Si vous venez de recevoir une nouvelle carte bancaire, il y a de fortes chances pour qu’elle ait été produite dans l’usine d’Idemia, dans la ville néerlandaise de Sittard, située à un jet de pierre de la frontière belge. Le site imprime chaque année jusqu’à 15 millions de cartes de débit et de crédit pour pratiquement toutes les banques néerlandaises et certains acteurs belges, dont Belfius et KBC.
"Nous sommes invisibles aux yeux de l’utilisateur final. Les cartes sont expédiées au nom de la banque."
Sittard représente une base opérationnelle importante pour la multinationale Idemia, spécialisée en cartes d’identité, et qui est née récemment de la fusion entre Oberthur Technologies et Morpho. Il est probable que vous n’ayez jamais entendu parler de ces sociétés. "Nous travaillons dans l’ombre", explique son directeur Michael Utermann, tandis qu’il nous guide dans l’usine. "Nous sommes invisibles aux yeux de l’utilisateur final. Les cartes sont expédiées au nom de la banque."
ING, Belfius
Cette usine anonyme, située au cœur d’un zoning industriel des plus classiques, a accueilli la presse pour une visite exceptionnelle à l’occasion du lancement des nouvelles cartes ING. La visite s’accompagne de mesures de sécurité drastiques. Les smartphones et appareils photos sont interdits dans les espaces de production et les visiteurs doivent passer par un sas d’air, avant d’enfiler une combinaison de l’entreprise. Il est également interdit de mettre les mains dans les poches.
Ces mesures sont justifiées, car dans la réserve hautement sécurisée – appelée "vault" (chambre forte) – sont stockées des millions de cartes bancaires vierges. L’usine doit se conformer aux normes internationales prescrites notamment par les géants Visa et MasterCard. En cas de rapport négatif, l’usine risque de perdre ses commandes, et les emplois de centaines de travailleurs pourraient être menacés.
"Nous ne voyons pas disparaître les cartes bancaires dans les 10 à 15 ans à venir."
Sittard fait partie des 37 sites "de personnalisation" d’Idemia. Des machines spécialisées codent les informations du client sur le support magnétique, chargent des données sur la puce et impriment le nom du titulaire de la carte grâce à une technique au laser (cartes de débit) ou en relief (cartes de crédit). Pendant la dernière phase, la nouvelle carte est insérée dans une enveloppe pour être envoyée au client.
Le site fonctionne 24h/24. Les flux de production des différentes banques ont lieu simultanément. Pendant que les nouvelles cartes d’ING sont produites sur plusieurs imprimantes, une machine destinée à l’expédition prépare les lettres d’accompagnement des cartes des clients de Belfius.
"Le marché est stable"
Le transfert en ligne des données personnelles de la banque vers le système IT d’Idemia est de loin le maillon le plus délicat de la chaîne et s’opère via des connexions sécurisées, chaque banque possédant un code d’identification unique.
La communication entre le système IT et les imprimantes – d’une capacité de plusieurs milliers de cartes par heure – se fait ensuite via un réseau interne. Dès que la carte est prête à être envoyée, les données personnelles sont immédiatement effacées du système, conformément aux réglementations internationales.
"Le marché reste stable. N’oubliez pas que des pays comme l’Allemagne doivent encore franchir le pas des paiements en espèces vers les paiements par carte."
Ceux qui pensaient que l’émergence de la banque mobile réduirait la demande de cartes devront revoir leur copie. Michael Utermann prévoit une croissance annuelle de 2% du marché européen des cartes bancaires. "Le marché reste stable, explique-t-il. N’oubliez pas que des pays comme l’Allemagne doivent encore franchir le pas des paiements en espèces vers les paiements par carte. Ce n’est qu’ensuite que les paiements par smartphone pourront s’imposer."
L’usine de Sittard peut donc continuer à dormir sur ses deux oreilles. "Nous ne voyons pas disparaître les cartes bancaires dans les dix ou quinze ans à venir, assureMichael Utermann. Si elles disparaissent! Dans le métro londonien, par exemple, il semble que de nombreux voyageurs trouvent que le paiement du ticket via smartphone est trop complexe, et préfèrent utiliser leur carte bancaire. C’est une question de facilité d’utilisation."
Orange is the new black
Les nouvelles cartes de débit et de crédit des 2,5 millions de clients d’ING Belgique sont encore plus orangées qu’auparavant. C’est la conséquence d’une rationalisation au niveau mondial. La maison mère néerlandaise a réduit à huit ses 88 cartes bancaires utilisées sur ses 13 principaux marchés. La bande réservée à la signature du titulaire – très peu utilisée – disparaît notamment des cartes de débit.
C’est la première fois qu’ING utilisera les mêmes cartes partout dans le monde. L’uniformisation est un des chevaux de bataille du CEO Ralph Hamers, qui rêve aussi d’une app mondiale.