Des assurances vie, il y en a de toutes les sortes. Mais elles ont toutes ceci en commun: quand l’assuré décède, l’assureur verse un capital au (x) bénéficiaire(s). Qu’ils aient été nommément désignés ou clairement précisés (ex: "mes enfants") dans le contrat. Ou qu’il s’agisse simplement des "héritiers légaux". Depuis le 5 mars 2014, le capital en cas de décès est versé selon les règles de la succession, c’est-à-dire en tenant compte d’un éventuel testament.
Le montant du capital assuré est repris dans les conditions de la police d’assurance. Mais il ne s’agit pas pour autant du montant que le(s) bénéficiaire(s) va (vont) avoir en mains. Car le fisc va se servir au passage.
Des droits de succession malgré tout?
"Dans la plupart des cas, des droits de succession doivent être payés sur le capital décès qui est versé. Mais il y a des exceptions", explique l’avocat Jos Ruysseveldt. Le capital est pourtant versé au (x) bénéficiaire(s) sur la base d’un contrat. "Certes, mais contrairement à une maison et au patrimoine du défunt, le capital décès n’entre pas dans la succession, poursuit Ruysseveldt. En vertu d’une fiction légale, le capital est fictivement ajouté à la succession et donc soumis à des droits de succession."
Ces droits de succession sont calculés pour chaque bénéficiaire séparément. Le capital-décès qui est versé est ajouté aux biens dont le bénéficiaire hérite. C’est important dans la mesure où les droits de succession sont progressifs: le taux augmente au fur et à mesure que la valeur de l’héritage augmente. En outre, le degré de parenté entre le bénéficiaire et le défunt détermine les droits de succession qui seront dus. Les taux applicables pour les enfants du défunt, par exemple, sont beaucoup moins élevés que pour une voisine qui s’est occupée de lui pendant des années.
Impôt des personnes physiques (IPP)
Les droits de succession ne sont pas les seuls impôts. En général, c’est d’abord l’impôt des personnes physiques qui est retenu sur le capital versé. "Dès qu’une seule prime a bénéficié d’un avantage fiscal, si minime soit-il, il faudra payer un impôt sur la totalité du capital versé plus tard", précise Geert Witpas, expert en assurance-vie chez Bâloise Insurance. Cela signifie a contrario qu’un contrat dont aucune prime n’a jamais été déduite dans une déclaration fiscale échappe à l’impôt sur le capital versé.
"C’est évidemment sans commune mesure avec le niveau de l’imposition qui frappe le prélèvement anticipé de capital", reconnaît Geert Witpas. Comme le capital versé n’est pas ajouté aux autres revenus, il échappe aux tranches d’imposition les plus élevées. En impôt des personnes physiques, les taux d’imposition sont progressifs: ils augmentent avec les revenus et peuvent atteindre 50%. Le capital-décès est soumis à un taux d’imposition distinct qui varie selon le régime fiscal qui s’y applique. S’y ajoutent les centimes additionnels communaux.
Comment les assurances vie sont-elles taxées?
1. Formules d'épargne avec couverture décès
De quoi s'agit-il?
Les deux formules les plus populaires sont l'assurance-épargne (branche 21) et l'assurance-placement (branche 23). Une branche 21 est un produit d'épargne avec une garantie de capital et un taux d'intérêt garanti. En cas de décès, vous êtes certain de recevoir au moins les réserves constituées et les participations bénéficiaires. Par contre, dans une branche 23, il n'y a ni capital garanti ni rendement garanti. En cas de décès prématuré, c'est la valeur des réserves constituées qui est versée.
IPP?
"Dans la mesure où les primes de ces assurances n'ont jamais été déduites, le bénéficiaire ne doit pas reprendre le capital versé dans sa déclaration fiscale et il n'y a aucun impôt ni précompte mobilier", précise Geert Witpas.
Droits de succession?
Il faut toujours payer des droits de succession sur le capital versé.
2. Épargne-pension et épargne à long terme
De quoi s'agit-il?
L'épargne-pension est la dépense donnant un avantage fiscal la plus populaire. Une assurance épargne-pension permet de se constituer un capital de pension complémentaire. Les primes payées procurent une réduction d'impôt de 30%. Cet avantage fiscal est également accordé aux personnes qui participent à l'épargne à long terme. La formule est intéressante pour celui qui n'a pas (plus) d'emprunt hypothécaire à déduire dans sa déclaration fiscale. Aux deux formules est lié un capital-décès.
IPP?
"Dès qu'une prime a été mentionnée une seule fois dans la déclaration fiscale du défunt, il faudra payer un impôt sur la totalité du capital versé plus tard", prévient Geert Witpas. Le taux d'imposition est de 10%, majoré des centimes additionnels communaux. Seul le capital-décès est imposé, pas les participations bénéficiaires éventuelles.
Quel sera l'impôt prélevé?
Un impôt libératoire de 10% est prélevé:
- le jour des 60 ans de l'assuré pour les contrats conclus avant l'âge de 55 ans;
- au dixième anniversaire de la police pour les contrats conclus à partir de 55 ans.
