"Pour une fois, on a reçu plus que ce qu’on nous a donné". Philippe Defeyt, administrateur de l’Institut pour un développement durable, a fait les comptes. "Lorsqu’ils ont discuté des transferts liés à la sixième réforme de l’État, les négociateurs n’ont pas tenu compte des mesures qui allaient être prises". Le calcul des montants transférés est basé sur l’année 2013 et ne prend pas en considération la diminution de l’intervention de l’État qui a eu cours par la suite. En bref, la Wallonie va recevoir 50 millions d’euros en plus. Toutefois, la décision du nouveau gouvernement d’indexer le coût salarial va lui coûter 10,4 millions, toujours selon les calculs de Philippe Defeyt. Au total, le gain pour les finances wallonnes s’élèvera donc à environ 40 millions.
Cette information n’échappera pas aux membres du gouvernement wallon, qui se réunissent la semaine prochaine en conclave budgétaire. Une réunion qui a pour objectif de trouver des solutions pour dégager 650 millions d’euros d’économies.
40 millions sur 650, ce n’est qu’une partie mais c’est déjà ça. Pour aller plus loin, Philippe Defeyt a une idée: supprimer la déduction fiscale des titres-services tout en diminuant le prix d’achat de 1 euro. "Ce sera nettement plus clair pour tout le monde. Et l’effet sera immédiat. Ça rendra aussi service aux 8% d’utilisateurs qui oublient de déclarer leurs titres-services".
Pour le gouvernement wallon, toutes choses restant inchangées par ailleurs, cela représenterait une économie de 50 millions. Avec les 40 millions d’excédent précités, le montant total de l’économie s’élèverait à 90 millions. Pas négligeable.
Mais il faut rester prudent, nul ne sait prédire quel sera le comportement de l’utilisateur dans pareille situation. Il paiera son titre-service moins cher mais il perdra sa déduction fiscale. L’un dans l’autre, cela lui reviendra plus cher. Malgré ça, il pourra être attiré par l’effet immédiat de la diminution du prix (8 euros au lieu de 9). Et cet attrait, s’il s’avère trop important, compromettrait les économies prévues.
"Il faut réfléchir à progressivement diminuer l’intervention publique dans les titres-services."
Le gouvernement va-t-il oser prendre ce risque? À l’heure actuelle, les partenaires de la majorité se sont mis d’accord pour ne pas augmenter le prix du titre. Cette décision figure dans la déclaration de politique générale. Mais il n’est pas non plus question d’une diminution. "Je ne crois pas qu’ils vont toucher tout de suite au système. Mais il faudra le faire évoluer", juge Philippe Defeyt. L’économiste n’est pas un grand défenseur des titres-services. "J’ai toujours pensé que ce n’était pas le système idéal. Mais vu le nombre d’emplois qu’il concerne (32.000), on ne peut pas fermer le robinet du jour au lendemain".
Un coût de 494 millions
Selon ses estimations, la Wallonie va avoir besoin de 494 millions pour assurer le financement des titres-services utilisés par ses citoyens en 2015. "Je pense cependant que l’activité des titres-services pourrait encore reculer un peu en Wallonie, ramenant les besoins budgétaires du système désormais à charge de la Wallonie à 491 millions en 2015". D’après ses estimations, le nombre de titres-services utilisés est en diminution dans le sud du pays, passant de 32,3 millions en 2013 à 31, 7 millions en 2014, soit un recul de 1,7%. "Cela peut s’expliquer par la situation économique difficile en Wallonie. Et, sauf miracle économique, je ne pense pas que la situation va beaucoup changer." Au niveau national, le système semble stagner avec une hausse estimée à + 0,4% pour 2014.
D’après Philippe Defeyt, il ne faut surtout pas relancer la dynamique. Au contraire, "Il ne faut pas casser d’un coup le secteur. Mais le gouvernement devrait réfléchir à progressivement diminuer son intervention dans les titres-services pour davantage soutenir des mesures d’aide à la famille".
Le secteur des titres-services ne partage pas cet avis. "Ce n’est certainement pas la meilleure chose à faire. Plutôt que de retirer de la main gauche pour donner de la main droite, le gouvernement devrait réfléchir à d’autres moyens pour financer ces deux secteurs qui sont tout autant prioritaires. Demander une contribution aux entreprises pourrait être une piste", indique Arnaud Le Grelle, directeur Wallonie-Bruxelles chez Federgon.
[Suivez l'auteur de cet article sur Twitter en cliquant ici]