser ces dernières années. Rien de vraiment neuf! Dans une étude que vient d’ailleurs de publier il y a quelques jours le centre de recherche de la Mutualité socialiste, on voit clairement l’inflation du coût en chambre individuelle ces dernières années. "Le coût d’un séjour en chambre particulière (1.395 euros) a augmenté de 26% entre 2006 et 2013. Il coûte, en moyenne, près de 5 fois plus cher qu’un séjour en chambre à deux lits (293 euros)", note la Mutualité socialiste.
411,5 millions d'euros
D’après Jean Hermesse, le secrétaire général de la Mutualité chrétienne, ces suppléments d’honoraires ont représenté un montant de 411,5 millions d’euros l’année dernière.
Face à ce constat géographique, Jean Hermesse se dit très perplexe. Il ne s’explique d’ailleurs pas une telle différence entre la Flandre et la Wallonie. "C’est une énigme! Je ne comprends pas comment on peut expliquer de tels écarts. Pourquoi du côté francophone, où le pouvoir d’achat est plus faible, les patients doivent-ils payer plus cher? Je n’ai pas l’explication."
Pour Jacques de Toeuf, vice-président de l’Absym (Association belge des syndicats médicaux), les raisons de cette situation sont historiques. "Les prélèvements sur les honoraires sont moins élevés dans les hôpitaux flamands au regard de ce qui se pratique côté francophone. Les médecins en Flandre ont moins de frais dans les hôpitaux. Ils demandent donc moins d’honoraires."
Une autre justification se situe dans le nombre de médecins employés en Wallonie. "Dans le sud du pays, le nombre de médecins utilisés dans les hôpitaux est plus important qu’en Flandre. Il faut les rémunérer. Les hôpitaux doivent donc générer des rentrées financières". Jaques de Toeuf n’exclut cependant pas un rééquilibrage à la fin 2014. "Il y a un rattrapage qui s’opère et, dans certains hôpitaux du nord du pays, on frôle les 175% de suppléments d’honoraires." Même si cette tendance doit encore se confirmer par les chiffres définitifs de l’année 2014, ce rattrapage flamand confirme un phénomène de tache d’huile que redoute Jean Hermesse. "Le cas bruxellois est très frappant. Même dans les hôpitaux publics de la capitale, les médecins appliquent une moyenne bruxelloise. On est clairement ici dans un phénomène de tache d’huile sous la pression des médecins. Ce phénomène risque de se propager au Brabant wallon."
Une liste noire?
Le patron de la Mutualité chrétienne y voit là un problème qu’il lie aux standards de confort dans les hôpitaux. "Le standard de confort a évolué. De nombreux hôpitaux se sont lancés dans la conversion des chambres à deux lits vers des chambres à un lit. Cela va devenir financièrement impayable pour les assureurs. Il faudra un jour revoir notre mode de financement. Certains assureurs ont d’ailleurs visiblement commencé à déconseiller des hôpitaux trop chers ou plafonnent l’intervention."
Si chez l’assureur DKV, qui gère un portefeuille de 2 millions de clients en Belgique, on reconnaît à demi-mot qu’il est possible d’orienter les clients vers les hôpitaux au rapport qualité-prix le plus intéressant, on insiste pour dire que ce n’est en rien une obligation. "Nous garantissons le libre choix du client. La loi nous l’oblige. Nos patients sont libres dans le choix de ses médecins et de son hôpital".