Dès que cet impôt est prélevé, le fisc ne prendra plus rien d'autre et il ne faudra pas déclarer le capital-décès dans la déclaration fiscale.
Si l'assuré décède avant que l'impôt libératoire mentionné ci-dessus n'ait été retenu, le capital-décès versé sera soumis à un précompte professionnel (10,09%) et la compagnie d'assurance fournira une fiche de revenus avec le montant à reprendre dans la déclaration. Pourquoi 10,09% de précompte professionnel, alors que l'impôt ci-dessus est de 10%? Parce que lorsqu'on mentionnera le capital dans la déclaration fiscale, il sera aussi soumis aux centimes additionnels communaux.
Droits de succession?
Il faut toujours payer des droits de succession tant sur le capital versé que sur les éventuelles participations bénéficiaires.
3. Assurance solde restant dû
De quoi s'agit-il?
Une assurance de solde restant dû est souscrite lors de la conclusion d'un emprunt. En cas de décès anticipé de l'emprunteur (l'assuré), l'assureur verse un capital avec lequel le solde restant dû de l'emprunt est (partiellement) remboursé. On évite ainsi que les héritiers doivent rembourser (la totalité de) l'emprunt.
IPP?
Les primes d'une assurance de solde restant dû peuvent être reprises dans la déclaration fiscale et procurer ainsi un avantage fiscal. Mais généralement, le panier fiscal qui regroupe les avantages fiscaux est déjà rempli avec les remboursements de capital de l'emprunt hypothécaire. Mentionner une prime d'assurance de solde restant dû ne procure alors plus aucun avantage.
- Or, si on n'a jamais indiqué dans sa déclaration fiscale la moindre prime de cette assurance de solde restant dû, il n'y aura aucun impôt à payer sur le capital-décès.
- Mais dès qu'une seule prime a été déclarée, même sans bénéficier d'un avantage fiscal, il faudra payer un impôt à payer sur la totalité du capital versé. "Cet impôt dépend du régime fiscal sous lequel l'assurance de solde restant dû a été reprise dans la déclaration fiscale", précise Geert Witpas. Car une assurance de solde restant dû peut faire partie du bonus logement (déduction accordée à une habitation propre et unique), avoir bénéficié de la réduction d'impôt pour épargne à long terme, pour l'épargne-pension ou pour un engagement individuel de pension (EIP).
Exemple
Jean et Sophie ont acheté une maison ensemble. Ils ont souscrit chacun une assurance solde restant dû lorsqu'ils ont conclu leur emprunt hypothécaire. Ils ont droit au bonus logement, la réduction d'impôt pour leur habitation propre et unique.
Jean décède, laissant un capital-décès à Sophie. Elle sera imposée sur une rente fictive: pendant 13 ans, elle devra reprendre dans sa déclaration un pourcentage de ce capital. Si Sophie a 65 ans ou plus au moment où elle perçoit le capital, les 13 ans sont ramenés à 10 ans. Quel est ce pourcentage? Celui-ci varie de 1 à 5%, selon l'âge du bénéficiaire (Sophie) au moment du paiement du capital.
"Ce régime fiscal est avantageux car on n'est imposé chaque année que sur une partie du capital, et pas tout d'un coup sur la totalité", selon Geert Witpas.
Droits de succession?
Comme le capital versé sert à rembourser des dettes existantes (l'emprunt), il n'y a pas de droits de succession à payer.
4. Assurance groupe pour salariés
De quoi s'agit-il?
De nombreux employeurs ont conclu une assurance groupe pour leurs salariés. Via des versements mensuels, l'employeur (et éventuellement le travailleur) constitue (nt) un capital de pension complémentaire. Si le travailleur décède prématurément, un capital-décès est versé.
IPP?
- Si le capital-décès est payé au conjoint survivant, une cotisation INAMI de 3,55% et une cotisation de solidarité de 0 à 2% sont retenues.
- "Ces cotisations ne sont pas retenues si le capital est payé à un partenaire cohabitant ou aux enfants", précise Geert Witpas.
- Mais il y a un impôt des personnes physiques à payer sur le capital contractuel. Pour la partie du capital financée par les cotisations de l'employeur, le taux est de 16,5%, à majorer des centimes additionnels communaux. La partie du capital financée par les cotisations du travailleur est imposée à 10%, à majorer aussi des centimes additionnels communaux. Sur les participations bénéficiaires, il n'y a pas d'impôt. Au moment où il paie le capital, l'assureur opérera une retenue de précompte professionnel de 16,66% sur la partie financée par les cotisations de l'employeur et de 10,09% sur la partie financée par les cotisations du travailleur. Vous recevez une fiche de revenus qui reprend les montants à mentionner dans votre déclaration fiscale: le capital et le précompte professionnel.
Droits de succession?
- Si le capital-décès de l'assurance groupe est versé au conjoint survivant ou aux enfants de moins de 21 ans, aucun droit de succession n'est dû.
- Par contre, d'autres bénéficiaires éventuels – comme un partenaire cohabitant légal – sont eux redevables des droits de succession.